• « A part des photos de bouffe, t’as pas autre chose sur ton portable ?? » s’exclama ma sœur quand je me dépatouillais péniblement afin de lui montrer des images du chat. Effectivement, j’en ai des centaines sur le mobile… et sur mon pc. «  C’est pour mes chroniques Miam miam du blog » me défendis- je mollement. Force est de constater que je ne suis plus dans la même démarche depuis des lustres. Certes, j’avais remarqué des récurrences dans le flot de mes expériences culinaires et décidé d’éviter les doublons, je crois cependant que ce changement d’approche est principalement révélateur de mon positionnement différent vis- à- vis de la nourriture.

     Du temps de ma cohabitation avec SeN, j’avais besoin de prouver que ce que je cuisinais avait du sens, était une expérience de vie, un don de soi, de partage, de réflexion et d’intuition vivifiante. Via internet, je cherchais l’assentiment d’autres afin de supporter l’indifférence, les critiques acerbes d’un homme qui ne jurait que par ses gadgets alimentaires et la cuisine de sa mère. Ce temps est révolu et en déménageant, je quittai non seulement un homme mais aussi une vie cloisonnée et étouffante, des cadres étroits et limitatifs, une mortification sans issue. Depuis, je m’en donne à cœur joie et ma cuisine déborde de mes expériences tant sur le plan alimentaire que sur le plan matériel. En boutade, la maison aux multiples possibilités a laissé la place à une vie restreinte matériellement, financièrement... et, je m’éclate comme une fofolle que je suis parce que les critères prétendument objectifs se révèlent complètement inappropriés.  

    Meublée de bric- et- de broc, débordante de partout, s’y étalent en mouvement perpétuel mes expériences et méditations sur la vie, le corps, la relation à soi et à l’autre. L’air de rien, bien de de nos choix sont évocateurs de ce qui se joue en soi (je ne dis rien d’autre dans mes dévidoirs). Fiston ayant lâché l’ordinateur aujourd’hui pour aller trifouiller celui d’un copain, j’en profite pour mettre de l’ordre dans mes photos et préparer les prochains articles de mes chroniques Miam Miam. Attention, ça va exploser de tous les côtés, en feux d’artifice ! 

    (Croisons les doigts pour que le temps soit avec moi et que fiston me laisse tranquille).

    A bientôt !

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  •  

    A la fin du mois de juin, j’ai participé à une démonstration de Qi Gong lors d’une manifestation locale. Notre toute jeune association a besoin de se faire connaître et comme je suis d’un naturel fidèle et engagé, il me semblait logique d’en être. De ce fait, je me suis retrouvée avec quelques camarades et notre enseignante autour d’une table, dans l’attente de notre démonstration ou afin de profiter de l’après- midi ensoleillée pour se voir en d’autres cadres que celui des cours.

     Bla- bla aléatoires et puis, une conversation sur le positionnement de notre prof.

    De grandes exigence et intégrité, elle refuse de participer à une vague intéressée de vente de pratiques à la mode telles que le Taï-chi-chuan ou le Qi gong. Son cheminement et celui qu’elle propose est une voie silencieuse, intérieure où l’expérience par le corps, la respiration, la pratique méditative de ces arts martiaux priment en vue de bien- être et d’équilibre. Elle expliquait en particulier sa grande pondération devant des promesses de santé vantées par certains enseignants, en particulier, le profit que tiraient certains devant la détresse de personnes gravement malades, désespérées en quête de solutions que la médecine n’avait pas. Elle- même avait entendu parler de prof. prétendant guérir le cancer, invitant à cesser les traitements allopathiques remplacés par une pratique intensive de Qi Gong thérapeutique. S’en suivit un flot de remarques dénonçant ces pratiques non exclusives aux arts martiaux parmi les interlocuteurs. Le thème récurrent était l’intérêt financier, la cupidité, le profit tiré de la détresse, de la faiblesse, du désespoir des condamnés par la maladie ; un vent de révolte planait au sein des protagonistes. Je saisis un petit blanc dans l’assemblée pour affirmer haut et fort ce que j’avais envie de dire à ce sujet :

    «  Oui, c’est cruel et inadmissible d’évoquer des miracles possibles aux désespérés mais ce que je trouve le plus inhumain dans ce genre d’histoire c’est la désappropriation de sa mort ! Parce que faire croire constamment à quelqu’un qu’il existe une voie possible, miraculeuse, promettant la guérison alors qu’il n’y a aucune alternative, c’est véritablement spolier cette personne de sa mort ! Et préparer sa mort, cela fait aussi partie de la vie ! »

    Mes premiers mots semblèrent inaudibles, suivirent trouble, recul, silence. Je m’en étonnai quelques secondes puis pensai qu’à nouveau, j’avais fait virevolter le sujet vers un point de vue inattendu.

    La conversation s’étiola rapidement.

     

    La mort est décidément un tabou dans nos sociétés ; à force de l’occulter parce qu’elle nous angoisse, nous l’avons séparée et distinguée de la vie. Elle n’en reste pas moins une étape importante au même titre que la naissance largement célébrée, elle.  Nous avons encore beaucoup à apprendre.

     

    De la mort ici et surtout ... entre autres...


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  • Perdre la vue était l’une de mes plus grandes peurs et j’y suis tombée en moins d’une semaine. Malgré les limitations et empêchements d’autres, j’ai tâché de m’adapter en jouant sur les lumières, quelques accessoires, principalement sur l’écoute de mon corps et la volonté de ne pas rester en fatalité subie. Fort heureusement, j’ai eu la chance inouïe de la récupérer lentement.  De cette expérience initiatique, m’est resté le plaisir d’écouter des livres lus que je dégotte avidement à la médiathèque. Est- ce un réflexe boulimique post famine ?  Grande lectrice que je suis depuis plusieurs décennies, j’y vois une continuité logique. Et puis, ce support me permet de lire en travaillant de mes mains ou en m’endormant, ce qui multiple mes lectures. Bien des œuvres lues ou écoutées attendent leur article, je ne suis pas, débordée par les péripéties  et expériences quotidiennes, un fiston accaparant l’ordinateur pendant les vacances. Pourtant, je bouleverse mes chronologies et profite des grasses matinées interminables du fiston- ado pour vous parler de ce livre aujourd’hui.

     

    David Servan- Schreiber est jeune médecin aux Etats- Unis quand il apprend qu’il a une tumeur au cerveau, cataclysme dans une vie pleine de projets et d’ambition. En plus des traitements habituels, il décide d’expérimenter d’autres voies curatives et s’en sort. Dans ce livre, il explique les processus du cancer, comment s’alimenter, vivre pour s’en prémunir ou accompagner les traitements quand il est déclaré. Il évoque ses expériences personnelles, ses rencontres avec des médecins, des thérapeutes, des patients qu’il a lui- même accompagnés. Il donne de nombreuses références, des pistes de réflexion et surtout invite à l’amour de la vie que nous avons à vivre.

     

    Vous trouverez beaucoup d’informations à ce propos sur la toile, en librairie d’autant que David Servan- Schreiber, après s’en être sorti à deux reprises (la deuxième était dite fatale) est actuellement en terrible rechute et prépare sa mort. Je n’ai donc pas tellement le goût de vous le résumer ou d’en faire une analyse critique, j’ai seulement envie d’en parler pour ce qu’il a de résonnance en moi.

     

    En le découvrant par hasard parmi les autres, j’ai pris ce disque pour ma mère. Elle a eu deux cancers et a réchappé de justesse au deuxième. Je n’étais pas présente à sa maladie et de toute façon, elle ne m’en a quasiment rien montré, ni dit. Je ne culpabilise pas, notre famille est particulièrement touchée et l’hécatombe est évidente ; le cancer fait partie de notre patrimoine, il nous est familier et nous savons que la prévention est essentielle pour chacun d’entre nous en priorité. Par contre, j’ai, grâce à la communication bienveillante, ouvert mes esgourdes à sa souffrance psychologique, à sa profonde solitude, son chagrin, ses peines, ses angoisses quant au gâchis d’une vie par défaut d’accompagnement, de solidarité. Elle n’a d’ailleurs pas prêté attention à ce livre régulièrement évoqué, ce n’est après tout pas de la maladie, de la douleur dont elle a le plus peur ou le plus souffert. J’ai donc écouté ce livre- lu pour moi, pour mes proches, pour qui voudra le partager.

     

    Si la maladie de Devic n’est pas un cancer, elle est aussi contrecarrée par des chimiothérapies, elle est aussi une maladie chronique dont les origines sont similaires à celles des cancers, il y est aussi question d’inflammation. Il ne me fut guère difficile de réfléchir à ces parallèles tant qu’il était dans des questions médicales, alimentaires, environnementales ; une autre attention s’éveilla quand il entama la question de la corrélation entre corps et psychisme et je vibrai avec lui dès lors qu’il aborda des questions fondamentales de présence à soi, au monde, à la vie. Les passages concernant les fins de vie me bouleversèrent et j’ai pleuré dans ma cuisine en faisant la vaisselle alors que je l’écoutai. Je vivais, je vibrais avec lui (il lit lui- même cette version audio). Parce que nous avons la même expérience de la proximité de la mort, parce que ce vécu métamorphose profondément, parce que c’est une expérience initiatique au- delà de tout ce que les sociétés humaines peuvent imaginer, j’étais reliée.

    J’ai trouvé en ses mots un écho similaire aux miens, d’autres illustrations verbalisant et concrétisant les  raisons fondées de ma colère, de mes souffrances relationnelles à SeN notamment et cette volonté farouche de vivre pleinement ce temps qui nous est imparti sur Terre non sur un plan narcissique d’égo désireux de contrôler pour vivre l’éternité mais bel et bien en tant qu’être, partie intégrante d’un tout, d’un monde, d’un univers, de la vie.

     

    David Servan- Schreiber est un cas clinique qui a démenti les pronostics des médecins, il a gagné de nombreuses années de vie et couru le monde pour partager ses expériences. Certaines polémiques existent quant à sa démarche, certains de ses choix et de ses positionnements, je ne m’y attarde pas. A mes yeux, ne comptent que son engagement et cette humanité vécue pleinement dans sa vibration essentielle, sa finitude, son positionnement dans l’univers.  Il renforce cette pensée récurrente à mon esprit : peu importe ce qui nous arrive, ce qui compte, c’est ce que nous en faisons. (Mon ami Boris évoque constamment cette nécessité de sens et de verbalisation sur nos parcours de vie)

    Nul n’échappe à la mort, c’est notre lot commun, notre destinée à tous. La maladie, la douleur, la souffrance sont des réalités auxquelles nous ne pouvons échapper. Longtemps, j’ai répété : en dehors de la mort et la maladie, il n’y a de limite que celles que l’on s’impose. Depuis la maladie, le handicap, la douleur, la dépendance, la souffrance, le sentiment d’imminence de la mort, je sais que même dans la maladie et la mort, nous avons la possibilité d’être et de devenir. C’est également ce que répète David Servan- Schreiber dans ce livre et je suis heureuse de le partager avec lui, avec Christiane Singer, Colette Portelance et tant d’autres anonymes.


     

    Si certains d’entre vous croisent cet ouvrage, vous penserez peut- être à moi à partir du chapitre 9. 


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  • Dans ma démarche intérieure en mouvement perpétuel, je me penche depuis plusieurs mois sur mon rapport à l’argent, au matériel et ces trucs- là. Ils me préoccupent face aux factures, aux  empêchements et limitations alors que je les oublie au quotidien étant d’un naturel peu enclin à la propriété, la possession (je résume pour rester en boutade).  Depuis quelques jours, j’ai donc décidé de réciter en mantra une phrase afin de m’y pencher tout en y méditant :

    Je mérite l’abondance et l’abondance vient à moi.

    Nous méritons l’abondance, fiston et moi, et l’abondance vient à nous.

    Et depuis deux semaines, nous connaissons l’abondance: l’abondance de poux !!

    Ce sont les premiers pour lui, mes méthodes l’en avaient protégé toute son enfance, je n’en ai pas eu depuis 30 ans ou moins.

    Ainsi, j’entame mes vacances sur un gros ménage général avec lavage des draps et linges en pagaille (abondance, abondance), les huiles sur la tête qu’elles soient grasses pour étouffer les bestioles ou essentielles pour les éloigner, les tuer,  les lavages fortement vinaigrés de nos têtes envahies et les passages réguliers du peigne fin afin d’éliminer les macabés et écraser impitoyablement les survivants délogés. La tâche est fastidieuse et laborieuse mais si la fatigue me rattrape, je constate avec joie que ma résistance s’est renforcée, les heures debout ou à courir à gauche à droite s’allongent et je viens à bout du bazar comme une grande, toute seule.

     

    Un cadeau ces poux ? Peut- être bien pour m’inciter à méditer sur la formulation des demandes à l’univers. Alors, je repars avec d’autres mantras :

    Je mérite l’abondance matérielle et l’abondance matérielle vient à moi

    Nous méritons l’abondance matérielle et l’abondance matérielle vient à nous.

     

    Quelle sera la prochaine surprise ?

     

    Vous avez des idées, vous, de formulation de demandes ? C’est un exercice faussement simple, croyez- moi.


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  • Le laboratoire Roche le nomme Cellcept, la molécule est mycophénolate mofétil. Ce n’est pas de la rigolade, au contraire,  c’est du lourd. Evidemment, après les perfusions au bazooka, cela me semblait de la gnognotte, je ne me suis heureusement pas posé de questions ou tourmentée en le prenant ou en lisant la liste des effets secondaires, cela aurait été inutile voire destructeur. Je préférai mesurer l’aubaine d’un traitement permettant de contrôler une saloperie de maladie incurable, chronique, aléatoire, invalidante, virulente. Très cher (110 euros la boite avec la marque Roche, 2 à 3 nécessaires par mois), je louai à nouveau la Sécurité sociale, le tiers payant et la prise en charge à 100% pour les affections de longue durée ! Dans d’autres pays, même très riches, c’était la mort assurée d’abord sociale puis physique.

    La première semaine, j’entamai les prises quotidiennes. C’était tellement facile, un verre et hop, c’est fini. J’avais la tête à la vie et je ne tins aucunement compte d’un quelconque effet secondaire.

    La deuxième semaine, je commençai par prendre deux comprimés le matin histoire de me débarrasser de cette obligation au plus vite, je n’avais aucune envie d’y songer à plusieurs reprises dans la journée. D’emblée, je remarquai qu’un coup de massue me fauchait en début d’après-midi, une fatigue forte, irrépressible m’étreignait et où que je me trouvasse, j’avais envie uniquement de me coucher et de fermer les yeux. Le monde pouvait s’écrouler que je n’en avais cure, je ne voulais que me reposer. Bornée comme je suis, je n’ai pas cherché très loin, incrédule et assez indifférente en dehors des coups de massue. Ce n’est que lorsque j’étais contrariée dans mes projets que ce phénomène me questionnait. Je passai donc à la troisième semaine avec ses trois prises.

    Catastrophe, deux prises le matin et un comprimé plus tard, j’étais un vrai zombie. Mon médecin généraliste m’expliqua, quand je l’interrogeai sur ces manifestations, que mon organisme ne supportait pas ces fortes doses et qu’il serait plus judicieux de les étaler dans la journée. Je pris donc trois comprimés, trois fois par jour, bien séparés. Passage en quatrième semaine et ses quatre prises journalières.

    Un le matin, un le midi, deux le soir.

    Désormais, en plus de ma volonté acharnée à récupérer au maximum ce qui avait été perdu sur le plan physique (marche, vue, souplesse, endurance…), de mon combat pour l’assainissement des relations à mon entourage dans une ambiance délétère et du marathon du retour à la vie sociale, j’engageai une lutte quotidienne contre cette fatigue, cette profonde lassitude.

    Quelques mètres ou quelque activité me fauchaient littéralement très rapidement. Chaque effort était une expérience profonde afin de puiser la force nécessaire à mon objectif. Je faisais tout en pointillé, en négociation perpétuelle avec le corps. Le ménage par exemple était une épreuve. Ce que j’abattais avant en deux heures me prenait toute la journée contrainte par des pauses régulières d’assise. Ce fut d’ailleurs au cours de l’une d’elles que je réalisai combien j’avais nié mes besoins en mettant fin à l’aide à domicile parce que je n’avais laissé de place qu’aux angoisses de SeN. Nouvelle voie d’apprentissage.

    Simultanément, je faisais régulièrement des malaises avec syncopes et perte de connaissance. Qu’importaient le moment, l’heure, le lieu, je pouvais tout à coup m’écrouler sans prévenir. Je me souviens en particulier d’un matin où une sœur infirmière était venue pour la prise de sang mensuelle. J’étais descendue joyeuse et bloom, je me retrouvai portée jusqu’au canapé ; je m’étais écroulée subitement. Heureusement, SeN était derrière moi par hasard et il n’avait eu qu’à tendre les bras pour me rattraper in extrémis, je ne fus pas blessée. Je n’ai aucun souvenir, simplement un trou noir- éclair. Par bonheur, ces chutes ne survinrent pas quand j’étais seule (ce qui était la plupart du temps) et n’entrainèrent jamais de blessure. Si j’étais croyante en quelque religion, je parlerai d’anges gardiens.

    En parallèle, j’entamai la valse folle des infections urinaires.

    Du fait d’une atteinte de la moelle épinière, mon système d’évacuation est détraqué, c’est mécanique. En raison de sphincters mal connectés aux ordres du cerveau,  des résidus stagnants dans la vessie provoquaient déjà quelques infections régulières. Avec la prise d’un immunosuppresseur, ce sont nos fragilités qui se réveillent et chez moi, mon système urinaire en est un. Bébé, j’avais eu des staphylocoques incompréhensibles ; longtemps, nous avions cru que c’était de l’histoire ancienne et avec l’immunosuppression, cette vieille histoire revint sur le devant de la scène. Pendant des mois, elles se succédèrent avec une régularité énervante. Malgré les traitements et alternatives mises en place avec Solange en rééducation (auto-sondages, médicaments, etc.), elles étaient quasi permanentes. Par chance, je n’eus que peu d’antibiotiques puisque mon médecin généraliste est homéopathe. Je me suis donc gavée de teinture mère, de granules et autres doses pour contrecarrer ces foutues infections. Le neurologue évoqua opérations, traitements supplémentaires. Oula ! Au regard de ce que j’ingurgitais depuis des mois, je voulais m’éviter au maximum de nouvelles chimies en cocktail ; l’homéopathie me sauva la mise et il ne put que m’encourager sur cette voie. Et oui, les médecins confrontés à certaines pathologies lourdes n’ont absolument rien contre des alternatives permettant de soulager leurs patients du moment que la thérapie se fait de concert.

    Evidemment, ces tracas avaient une portée importante sur mon quotidien. Les nuits étaient perpétuellement entrecoupées en raison de levers incessants aux toilettes aggravant la lassitude engendrée par le médicament en lui- même. Souvent, en pleine nuit, je n’arrivais pas à destination. Au mieux, je me liquéfiais sur place, dans le couloir, dans les escaliers, devant la cuvette des toilettes. A 2, 3, 4, 5 heures du matin, j’épongeais  les traces de mes fuites tout le long de ma course à la salle de bains, je me lavais, je me changeais, parfois, je réveillais SeN pour changer les draps d’un lit inondé.  Au pire, la tête tournait au point de m’écrouler dans une immense flaque d’urine ou dans les bras de SeN répondant à mes rares appels à l’aide. Même dans ces situations dangereuses, je ne tenais pas compte de mes besoins, je le passais avant moi sous prétexte qu’il travaillait, qu’il avait besoin de dormir. C’était un crève- cœur que de le solliciter et j’encaissais ses réflexions acerbes sans broncher, profondément triste.

     

     Et puis, après plusieurs mois de ce cirque, il s’avéra un jour, par hasard que la pharmacie était en rupture de Cellcept. Comme il est à prendre progressivement, son arrêt ne peut se faire brutalement et je calculais combien il me restait de comprimés jusqu’à la date prévue d’arrivée des nouvelles boites… «  Humm, en n’en prenant que 3 par jour, je peux y arriver ». Sans en informer les médecins, je m’y mis et mon quotidien fut transformé très rapidement. Mes soucis urinaires s’apaisèrent grandement, la vitalité me revint comme par enchantement, les efforts ne me coûtaient plus tant, je retrouvais bien des activités avec plaisir, je pouvais mobiliser mes forces vers les muscles, la motricité, la relation, les projets de vie au- delà les murs- prisons de cette foutue maison. Ce fut une magnifique surprise, un soulagement, un tremplin vers d’autres horizons désormais plus accessibles.  Refusant la peur, je décidai par moi- même de rester à trois comprimés par jour.

    Au rendez- vous suivant en neurologie, j’informai joyeusement et fermement  Gilles que de mon propre chef et à l’écoute de mon corps, j’avais arrêté les quatre prises quotidiennes. «  Ma vie en a été transformée ! ». Comme à son accoutumée, il m’écouta attentivement, répondit posément : «  Si effectivement vous vous sentez mieux ainsi, vous pouvez continuer avec seulement trois comprimés par jour. La posologie normale dans cette pathologie est de quatre mais comme vous n’êtes pas bien grosse (pour rappel : 1m68 et 54-55 kilos), je pense que trois sont suffisants. » Youpi ! Je pouvais continuer sur ma lancée.

     

    Jusqu’à nouvel ordre, c’est un traitement à vie, c’est- à- dire tant que la médecine n’aura pas d’autre proposition thérapeutique et cette prise est devenue une habitude, un geste mécanique. Néanmoins, de temps en temps, j’ai quelques pensées nostalgiques pour ce temps où je n’avais pas à songer constamment aux traitements, pilules et autres chimies à avaler, où les boites n’envahissaient pas ma cuisine, bien en vue. J’ai également des jours où j’oublie d’en prendre un avec ce désir constamment présent d’en finir avec ce truc pas léger du tout. Il suffit d’une douleur, d’une malaise quelconque pour que je me jure mordicus de ne plus le négliger, la peur de replonger me rappelant à l’ordre. Les prises de sang se font moins fréquentes les premiers mois ayant été bons, mon organisme surmonte l’épreuve et mes cellules se maintiennent à des niveaux normaux tendance moins. J’avoue avoir négligé les échographies cardiaques annuelles à partir de la troisième, la deuxième ? Je ne sais plus. Et puis, à la rencontre d’autres personnes atteintes elles aussi de Devic, j’ai pu mesurer ma chance. Non seulement je le supporte bien ce foutu immunosuppresseur, anti- rejet, mais en plus, je suis un des rares cas à répondre aussi favorablement aux traitements.    Bon sang, pourvu que ça dure !! Et dans ma caboche de Carabosse bornée et acharnée de la vie, je songe souvent à cette petite remarque de mon ancien kiné de rééducation, Raphi : «  Et guérir, pourquoi pas ? C’est aussi une possibilité… ». Ma guérison intérieure quant à elle est déjà bien en marche, quoiqu’il en soit


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