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Retour au travail, enfin !
Après des mois de luttes administratives avec toute une équipe serrée autour de moi dans une mêlée avançant centimètre après centimètre, j'ai ENFIN pu reprendre mon travail. (J'essaierai de raconter cette aventure épique plus tard) J'en trépignais d'impatience depuis plusieurs semaines et plus je m'approchais de la date, plus je me sentais fofolle. Ce fut donc toute guillerette que je partis avec le taxi désormais mis à ma disposition par un financement de la Région.
J'étais porteuse de salut des uns aux autres par les liens que je créai grâce/ à cause de ma loquacité pendant les transports avec les différents chauffeurs de vsl et autre taxi. Ainsi, j'en vins à raconter des pans de ma vie d'avant, des conséquences de la maladie : handicaps invisibles, bouleversements du quotidien et des projets, ce sentiment étrange que je ne me suis jamais sentie aussi bien après le grand ménage que ces épreuves avaient provoqué. Je n'ai pas de difficultés à répondre aux questions et à expliquer.
A l'arrivée avec mon chauffeur très prévenant (je prends goût à ces commodités, hi hi) j'ai embrassé mon collègue qui m'attendait sur le pas de la porte tout ému, un large sourire sur le visage et ma supérieure quand elle est arrivée. J'ai vidé mon sachet empli de ce qui retrouvait sa place et je suis repartie avec une grosse boite de pains d'épices au chocolat, cadeau de mon collègue qui me touche grandement. Je n'ai pas pu voir la secrétaire qui travaille ailleurs le mardi et j'espère la voir jeudi matin. Son supérieur un peu bourru habituellement s'exclama en me voyant « Tiens, une revenante ! » Je lui répondis qu'il ne pouvait pas mieux dire.
J'ai remis de l'ordre dans quelques papiers, j'ai essayé de prendre mes repères dans ces lieux connus et pourtant différents en raison de ma vue déficiente. Moult informations me sont désormais inaccessibles et des automatismes d'hier prennent du temps à revenir parce que je n'ai plus les mêmes moyens physiques : je ne peux plus lire les fiches des stagiaires à la première rencontre, les étiquettes des dossiers sont écrites trop fin et petit sur des fond jaunes ou orange, je ne peux plus courir d'une pièce à l'autre, j'ai oublié le code de la photocopieuse... Cette machine avait disparu de ma vie pendant deux ans et demi et je la retrouvai avec quelques hésitations. Les touches et les écrans si petits m'obligent à coller mon nez dessus, je repérai le relief sur la touche 5 auquel je n'avais jamais prêté attention avant la maladie. Ce fut avec une réelle délectation que je fis mes recto- verso, en paquet, en individuel... Ah ! Ces petits gestes du quotidien dont nous ne mesurons pas la richesse. Evidemment, avant, je pensai toujours aux copistes du Moyen Âge qui passaient leur vie dans le froid et les courants d'air à transcrire des œuvres. Que penseraient -ils de nos facilités à dupliquer ? Bah, dans 100 ans, nos papiers se seront auto détruits de leurs propres acides et les enluminures n'auront rien perdu de leur magnificence. J'en ai vu datées de mille ans qui resplendissaient comme au premier jour de leur temps, notre civilisation a quelque chose de dérisoire face à elles.
J'avais été prévenue que je n'aurai pas beaucoup de stagiaires, le mois de décembre n'étant pas idéal pour une reprise ; entre la fête du mouton et les préparatifs de Noël, les volontés se ramollissent. J'eus donc une seule personne. Je tâtonnai et travaillai ardemment avec elle sur l'expression de la position, parlant et répétant inlassablement les phrases types. Mes automatismes revenaient vitesse grand v, les bâillements répétés en plus (ce sont les médicaments). Finalement, je n'ai rien perdu de mes capacités, j'espère les avoir enrichies avec l'expérience des dernières années.
Au détour de la conversation, je reçus des nouvelles d'une ancienne stagiaire russe qui avait vanté mes mérites professionnels et humains auprès de cette jeune femme. Ola ! Comme il est étrange de revenir et d'entendre que tous ces mois, je n'avais pas été oubliée, que les stagiaires réclamaient mon retour sans cesse. Que l'activité reprenne son cours et j'en retrouverai avec bonheur quelques uns. Je me sens inondée d'amour et de gratitude , je suis habitée de toutes ces rencontres merveilleuses.
Au passage, elle me demanda mon âge, je répondis, 36. Elle resta bouche bée, elle ne m'en donnait pas plus de 25 ans. Hé hé. Je fais 10 ans de moins depuis près de 15 ans : on me prenait pour une fille mère quand j'étais enceinte de mon fils. Et moi qui pensais que les soucis, la rudesse de la vie et la maladie avaient marqué mon corps ! Je la remerciai chaleureusement, j'étais gonflée à bloc.
Mes heures passèrent très vite et j'ai quasiment oublié la fin de la séance ; cela était une de mes caractéristiques également, avant ; je suis constamment ramenée au temps par les stagiaires. Seulement, désormais, j'ai un chauffeur ponctuel, je ne peux plus déborder comme autrefois. Je me hâtai de reprendre mon sachet (j'en ai rien à faire des apparences et je ne ressens pas le besoin d'avoir un sac, un vrai au risque d'en déstabiliser certains avec mes paniers ou sacs plastiques) et je filai avec des grands gestes d'au revoir, à jeudi.. Le retour fut des plus intéressants, mon chauffeur avait été cuisinier pendant 15 ans dans les plus grands restaurants d'Europe : Martinez de Connes, Georges V à Paris et bien d'autres. Il m'époustoufla de son cv et nous devisâmes vivement des goûts, saveurs et expériences culinaires. J'évoquai mes modestes tamagouilles, il ne les regarda pas avec mépris parce que nous étions dans les mêmes idées : multiplier les goûts pour apprivoiser les saveurs et se lancer dans l'aventure de leur alchimie, travailler et préparer des produits de base, de saison, expérimenter tous les possibles. Le trajet, tout comme l'après midi a filé sans que je ne le remarquai.Et il y eut deux heures de phonétique avec ma jeune voisine ukrainnienne, je ne suis même pas fatiguée ce soir.
Alors oui, bien évidemment, les autres stagiaires ne sont pas venus et ce n'est pas bon pour les finances. Oui, l'avenir est très incertain avec les changements dans les procédures de financements. Oui les organismes de formation sont placés dans des positions tangentes par les politiques. Oui il y a un travail énorme à fournir seulement pour préserver nos emplois... Oui, rien n'est parfait. Néanmoins, nul ne sait de quoi demain sera fait et je suis bien placée pour le comprendre réellement. Alors, simplement, je savoure ce premier jour de retour au travail.
Nombreux sont ceux que je remercie du fond du cœur pour leur aide, leur soutien, les combats qu'ils ont menés afin que je revienne, pour les aménagements et la flexibilité dont ils ont fait preuve. Au regard de ce qui me revient à travers les autres, je peux enfin accepter l'idée que je suis une bonne personne, une personne de qualité sans que cela ne me gêne. C'est par respect pour eux tous que je l'accepte. .
En juin 2006, j' arrêtai de travailler un mardi.
En décembre 2008, je repris un mardi.
La boucle est fermée. Pour un temps du moins.
Tags : ans, stagiaire, mois, vie, temps
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Commentaires
Commentaires
Je me bats bêtement pour la vie; si cela peut apporter qqch à qqn, cela me rend la vie encore plus belle
je raconterai
"Dans le temps" c'étaient les naissances, les mariages qui ponctuaient le temps. Aujourd'hui, c'est la lecture des autres blogs...
Et oui... depuis que je "chôme" combien ai-je vu de blogueurs annoncer qu'ils reprennaient une activité professionnelle ?
Qui après un chômage forcé, qui après une maladie...
Et moi, moi... je reste là ! Désespérément immobile.
De lettre de motivation de moins en moins motivée, en candidature de plus en plus sans illusion et de moins en moins spontannée, je continue à attendre bêtement une phrase magique...
Mais... si la Fée reprend le chemin de son turbin... qui pourra faire qu'un miracle se produise ?
Heureusement pour toi que cette saloperie de maladie t'ai lachée les basques, mais c'est "drôle" que le signe du retour de la santé soit... la reprise du travail !
Ca en dit long sur notre monde...
Comme je le dis souvent... la chômage est le cancer de notre société.
Et je l'ai chopé... Pfffff, c'est même pas original...
Et ton "fiston", se rend t-il compte que cette reprise du travail représente comme amélioration de ton état de santé ?
Une Fête en perspective ?
Bon courage pour cette nouvelle page.
P.S. je suis surpris que tu parles de "la fête du mouton"... c'est la commémoration du sacrifice du fils d'Abraham... Pfffff, peu importe.... ce n'est qu'une histoire...
Je ne suis pas croyante, je ne suis néanmoins pas fermée aux symboles de toutes les cultures.
Quant à ton chöme, si je pouvais aider, je le ferai volontiers mais même en Suisse les entreprises restreignent les emplois.
Ma reprise du travail est quasi miraculeuse, nous avons dû nous battre grandement. Et je vis mon travail non comme un emploi mais bien comme un sacerdoce. (cf réponse à Fardoise).
Pourvu que ça dure parce que les politiques ont des lubies qui compliquent la vie de ceux qui sont investis dans autre chose que le profit.
L'Aid a eu lieu lundi. Pour Fée et moi, toutes deux formatrices de FLE, qui sommes en contact avec les populations musulmanes, cela signifie tout simplement plus d'absences. Mon cours d'alphabétisation a été supprimé mardi pour cette raison. C'est tout.
Même idée sous jacente quand il évoque le découpage du temps.
A moins que ce soit autre chose qui te fasse réagir?
Je voulais dire que dans la "fête du mouton" le mouton est le symbole...
La fête, c'est effectivement l'aïd el kébir. J'ai au moins appris ça en vivant en pays musulman pendant plusieurs années.
Ô paradoxe... années pendant lesquelles j'avais un statut de "nantis".
Il n'est pas question de faire de reproche à qui que se soit... je souligne juste qu'avec "l'évolution" de la société les repères ne sont plus les même... Je notais juste qu'une reprise d'activité (sacerdotale ) devenait aussi important qu'un mariage ou une naissance.
Je "sniffais" une nouvelle fois sur mon sort, un kleenex à la main (he oui... je ne me referai pas... MDR) en constatant que "MOA", je restais en "rade", en cale séche, alors que les autres retrouvaient une utilité.
Bon courage pour les cours de demain.
Au moins avec toi, je rigole de la bêtise du monde !
En attendant, bisous!
Bises aussi.
Tant que la vie est là avec la multiplicité de ses possibles, elle est très prometteuse et surtout savoureuse dans l'instant.
Bonne journée et soirée aussi.
Mon travail est un lieu d'épanouissement sur des plans immatériels.
Quant au corps, il se rappelle si vite à moi que je ne risque pas de dépasser les limites. La bonne claque a fait passer violement et puissament la leçon.
Et tout de bon comme le disent si plaisament les Suisses romands.
deuxième lifting en l'espace d'une demi-heure, j'arrête ici ma lecture, je vais passer pour un nourrisson (euh, plutôt pour un bébé baigneur chérubin, vu le poids et le gras pris récemment ;) )
je repasserai bientôt pour une petite cure de jeunesse, de sourires, de frais ... de Vie !
;)
(signé Mariev ... qui attend les vacances avec impatience, hé ! hé ! )