• Ponyo sur la falaise, Hayao Miyazaki.

    La capacité de conduire sur des routes « simples » me donne des ailes, je retrouve avec délectation le cinéma n'ayant plus à supporter l'incapacité de certain à comprendre mon besoin de culture. Ainsi, les films se succèdent dans leurs variations improbables.

    Il y a quelque jours, en parcourant le programme des salles les plus proches, je découvris avec bonheur la programmation de la semaine et entamai la dégustation avec ce film d'animation dont j'avais repéré les affiches plusieurs semaines auparavant.

     Fiston et moi sommes des inconditionnels de Miyazaki au point que nous avons décidé de commencer la collection de ces œuvres belles et particulières. Entre Chihiro, Mononoké, Nausicaa, Totoro, nous voyageons et parcourons cette atmosphère à la frontière,  entre deux mondes, réel et fantastique, monde shinto où esprits et génies vivent avec les humains guère étonnés de les croiser, un univers où la nature souffre de la vanité des hommes à qui elle a donné la vie, de sa révolte, de la révolte de ceux qui ouvrent les yeux.

    J'aime l'univers de Miyazaki car les personnages y sont complexes, variables, profondément vivants, jamais enfermés dans des clivages manichéens entre méchants et gentils. Les frontières du temps et de l'espace y sont abolies, tout y est possible pour celui qui regarde par delà les apparences.

    Sosuke est un petit garçon de cinq ans ; il habite sur une falaise surplombant la mer. Un  jour, alors qu'il s'apprête à jouer avec son petit bateau, il trouve un bocal avec un étrange poisson rouge à tête humaine. Il se prend d'affection pour lui et le nomme Ponyo, promettant de toujours veiller sur lui. Il le promène partout, le présente à ses amies âgées de la maison de retraite où travaille sa mère et s'attriste profondément quand la mer le lui reprend par des vagues étranges.

    Ponyo est, en réalité, l'enfant d'un humain sorcier descendu au fond des océans parce qu'en colère contre les siens de si mal traiter la mer et de la belle déesse des mers. D'avoir léché une blessure de Sosuke, Ponyo a réactivé son ADN humain que son père s'ingéniait à contenir afin de lui éviter de vivre parmi ces monstres dégoûtants incapables de respecter l'océan. Pourtant, Ponyo veut rejoindre à tout prix Susoke dont elle aussi s'est prise d'affection et devenir humaine pour rester auprès de lui. Dans sa fuite, elle libère des forces puissantes et dangereuses. L'aventure se lance dans une course folle et magique où l'interaction des hommes et de la nature se fait tumultueuse. Les enfants sont mis à l'épreuve, face à leurs responsabilités et de la sincérité de leur affection, s'en suivra la réalisation de leurs rêves et l'apaisement des éléments.

    Quelle étrangeté que ces dessins animés quand prolifèrent les images de synthèse! Ce petit côté désuet renforce la magie de cette aventure rocambolesque drôle, émouvante et profonde. Rebondissante et inattendue, elle est parsemée de références à d'autres films de Miyazaki ( tunnel de Chihiro, coque transparente de Nausicaa par exemple), de clins d'œil et de messages forts quant à la folie des hommes à polluer leur environnement tout comme à leurs capacités à tirer le meilleur d'eux- mêmes. Esprits, génies et humains se chamaillent, collaborent, s'entraident, les enfants sont attachants, émouvants, sincères, constants et drôles, les adultes déjantés avec en particulier ces loquaces mamies aux répliques cocasses. C'est une belle galerie de personnages évoluant dans des décors envoutants travaillés au pinceau et aux détails précieux entre des nouilles oubliées, de gracieux et comiques animaux, bestioles et éléments naturels.

    Ce film est un conte où nul n'est prisonnier d'étiquettes rigides morales et simplistes. Il y règne la magie des histoires merveilleuses de nos âmes irrationnelles et animistes. Optimiste et philanthropique, il évoque avec enchantement la multiplicité des facettes du monde, la complexité des caractères en perpétuel mouvement (seuls les enfants et les mères sont constants) et subtilement l'évidence de la nécessité de l'équilibre, notamment celui récurrent entre nature et culture.

    Un film comme Monstres contre Aliens permet de passer un bon moment et de s'amuser, Ponyo sur la falaise est d'un tout autre acabit. Il est beau, charmant, profond et réfléchi. C'est une œuvre travaillée et pensée qui mobilise  sens,  émotions,  intellect et être profond. Il se découvre et se redécouvre, se regarde, s'offrant à chaque voyage par la richesse des images et des détails, se dévoilant peu à peu. C'est un film de  Miyazaki, simplement.

    Dans la grande salle de 140 places, nous étions seuls.

    A notre arrivée, fiston a croisé un camarade de classe qui rejoignit les spectateurs venus voir un quelconque film américain numéro deux. Le lendemain, de retour au collège, ce camarade se moqua de lui parce qu'il était allé voir un dessin animé genre «Bambi 2 ». Fiston souriait en me relatant les faits et je fus fière de lui quand il me montra comment il avait réagi :

    «  Tu vois maman, je me suis dit que le ridicule ne tue pas et je lui ai répondu que oui, j'étais allé voir un dessin animé ! Un dessin animé d'un grand réalisateur japonais que j'aime beaucoup et qui n'a absolument rien à voir avec les gros machins américains ! ».

    Il ne s'était pas laissé démonter par les railleries réalisant le non- sens des allégations de l'autre et de sa clique, il était sûr de lui et fier de ses goûts. Dans la foulée, il regarda à nouveau Mon voisin Totoro, chanta à tue tête les paroles en japonais du générique, ravi, enchanté et bienheureux, comblé.   

    Aussi terrible soit- il, humain dans ses errements et ses travers, mon fiston me permet de réaliser combien le chemin parcouru en ce qui me concerne porte ses fruits en lui, pareillement. S'il lui reste à avancer sur sa propre voie de ses propres ailes, je suis soulagée de le voir en confiance avec lui- même, équipé pour affronter ses propres travers. En me libérant moi- même, j'ai soulagé sa charge, cela n'a aucun prix.

    Merci monsieur Miyazaki.

     

    La critique du Monde est ici.

     

    version française

     

     

     

    « Kiyoshi Kurosawa, Tokyo sonataDe Calais à Bombay en 20 km via le passé et tant d’autres détours étonnants. »

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    Samedi 30 Mai 2009 à 19:56
    Annie
    C'est cette complicité mère-fils qui me plait dans cet article car je n'ai pas vu ce film.
    Je suis heureuse aussi que tu puisse de nouveau goûter à la liberté de choisir de sortir.
    Le meilleur est encore à venir!
    2
    coq
    Lundi 1er Juin 2009 à 15:06
    coq
    J'ai toujours pas vu celui-là! Ca fait longtemps que je suis pas allée au cinéma...
    J'avais adoré le Voyage de Chihiro, je m'étais un peu ennuyée devant Princesse Mononoké, et j'avais bien aimé le Château dans le ciel. Et j'ai un cd de Mon voisin Totoro que je n'ai toujours pas regardé, la honte!!
    En tout cas tu m'as donné bien envie de le voir, celui-ci...
    Et bravo à ton fiston, il a raison d'affirmer ses choix et ses goûts, surtout quand ils sont bons ;-)
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    3
    Mardi 2 Juin 2009 à 17:42
    mariev
    comment ne pas avoir envie, soudain, de voir tous ses films, après la lecture d'un tel article?? 

    et bravo à Etienne, qui a déjà compris l'essentiel, ce qui lui vaudra certaines souffrances inutiles en moins, bises à lui (et d'Ursule) et à toi     ;)
    4
    pandora
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:07
    pandora
    Je suis allée le voir pour le week end de paques avec mes deux petits neveux, j'appréhendais un peu la longueur pour le plus petit de 4 ans mais c'est très bine passé. C'était le premier dessin animé de Miyazaki que j'allais voir, même si j'avais souvent entendu parler de ses dessins animés et j'ai vraiment été conquise.
    Le temps a filé, et j'ai été prise dans la féérie de l'histoire, retombant avec délectation dans la magie de l'enfance.
    C'est super, je suis épatée par oton fiston qui affirme ses choix, intelligents au demeurant, à ses moutons de copains de classe. Ce n'est pas facile de savoir ce qu'on veut et ce qu'on est, bravo donc à lui. Et à sa mère ;-)
    Bon weekend à tous les deux
    Moi je pars encore en vadrouille et fais la tournée des popotes ;-)
    5
    Magali
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:07
    Magali
    Comme quoi, ils ont une bonne programmation dans ton trou perdu ! :-D
    6
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Mardi 13 Août 2013 à 16:13

    A Annie:

    Chaque jour est un cadeau et plus je lâche, plus les cadeaux tombent du ciel.
    Avec le fiston, la tâche est rude, nous faisons de notre mieux et malgré les tempêtes, j'espère qu'effectivement, la vie continuera de nous gâter comme elle le fait depuis .. ben, la maladie.
    Pour le film, tu pourras peut être le regarder un jour avec tes petits enfants, vous serrez ravis, ensemble, crois- moi! c'est magique.
    Chaleureusement.
    Réponse de fée des agrumes le 30/05/2009 à 22h52
     
    A Coq:
    Princesse Mononoké est sombre et complexe, je n'ai pas vu le chateau ambulant mais comme nous nous sommes lancés dans la collection, cela ne saurait tarder.
    Totoro est très réconfortant.
    Finalement, ils sont tous différents, c'est dire la créativité de Miyazaki
    Réponse de fée des agrumes le 06/06/2009 à 08h50

    A Mariev:

    Bises acceptées avec plaisir de nous deux et renvoi immédiat de tout coeur !
    Réponse de fée des agrumes le 06/06/2009 à 08h51

    A Pandora:

    des popotes? 
    Ce film est plus optimiste et lumineux que d'autres comme Princesse Mononoké par exemple, plus sombre et grinçant. Coq aime également Miyazaki, voilà encore une virée à se préparer pour profiter pleinement des oeuvres ET des regards croisés!
    Quant au fiston, tu connais la bestiole. il parait que la pomme ne tombe pas loin de l'arbre et avec lui, j'ai parfois l'impression de me prendre puissance 10 ce que je n'ai commencé qu'à ouvrir vers 14 ou 15 ans.
    Je chemine, il chemine. dans les vents et la tempête. Et ça pète et ça gueule.. et puis, ça se calme et les bateaux peuvent continuer à voguer tranquillement..
    Bon, je ne traîne pas ce soir, là, je suis crevée et je ne suis plus trop certaine de ce que je raconte...
    A bientôt, célèbre Pandora  

    Réponse de fée des agrumes le 30/05/2009 à 22h42

    A Magali:

    Oui, oui! Surtout que je me retrouve souvent toute seule dans la salle!!!

    C'est que je me donne  de la peine pour trouver le film, le lieu et l'horaire.
    Dans mon prochain article, je raconterai la dernière aventure à ce sujet, tu verras à quel point certains films sont vus grâce à mon opiniâtreté et la chance qui va avec.
    Dans ce sens, ce week end est vraiment  encore une de ces merveilles de la vie!
    A bientôt ma belle!
    Réponse de fée des agrumes le 30/05/2009 à 22h47
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :