• L'odeur

    Ce vendredi, j'avais rendez- vous à l'hôpital pour un contrôle. Ma vue trop basse et l'absence de transports en commun m'obligent à prendre le taxi- ambulance (vsl)  systématiquement. Ma visite se passe  normalement, je profite des longues heures d'attente pour faire le tour des quelques services où j'ai traîné ma carcasse en d'autres temps. Plaisir de revoir des visages connus, compagnons inoubliables de mon aventure. La matinée est riche et ravissante, gaie.

    De retour vers la voiture, le chauffeur m'explique qu'elle a mis quelque chose sur le siège en raison d'un incident survenu quelques minutes auparavant , le siège est mouillé et je ne pourrais m'y asseoir sans risquer de l'être également.

    Pas de problème.

    Nous repartons.

    Comme elle ouvre les fenêtres pour aérer en raison des odeurs, elle explique

    «  Cette dame n'y est pour rien ». Bien sûr, je n'en pensais pas moins, ces véhicules transportent majoritairement des malades, les incidents sont inévitables et je ne comprends pas que les voitures ne soient pas mieux aménagées. Elle continue et l'odeur devient persistante, pénible.

    -  C'est une femme qui reçoit de la chimio. Elle ne m'a rien dit et c'est arrivé juste devant l'entrée de l'hôpital pendant que je cherchais un fauteuil roulant ; j'ai dû demander de l'aide pour la sortir de la voiture tellement elle était faible. Quand je l'ai cherchée chez elle, j'ai aidé à l'habiller, son mari  et moi avons dû nous y mettre à deux pour la monter en voiture, elle chancelait, ne tenait pas debout ; en plus, elle a pris au moins 10 kilos en quelques mois. Il m'a dit de demander à ce qu'elle reste  à l'hôpital pour la nuit car elle ne supporte pas la chimio et elle souffre, c'est tellement dur. Elle ne peut plus circuler en vsl, il lui faut une ambulance !

    - Elle est âgée ?

    - 38 ans ! Et quand j'ai commencé à la transporter, elle était la joie de vivre. Maintenant, je ne la vois pas s'en sortir.

    - Qu'est- ce qu'elle a ?

    - Cancer généralisé

    - Elle est jeune ! ... Et ils ont des enfants ?

    - Non. Et ils venaient de construire.


    L'odeur devient intolérable, j'ai un profond malaise intérieur. Je me surprends à penser que cet homme pourra refaire sa vie. Je pense à ma tante, à mon vécu, je sais le vide qui s'ouvre angoissant et terrible quand la maladie laisse entrevoir la mort. Je lâche cette petite phrase au détour de mes errances pensives :

    « C'est une honte de laisser mourir dans de pareilles souffrances, une honte de les laisser tous avec une telle charge. »

    Le malaise est palpable, entre abattement et révolte, nous faisons mine de penser à autre chose.

    L'odeur ne me quitte pas, me prend à la gorge ; j'ai envie de sortir de la voiture au plus vite ; le retour est interminable.


    Jusque tard dans la soirée, j'ai senti cette odeur.

    L'odeur de la souffrance intolérable et interminable, de la solitude absolue, des traitements lourds, du corps qui se délite, l'odeur de la mort qui approche trop vite.


    «  L'homme en acquérant la conscience de lui- même et de l'irrémédiabilité de la mort, fou d'angoisse, se tourne vers les étoiles. »

    Et quand il n'y a rien dans les étoiles ?


    Il serait grand temps que je me mette à la méditation ...

    Non ?

    Peut être

    Quand je m'en sentirai capable profondément et pas seulement intellectuellement.  

    « L’ensorcèlement de la pomme, bisQuelques tamagouilles »

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  • Commentaires

    1
    Samedi 25 Octobre 2008 à 17:19
    pandora

    La vie est une maladie incurable...

    2
    Samedi 25 Octobre 2008 à 17:21
    pandora
    Oups ;-)
    La vie est une maladie MORTELLE incurable
    3
    Samedi 25 Octobre 2008 à 21:25
    Fabien

    Bonsoir Fée des Agrumes,

    Pour l'article je ne sais quoi dire... je te fais une grosse bise.

    Fabien

    4
    Dimanche 26 Octobre 2008 à 07:59
    philippe

    Bonjour la fée...

    Eh bien quelle façon de commencer un dimanche... la lecture de ton article "plante" l'ambiance. Maladie, mort... quel décor. Il ne manque plus qu'un récit bien "patho" sur la misère, le chômage et... on relance l'économie française grâce à la vente de "flingues" pour se suicider (ha.. inutile d'acheter des 12 coups... normalement... il vaut mieux réussir au 1er et pour ça... pas besoin d'être un tireur "de litres"... c'est le coeur qui doit être la cible !) mais bon... tu nous délivrais plutôt des messages d'espoirs et là, on est bien obligé de se rendre à l'évidence. La Faucheuse ne choisie pas ses cibles... 38 ans !
    Remarques... elle prend dans toutes les catégories, du nourrisson nouveau né au... centenaire.

    Comme tu dis, où est le droit à mourrir dans la dignité !
    Quelle hypocrisie de la part des politiciens chargés de faire des lois sensées nous protéger. Pour protéger "nos biens" il y a des milliers de textes, mais pour protéger notre dignité... c'est le néant !
    Encore une fois, c'est pour prévenir cette déchéance que j'ai "tout préparé"...

    Bonne journée à toi.

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    5
    Coq
    Dimanche 26 Octobre 2008 à 11:09
    Coq
    Oui, c'est bien triste cette histoire... et il y en a tellement des milliers d'autres, c'est désespérant...
    Tu m'as bien déprimée là :P Je vais me mettre en mode "me remonter le moral"... bon dimanche à toi! :)
    6
    Mardi 4 Novembre 2008 à 12:03
    mariev
    c'est sans doute entre autres pour cette raison (ne pas sentir l'odeur de la faiblesse, de la déchéance, de nos propres liquides, de notre finitude) que nous nous aseptisons à coups de déos, sprays, lessives parfumées ...  chez moi, tu ne trouveras pas de désodorisant dans les toilettes, parce que j'ai remarqué que la forte odeur disparaissait vite, et surtout, que j'étais cent fois plus écoeurée par le mélange des deux odeurs

    mais ... oui ... cette odeur-là, dans le taxi, était terriblement incommodante, pour les raisons que tu expliques
    7
    Magali
    Mercredi 18 Juillet 2012 à 12:09
    Magali
    La vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible.
    8
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Dimanche 11 Août 2013 à 17:16

    Commentaires

    La vie est une maladie incurable...

    Commentaire n°1 posté par pandora le 25/10/2008 à 17h19
    La vie n est pas une maladie,
    je ne crois pas.
    Réponse de fée des agrumes le 25/10/2008 à 21h20
    Oups ;-)
    La vie est une maladie MORTELLE incurable
    Commentaire n°2 posté par pandora le 25/10/2008 à 17h21
    La vie n est pas mortelle,  c est nous qui le sommes.
    La vie continue et la mort fait partie de la vie, elles sont intimenent liées, inséparables ,
    l une fait de la place à l autre en un cercle "infini"
    Réponse de fée des agrumes le 25/10/2008 à 21h23
    La vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible.
    Commentaire n°3 posté par Magali le 25/10/2008 à 20h07
    Pour continuer à péréniser la vie par delà la mort, vint se miracle de l evolution qu est la réunion de deux êtres différents pour en créer un troisième encore différent.
    Réponse de fée des agrumes le 25/10/2008 à 21h26

    Bonsoir Fée des Agrumes,

    Pour l'article je ne sais quoi dire... je te fais une grosse bise.

    Fabien

    Commentaire n°4 posté par Fabien le 25/10/2008 à 21h25
    Bah, il n'y  pas grand chose à dire...
     
    Je ne comprends pas pourquoi on laisse mouirir les gens dans de telles souffrances, c'est inhumain surtout que nous avons les moyens que cela se passe autrement.
    La fatalité,  ça me révolte et pas pcq j'ai souffert, c'était déjà ainsi avant d'être malade.
    Les anciens connaissaient aussi des drogues merde alors! et les mourants n'étaient pas trainés en vie comme certains le pratiquent.
    Nous avons le droit de mourir dignement, sans souffrance inutile.
    Je ne suis pas forcément pour l'euthanasie mais il y existe les soins palliatifs.
    Toujours une histoire de moyen.. et une belle hypocrisie.
     C'est que nous sommes tous concernés et  si mal informés.

    Enfin, ça me révolte.
    Réponse de fée des agrumes le 25/10/2008 à 21h44

    Bonjour la fée...

    Eh bien quelle façon de commencer un dimanche... la lecture de ton article "plante" l'ambiance. Maladie, mort... quel décor. Il ne manque plus qu'un récit bien "patho" sur la misère, le chômage et... on relance l'économie française grâce à la vente de "flingues" pour se suicider (ha.. inutile d'acheter des 12 coups... normalement... il vaut mieux réussir au 1er et pour ça... pas besoin d'être un tireur "de litres"... c'est le coeur qui doit être la cible !) mais bon... tu nous délivrais plutôt des messages d'espoirs et là, on est bien obligé de se rendre à l'évidence. La Faucheuse ne choisie pas ses cibles... 38 ans !
    Remarques... elle prend dans toutes les catégories, du nourrisson nouveau né au... centenaire.

    Comme tu dis, où est le droit à mourrir dans la dignité !
    Quelle hypocrisie de la part des politiciens chargés de faire des lois sensées nous protéger. Pour protéger "nos biens" il y a des milliers de textes, mais pour protéger notre dignité... c'est le néant !
    Encore une fois, c'est pour prévenir cette déchéance que j'ai "tout préparé"...

    Bonne journée à toi.

    Commentaire n°5 posté par philippe le 26/10/2008 à 07h59
    Quelle hypocrisie de la part des politiciens chargés de faire des lois sensées nous protéger. Pour protéger "nos biens" il y a des milliers de textes, mais pour protéger notre dignité... c'est le néant !
    C'est tellement pertinent!
    Toujours l'avoir, toujours l'avoir!
    Réponse de fée des agrumes le 26/10/2008 à 12h26
    Oui, c'est bien triste cette histoire... et il y en a tellement des milliers d'autres, c'est désespérant...
    Tu m'as bien déprimée là :P Je vais me mettre en mode "me remonter le moral"... bon dimanche à toi! :)
    Commentaire n°6 posté par Coq le 26/10/2008 à 11h09
    Je ne voulais pas déprimer mes lecteurs,
     j'avais besoin d'évacuer cette expérience parce qu'elle me pèse .
    Avoir vécu  dans sa chair des instants de détresse absolue donne une toute autre résonnance à ces expériences.
    Elles ne sont plus imaginées intellectuellement avec toutes les structures que nous fabriquons en croyant se protéger avec elles, elles réveillent des cicatrices réelles dans le corps et le psychisme.

    J'ai réussi à faire une séance de méditation suite à cet article; doucement, j'y arriverai.
    Bon dimanche oui, très bon dimanche.
    :)
    Réponse de fée des agrumes le 26/10/2008 à 12h33
    c'est sans doute entre autres pour cette raison (ne pas sentir l'odeur de la faiblesse, de la déchéance, de nos propres liquides, de notre finitude) que nous nous aseptisons à coups de déos, sprays, lessives parfumées ...  chez moi, tu ne trouveras pas de désodorisant dans les toilettes, parce que j'ai remarqué que la forte odeur disparaissait vite, et surtout, que j'étais cent fois plus écoeurée par le mélange des deux odeurs

    mais ... oui ... cette odeur-là, dans le taxi, était terriblement incommodante, pour les raisons que tu expliques
    Commentaire n°7 posté par mariev le 04/11/2008 à 12h03
    Il parait que dans les cercueil de saints a plané une odeur de violette.

    Se saturer en odeurs artificielles afin de s'éviter celle de notre réalité animale.
    Peut être.
    ET he repense à Michel Serrre.
    Réponse de fée des agrumes le 04/11/2008 à 15h24
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