• Idil

    Ce prénom sonne comme une romance qui rend bienheureux. Je ne sais pas ce qu'il veut dire en turc.. et oui, encore.  Idil est mon amie depuis des années et nous nous sommes rencontrées à mon travail. Elle était en France, dans ce coin pour accompagner son  mari et ses enfants dans une petite vie plus tranquille que celle qu'elle connaissait, entre Turquie et Etats-Unis en véritable femme d'affaires.

    Dès les premiers cours où elle participa, elle fut époustouflée par mes connaissances dans la langue turque avec des mots improbables comme cocotte minute ou chauve (très importants dans la communication). Elle appréciait ma façon de travailler, l'ambiance chaleureuse du cours malgré tout ce qui pouvait séparer les stagiaires présents, aux nationalités multiples et aux parcours des plus divers. « She is amazing » ne cessait -elle de répéter. Au fil des heures, nous discutâmes de nos vies, de nos parcours, de nos familles respectives. Née dans une famille d'universitaires, entre psychologie et art, elle était partie aux Etats- Unis étudier le commerce international. Diplômée en master, elle avait bourlingué entre les deux pays, s'était mariée, avait divorcé, eu des enfants. Elle est fière de raconter qu'elle a acheté son appartement à Istanbul avec son propre argent.

    Idil n'a vraiment rien à voir avec les autres femmes turques que je côtoie. Cultivée, de la haute société, indépendante, elle n'en reste pas moins d'une extrême générosité, d'une sincérité déconcertante, d'une simplicité rare. Elle n'a ni mépris, ni morgue envers quiconque, d'où qu'ils viennent. Elle ne supporte pas simplement les prétentieux et c'est elle qui s'accrocha avec une jeune femme russe méprisante et hautaine, xénophobe parce qu'elle critiquait salement la Turquie.  Cette idiote se croit supérieure avec ses petits airs parce qu'elle a épousé un gars plus vieux qu'elle qui bosse en Suisse avec un gros salaire rencontré dans une soirée arrangée entre jeunes femmes russes et étrangers à Saint- Pétersbourg, qu'elle a fait des études en Russie, parle trois langues, ambitieuse.... Blabla. Et elle méprisait Idil, cette femme qui avait dit « merde » au premier ministre turc pour un service qu'elle lui rendit et dont il exigeait toujours plus, cette femme qui vous raconte très simplement qu'elle a discuté avec Oprah Winfrey de la télévision américaine parce qu'elle voudrait faire le même genre d'émissions en Turquie (elle connait le milieu  des médias turcs) , cette femme qui vous fait entrer dans les palaces d'Istanbul afin de vous montrer la magnifique vue sur le Bosphore rien qu'en arrivant sur le pas de la porte où elle est saluée bien bas... Bref, Idil est une femme extraordinaire et je l'aime de tout mon cœur non parce qu'elle est de la haute société mais parce qu'elle est elle.

    Je n'ai pas pu lui dire que j'étais malade, elle était trop loin et je ne voulais pas l'inquiéter alors que je ne savais pas moi- même ce qu'il se passait. A mon retour à la maison en 2007, je lui ai écrit mes aventures, finalement. Croyez- le ou non, quelques jours plus tard, elle était devant ma porte. Nous n'avons rien dit et nous nous sommes simplement serrées dans les bras. Elle était soulagée de me voir debout et me raconta comment elle et sa fille qui m'aime beaucoup avaient pleuré en lisant mon courrier. Elle me gronda et me fit promettre de ne plus tarder à lui dire ce qu'il se passe. Elle remercia SeN d'avoir pris soin de moi alors qu'elle n'a aucune illusion sur les hommes. Idil est comme ça.... la lucidité et la franchise.

    Depuis qu'elle est repartie en Turquie, nous nous voyons et nous contactons peu,prises par nos vies et nos obligations, les contraintes matérielles. Pourtant, chacune de nos retrouvailles se font comme si nous nous étions quittées la veille.

    Il existe entre nous un lien puissant et fort, quasi irrationnel et inexplicable.

    Elle, musulmane croyante sous ses gestes et attitudes très américaines, et moi, petite française un peu fofolle et humble  avons échangé des conversations profondes dans notre karisik konusma, mélange d'anglais, de français et de turc. Si éloignées et pourtant si proches, si éloignées et pourtant si liées. Quel mystère que notre amitié trop souvent muette et ses petits messages embaumés d'amitié réelle.

    Qu'importe la distance quand le lien dépasse la matérialité ? Non, car il y a toujours cette frustration de ne pas voir l'être aimé dans son quotidien. Comment se porte- elle ? Ses enfants ? Ses proches que je ne vois et connais pas ?  Comment va sa vie ? A quoi ressemble son foyer ? Où est-elle? Que fait-elle ? Qu'est- ce qui la rend heureuse et qu'est-ce qui la chagrine aujourd'hui ? Qui sait l'aimer et l'apprécier et qui la blesse ? Autant de questions sans réponse. Il m'est frustrant en ces instants de questionnement de ne pas avoir les moyens matériels de voler la rejoindre et de la suivre quelques instants dans son élément et la réalité de son quotidien. Il m'est frustrant de ne pouvoir simplement la regarder se mouvoir et s'émouvoir.

    Je voudrais croire en la force de la pensée et de ce maigre espoir, porter ma prière auprès d'elle et  ainsi l'accompagner, lui envoyer toute mon affection  et mon soutien.

     

    A toi Idil.

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  • Commentaires

    1
    Je transfère
    Dimanche 11 Août 2013 à 17:50

    Commentaires

     

    Une bien belle déclaration d'amitié :) C'est fou ce qu'on peut ressentir pour certaines personnes, sans réussir à poser les mots exacts dessus!
    Commentaire n°1 posté par un-Coq-paumé le 21/11/2008 à 21h09
    C'est par delà les mots, simplement.
    ;)
    Pourquoi ce "nouveau" nom petit coq?
    Réponse de fée des agrumes le 22/11/2008 à 10h13

     

    Bonjour à toi.

    Ton témoignage est bien la preuve que nombre de divergences entre les peuples et les cultures n'est que le fruit des politiciens qui ne cherchent que leur notoriété, leur richesse dans des affrontements "fraticides".
    Combien de guerres n'ont été déclarées entre peuples différents mais vosins qui depuis la nuit des temps se cotoyaient, sans pour autant s'aimer, mais sans se détester... juste qu'il n'osaient pas franchir le pas de la porte de ce voisin différent.

    J'ai eu la chance de ne jamais me sentir attaché à un clocher, je n'ai jamais passé plus de 5/6 ans au même endroit, que se soit en France ou dans le monde et... finalement, la découverte des autres ça rend humble et... curieux. Tout le contraire de la xénophobie...

    Portes toi bien.

    Commentaire n°2 posté par philippe le 22/11/2008 à 09h03
    Ce n'est toujours qu'une simple histoire de rencontre.
    " Parce que c'était lui, parce que c'était moi" l'a dit si joliment l'autre.
    Réponse de fée des agrumes le 22/11/2008 à 10h11

     

    Ah mince je l'avais mis pour un commentaire ailleurs, ce nom, et il était enregistré, j'ai oublié de le changer!
    Commentaire n°3 posté par coq le 22/11/2008 à 11h30
    Un petit égarement alors, bêtement... Acte manqué?  :P 
    Entre étourdies maladroites, nous nous comprenons !
    Réponse de fée des agrumes le 24/11/2008 à 12h53

     

    encore un bel hommage. chris.
    Commentaire n°4 posté par chris spé le 22/11/2008 à 16h38
    Comment aurait-il pu en être autrement?
     
    Réponse de fée des agrumes le 24/11/2008 à 13h00

     

    Fée des Agrumes, J’ai le plaisir de vous annoncer que vous avez un prix gagné au « Concours de la photo mystère » du blog « Lieux secrets du pays cathare » ! Copiez ce lien dans le navigateur pour voir les autres gagnants et comment obtenir votre prix : http://polymathe.over-blog.com/article-25048838.html

    Abellion.

    Commentaire n°5 posté par Abellion le 23/11/2008 à 10h43
    J'ai déjà vu !
    Merci à vous!
    Réponse de fée des agrumes le 24/11/2008 à 13h14

     

    Une belle histoire d'amitié, de ces amitiés improbables si riches et fortes ;-)

    Istanbul doit être une très belle ville ;-)

     

    Commentaire n°6 posté par pandora le 24/11/2008 à 07h47

     

     

    Surtout quand elle est visitée hors de sentiers battus à touristes.

     

    Avec mes bribes de langue, nous en avons vécu des expériences!

     

    Un jour, peut être, je raconterai...

     

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