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Il se passe quelque chose.
Subversivement, lentement, l’air de rien, un grand changement s’opère actuellement dans mon petit univers. Faussement insignifiant, il est d’une énergie puissante, révélateur d’une situation interne métamorphosant ma vie. Son récit basé sur des riens n’en reste pas moins long, profond ; il me demande du temps et comme ce blog est écrit selon une ligne d’écriture générale, je me contenterai aujourd’hui de vous raconter quelques faits de ces dernières semaines. Ils sont à replacer dans un contexte dont vous n’avez pas encore toutes les informations, cependant, pour ceux qui ont lu mes aventures depuis le début, ils pourront parfaitement en mesurer la portée.
Il y a trois semaines, j’ai fait 8 km à vélo toute seule, il y a quinze jours, j’ai pu marcher tout autour du village, seule comme une grande, sans encombre, quatre jours plus tard, tout au long d’un parcours de santé. A raison de trois ou quatre kilomètres peut être à chaque fois, je suis très très contente. Pourtant, ce n’est pas le plus notable, ni le plus remarquable. Une simple mise en bouche.
Le mercredi, normalement, la camionnette boulangerie passe au matin. Pour je ne sais quelle raison, je ne l’ai pas entendue ce mercredi 18 mars. N’ayant plus de pain, nous étions embêtés avec mon fiston. Poussée par une intuition qui me taraudait depuis plusieurs jours, je lui proposai de m’accompagner EN VOITURE à la boulangerie, à 10 km de chez nous. Il avait peur mais comme nous sommes des courageux fous sur les bords (et les bords sont larges, hihi) , nous sommes montés en voiture.
J’avais déjà conduit sur quelques distances de nuit, avec SeN, sur des routes désertes, histoire de reprendre le pli, simplement pour réactiver une petite sensation de liberté, poussée par des rêves incessants de voiture conduite par d’autres m’emportant n’importe où, n’importe comment, me laissant parfois seule dans un véhicule en pleine course. Dernièrement, j’avais rêvé que j’étais dans une voiture, seule côté passager ; elle allait dans tous les sens, le volant tournant anarchiquement ; agacée par cette situation, je m’étais déplacée derrière le volant et j’avais repris le contrôle de la voiture. Etait- ce un message de mon corps ? un signe ? Toujours est-il que ce mercredi, fiston et moi sommes allés sans encombre à la boulangerie acheter notre pain. C’était une véritable fête, incroyable sensation de s’ouvrir des portes formidables.
Rassurés tous deux, j’émis le souhait de reconduire le dimanche suivant afin d’aller avec mes deux gaillards au parcours de santé dans ce même village. SeN acquiesça et sans encombre, encore, nous arrivâmes à bon port. Décidément, quelque chose de très spécial me chatouillait.
Le 1er avril, nous avions un programme sur plusieurs heures et je voulus reconduire avec SeN à côté. 10 km jusqu’à la première petite ville. Je m’étonnai de ma capacité à voir, regarder, sentir l’environnement, les panneaux, les autres voitures, les piétons, les cyclistes. Des manœuvres près d’une route fréquentée et je repartis, grisée vers une autre ville à 20 km de la première. Peu de circulation, puis un peu plus, un peu plus, je me débrouillai. Quelle surprise de réaliser que je pus voir une voiture aux feux stop éteints ralentir, freiner et s’arrêter devant moi ! C’était incroyable, après des mois et des mois d’enferment, dans la dépendance totale à la bonne volonté des chauffeurs.
Le plus formidable arriva… hier. Mon garçon finissait à 11h et demanda à ce que je vins le chercher ; il ne craignait donc plus. J’interrogeai SeN sur ma capacité à le faire, il répondit simplement qu’il n’y voyait aucun souci. En plus, cela le déchargeait, il avait prévu une journée de vadrouille pour lui seul ce samedi. Légèrement craintive, je me préparai donc en m’en remettant à la vie avant de partir. Chemin sans souci, j’avais les yeux écarquillés sur le monde.
Je récupérai mon garçon dans le hall pour la première fois depuis son entrée au collège puis nous allâmes ensemble faire des courses, rien que nous deux, activité oubliée depuis deux ans et demi.
Ce fut extraordinaire ! Mon fiston m’aidait en toute chose au point qu’à la caisse, un client s’en étonna. « C’est rare de voir des enfants se comporter ainsi avec leur mère ». Je fus étonnée que ce soit si étonnant puis, je fus fière de nous deux. Pour des personnes soit disant incapables de faire ce qu’il faut comme il faut quand il faut, ce n’est pas mal, non ? Il n’y eut aucun problème, mon garçon s’enthousiasmant d’acheter des légumes, des fruits, des conserves, quelques céréales, des fromages, des yaourts, des jus de fruits…personne pour nous faire la morale ou préjuger de nos choix, un véritable moment de bonheur ! Pareillement, il m’aida à rentrer et ranger les produits, « C’était vraiment une journée exceptionnelle Maman ».
Peut être bien qu’aujourd’hui, nous irons encore plus loin à la rencontre de quelques uns de nos amis et famille. SeN ne refuse pas de nous emmener, néanmoins, son agacement se fait sentir, son ennui également et nous nous restreignons sans cesse pour nous éviter des remarques faussement insignifiantes. Si nous le sentons dans notre for intérieur, fiston et moi partirons donc sans lui cet après midi faire quelques surprises.
Il est certain que je n’ose pas m’aventurer dans les grandes villes, sur les grands axes très fréquentés, je ne veux pas prendre de risques inconsidérés. Je frissonne cependant à cette liberté retrouvée, depuis ce petit village enclavé où règne en maîtresse absolue la voiture individuelle.
D’ici quelques jours je passerai un contrôle ophtalmologique et je suis curieuse d’entendre les conclusions du médecin (je vous raconterai les épiques péripéties en ophtalmologie dans un article, à l’occasion, ça vaut le coup !). Viendra alors pour moi le temps du passage au centre de rééducation où sera évaluée ma capacité à conduire. C’est principalement une affaire d’assurance, même si ma vieille voiture n’est qu’assurée au tiers, question de responsabilité.
La vie nous offre ce dont nous avons besoin quand nous en avons réellement besoin. Cette phrase apaise dorénavant mes questionnements et doutes, apportant sérénité et calme en mon cœur. Le temps passé enfermée dans mon propre corps, le temps passé entre les murs de cette maison m’ont obligée à me recentrer sur moi- même, à ne plus courir après ce qui pourrait arriver, venir de l’extérieur dans une quête effrénée vers nulle part.
J’avais une excellente vue avant la perte, je peux pourtant affirmer que je ne voyais pas ce qui se jouait. Dans le noir, puis dans le flou, ma vue revient lentement, lentement. Le monde se révèle à moi tout à fait différemment à travers des yeux éclairés, découvrant des couleurs et des lumières extraordinaires, insoupçonnées, des visages aux traits lumineux et neufs, des voies nouvelles. Au fond de moi, je ne pouvais imaginer perdre la vue, goûteuse du monde telle que je le suis. J’ai appris à le sentir autrement, à mobiliser mes sens négligés auparavant, à trouver des solutions concrètes au quotidien afin de continuer à voir. Mes rêves et mes souvenirs ont d’ailleurs toujours été parfaitement clairs. Je ne me suis jamais résignée à être aveugle.
Un jour, aussi irrationnel que cela puisse paraître, j’ai exprimé à la psychiatre cette idée « Je sais que je retrouverai ma vue quand je verrai clair dans ma vie. ». J’ai l’espoir fou d’être au bout d’un tunnel, le monde n’a pas changé, j’ai tellement changé, tout a changé et désormais, chaque jour est un cadeau inestimable que je savoure sans chercher à contrôler quoi que ce soit, ni maintenant, ni demain.
Merci la vie de m’avoir offert cette incroyable expérience qui me rend chaque jour moins ignorante et plus vivante, pleinement en moi, pleinement en toi !
Tags : voiture, sans, sen, moi, j’ai
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Commentaires
Commentaires
Et je m'impatiente à l'idée de venir te rendre visite bientôt!!!!
Et encore plus avec la phrase que tu avais dite à ta psu ;-)
Je t'ai tagguée aujourd'hui, un truc marrant où le hasard intervient alors si ça te dis, n'hésite pas
Bonne semaine
Mon erreur serait- elle révélatrice de mes envies de voyage?
En tout cas, hier, nous avons fait 100 km et vu dix personnes! Etienne et moi étions enchantés!
ce qui signifie que je vais faire réparer mon 2è vélo!!
pour t'emmener dans les champs ou au bord des fleuves fous
je n'arrive pas à en dire plus ... je lis, je me réjouis et je
ah ça oui, c'est pour moi!
et il y aura peut être aussi quelques fossés à observer
Jusqu'où ce remue ménage va-t-il t'amener?
Quand tu emploies le mot "irrationnel" il prend un autre sens: l'irrationnel c'est ce que les autres ne comprennent pas (pas encore).
Affectueusement
Tu as dit quelque chose de fondamental :
"Je sais que je retrouverai ma vue lorsque je verrai clair dans ma vie".
L'extérieur est à l'image de l'intérieur, c'est la base de toute spiritualité.
Philippe
Je mesure également la chance incroyable que j'ai d'être en France avec une Sécurité sociale, d'avoir été malade quand maladie et traitement étaient connus.
Je suis une veinarde dans les situations extrèmes, je crois .
Bonne journée
Arrivera ce qui arrivera, tu t'accommoderas à cet instant. Maintenant, le plus important est de profiter pleinement de cette allegresse.
Personne ne sait ce qui l'attend, la vie est pleine de surprise et la vanité de penser que nous pouvons contrôler ne nous apporte rien de positif, au contraire.
Etre là, ici et maintenant, en pleine conscience de soi, la vie n'en sera que plus belle, plus riche... du moins, je le pense.
Accepter et s'adapter au handicap est une chose, garder l'espoir et se jeter dans les chances offertes par la thérapie en est une autre. Qui refuserait d'aller mieux ne serait - ce qu'un temps? Nous sommes des êtres humains de chair et d'âme, pas des machines, ni des pions, encore moins des dieux.
je ne la pense pas irrationnelle la phrase dite à ta psy, je la sens poussée par les profondeurs de ton ressenti
ton être sait au fond de toi ce qui se passe pour toi
tu es celle qui es performante pour trouver les clés d'action qui te permettront encore plus d'évolution
Maladie cri du coeur, cri de l'âme, cri du corps pour dire stop, il est temps de se regarder en face, de l'intérieur. L'égo, le mental se croient les seuls maîtres à bord, ils avaient besoin d'être remis à leur place.
Bisous cousine.
Il n'y a pas d'échelle d'attention, vous tenez à moi chacun à votre façon
Les mots me manquent c 'est magnifique!
bizzzz
Nous pourrons nous faire qq gueuletons et autres réjouissances!
je me prépare dans les starting block, héhé
avec les ponts du mois de mai j'espère que l on pourra se voir!!! le week end du 1er il y a le festival herbenzik(?) à besançon si ça te dit, je t emmène!!!
désolée de faire la morte mais les week end de médecine chinoise et la recherche de maisons à vendre m'épuisent!! mais le soleil est de retour c reparti
biz
Bonne route !
Merci pour tous ces commentaires délicieux.