• Fiasco en cuisine.

    Ayant beaucoup d’œufs, j'avais envie de préparer quelque dessert. J'abordai la question avec fiston, obtins l'habituelle réponse laconique et vide. Je me souvins d'une tablette de chocolat blanc et l'idée d'une mousse avec des fruits rouges le fit un peu réagir depuis le canapé où il était vautré avec sa console de jeu:

    - Oh! Donne- moi quelques carreaux s'il te plaît

    - Si je t'en donne, c'est ça de moins dans la recette.

    - C'est pas grave, ça ne changera rien, tu verras.

    Je lui donnai une ligne qu'il engloutit vite fait.

    - Hummmm, il est bon ce chocolat.

    - C'est un pâtissier.

    - Il n'empêche qu'il est bon.

    J'ouvris la porte du frigo et préparai vaguement les ingrédients, glissant un pot de crème liquide à côté des œufs. Je lis ensuite plusieurs recettes, histoire de faire à ma façon, comme d'habitude puis, je perdis l'envie de m'y mettre ce soir- là. Je ne manquai pas de cacher la tablette de chocolat blanc parce qu'en évidence aux yeux de fiston, elle aurait disparu dans la nuit, certainement.

    Le lendemain matin, je vaquai aux occupations habituelles et l'idée de la mousse me revint. J'étais bien embêtée parce que je n'avais aucune envie de la faire, surtout qu'il y avait besoin de la laisser prendre au frais au moins six heures… ce qui nous ramenait bien après le repas ( et donc, c'était râpé pour le prétendu dessert). Je tirai au flanc en préparant les ingrédients du repas ( escargots beurre maître d'hôtel- que mon garçon adore- et risotto aux champignons). L'heure tourna encore et sans grand enthousiasme, je me décidai à faire cette mousse. C'était dimanche et comme je n'avais rien fait de spécial pour les 18 ans de mon garçon dans la semaine, je me forçai la main, en plus des escargots. Je déposai les carreaux en morceau dans une petite casserole sur le tout petit feu vitrocéramique. Je savais très bien que c'est à faire fondre au bain- marie mais j'avais la flemme de sortir plus de vaisselle et la casserole spéciale bain- marie en particulier. Je me mis à laver le riz rond à plusieurs eaux et les minutes passèrent. Le chocolat ne semblait pas bouger et quand j'y mis le nez, je découvris que le fond était brûlé et granuleux. Bravo! Je pris une petite cuillère pour reprendre celui qui n'avait pas été atteint, le tout vint d'une pièce. «Bon, je vais faire le tri dans le saladier, ça ira», pensai- je. Tu parles! Tout se mélangea et il y en avait partout. Parce que le granuleux brûlé était majoritairement en minuscules graines, que j'ai sali l'évier, deux cuillères, un couteau, une spatule, aggravé le cas de la casserole. J'avais en outre plein de chocolat à demi fondu ou brûlé sur les mains. Je songeai à enlever des œufs sur la recette vu que sur la tablette initiale, j'avais déjà perdu bien de la matière. Agacée, je sortis un saladier supplémentaire et le chinois pour passer ce magma informe au tamis avec l'espoir de ne pas tout perdre; ce fut heureux mis à part que j'alourdis le poids de vaisselle sale ( pour quelqu'un qui avait eu la flemme de sortir la casserole à bain- marie, c'était ballot). Comme , inévitablement, le chocolat ainsi récupéré refroidissait et donc durcissait, je me rappelai alors de la préparation des œufs. Vite, je séparai le blanc des jaunes, fis monter les premiers au super robot et constatai avec effroi que les jaunes versés sur le chocolat accéléraient son refroidissement! La mixture devint une espèce de truc informe où rien ne se mêlait. Les blancs montés, je les transvasai dans un précédent saladier que j'avais vite rincé et grattai la mixture jaune- chocolat refroidi pour la mettre à battre au fouet dans le super robot. L'idée d'utiliser le blender me traversa l'esprit, j'y renonçai estimant avoir assez sali de vaisselle. Hormis quelques morceaux, après plusieurs minutes, l'ensemble parut se fondre, j'ajoutai un bout de beurre. Pendant ce temps, les blancs attendaient… Dépitée, je mêlai le tout doucement, pressentant la catastrophe à venir. Léchant de temps en temps les résidus, je trouvai le goût agréable et y mis mes espérances; la mixture passa au réfrigérateur. Je préparai le repas et fis la vaste vaisselle. A 12h30, fiston n'était toujours pas levé, je finis par manger seule. Heureusement, le repas fut fameux et je me régalai. Il débarqua bien plus tard, avala le risotto peu enthousiaste et les escargots froids.

    Durant l'après- midi, je jetai de temps en temps, un œil sur la prétendue mousse au chocolat blanc. Mon espoir se déconfit au même rythme que les blancs en neige retombaient. Après 16h, je mangeai des fruits rouges seuls entre deux coutures ou coupes puis n'y tenant plus, je sortis la mixture. Le spectacle n'était pas glorieux: du jaune coulant dessous, du blanc en mousse lâche dessus. Je me servis et goûtai: pas terrible avec les fruits rouges, peu de matière, la prétendue mousse plus proche du liquide que de la mousse, par contre, le goût chocolat blanc était très fort. Après deux ou trois cuillères à café, j'eus un haut le cœur, trop d’œuf, trop de beurre de cacao ( ben oui, le chocolat blanc, ce n'est QUE du beurre de cacao), je rapportai le plat à mon garçon: « Tu peux tout manger, c'est trop riche pour moi, ça devrait alors te plaire.. enfin, j'espère parce que franchement, elle est ratée». A mon grand soulagement, il mangea toute la partie mousse et peu finit dans l'évier. « C'était bon, même si c'était spécial» conclut- il. Je lui racontai alors mes mésaventures du matin dues uniquement à ma flemme de sortir la casserole à bain- marie. A chaque épisode, il glissai un:

    - Tout ça parce que tu n'as pas pris la casserole à bain- marie.

    - J'aurais pu très bien aussi mettre le chocolat dans un bol posé sur l'eau de la casserole.

    Mon récit ne l’intéressait pas, il se souciait peu des détails, j'insistai néanmoins, notamment sur la notion de flemme dont il est champion. Après trois au quatre épisodes, il voulut raccourcir:

    - Maintenant, tu sais que la prochaine fois, tu sortiras la casserole à bain- marie

    Et moi de conclure définitivement:

    - Ben non, la prochaine fois, je ne ferai rien quand je n'en ai pas envie.


    Le soir venu, je repris la lecture du livre de Christophe André, Méditer jour après jour. Jusqu'à cet instant, je n'y avais pas appris grand-chose m'y attardant pour finir ce qui a été commencé. Par hasard, j'arrivais au chapitre, Agir et ne pas agir. Écho formidable à mon expérience du jour, j'y trouvai confirmation de ma conclusion sur la mousse au chocolat blanc ratée: « La présence mentale à l'action nous permet de mieux comprendre à quel moment une action devient inutile», « Apprendre à se désobéir: un acte simple de clarification et de libération personnelle...», « La pleine conscience nous permet, finalement, de considérablement augmenter notre liberté. Plus je la pratiquerai, plus je ressentirai dans mon quotidien la différence entre réagir ( aveuglément, aux impulsions) et répondre ( en toute conscience). Et plus je préférerai répondre à ce que me demande le quotidien, avec toute ma conscience, qu'y réagir, l'esprit absent.».

    Grande est ma gratitude envers la mousse au chocolat blanc ratée.

    « Et maintenant…Raplapla. »

  • Commentaires

    1
    Lundi 23 Février 2015 à 22:47

    Je crois que je vais savourer ma mousse au chocolat avec un autre œil aujourd'hui et en pleine conscience bien sûr!

    2
    Dimanche 8 Mars 2015 à 21:41

    J'adore!! Ton article (miam!), pas le chocolat blanc! (berk!!)

     

    3
    Lundi 9 Mars 2015 à 22:06

    Je vous embrasse toutes les deux!!! ^^

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