• Et maintenant…

    Que voulez- vous que je vous dise? J'ai l'impression de vivre au ralenti, d'hiberner et pourtant, je ne me refais pas, quoi qu'il arrive. Persiste mon engagement partout, en permanence. N'ayant pas beaucoup d'énergie, je l'utilise avec parcimonie, au gré de sa bonne volonté, dans une écoute particulièrement amplifiée du corps. Mon ami Boris a su heureusement me soutenir, renforcer ma conviction, me donner de la légitimité et de l'assurance quand après les attentats, il a répété combien la rencontre et la discussion étaient les meilleures des solutions face aux désordres de ce monde de méfiance, de peur, de ressentiment, trop souvent de haine, principalement de délires et fantasmes.

    Alors, oui, ma foi, et c'est de circonstance, je continue.

    D'abord, j'écoute mes nombreux amis musulmans. Entre nous, rien ne change; cela n'a pas lieu d'être de toute façon, les événements de janvier n'ont rien à voir, ni à faire dans nos relations. Tout au plus, ils ont permis de renforcer nos liens car nous savons que la rencontre, l'accueil, le partage sont les meilleures défenses face à la division, l'opposition et la violence.

    - Dans l'Islam, tuer, c'est interdit!, s'exclama l'une de mes amies quand le sujet des attentats traversa la pièce. Même pas une mouche, une fourmi, rien! On la prend et la met dehors, c'est tout.

    - C'est le respect de tout ce qui est vivant, le respect de la vie, ajoutai- je.

    Et c'en fut fini.

    Ensuite, j'ai affiché partout «Tuer une âme non coupable du meurtre d'une autre âme ou de dégâts sur la terre , c'est comme d'avoir tué l'humanité toute entière; et faire vivre une âme , c'est comme faire vivre l'humanité entière », Coran, sourate V, verset 32.

    En plus des engagements habituels individuels et personnels sur mon lieu de travail, au quotidien, dans la communication non violente et le reste, je contribue à un projet à plus large échelle dans le cadre d'une institution régionale impulsé fin 2014 avec d'autres engagés de ma trempe basé sur la rencontre, la solidarité, la gratuité, le partage de tout ce qui existe et se réalise concrètement en preuve qu'une autre société est possible. Sa nécessité en est devenue que plus urgente depuis janvier. Mes étincelles à répétition insistantes ont fait mouche, trouvant écho dans un terreau bien préparé et je me réjouis des premières mises en œuvre.

    J'ai donc encore bien des récits à écrire d'autant que je n'ai pas fait le tour de ce qu'il s'est passé ces dernières années. J'y vais doucement parce que l'énergie est nécessaire ailleurs, j'y vais tout de même. Lira qui voudra, l'avantage de la faille narcissique est que l'inutilité ou l'inefficacité n'ébranlent pas les convictions parce que finalement, l'égo ne se soucie pas de ce que ces actions peuvent lui rapporter ou lui prendre. Quitte à nourrir un ensorcellement du monde, autant que c'en soit un qui me corresponde, autour de valeurs fraternelles, équitables, respectueuses de la vie, de l'humanité dans son unité et de la terre qui nous porte. Je laisse à d'autres la capture des événements pour faire leur auto- promotion et vendre leurs opinions, leurs livres; chacun fait ce qu'il peut avec son humanité faillible et mortelle. Je suis quant à moi lucide sur le fait que mes engagements sont ridiculement insignifiants devant l'énormité de la tâche quand je suis si menue surtout que je suis revenue de cette fable du colibri, des intuitions aux Amanins puis ailleurs ayant été confirmées par des découvertes rédhibitoires sur ce mouvement. Alors, oui, c'est vrai, ce que je fais, je le fais principalement pour moi.

    Je comble mes besoins énormes d’authenticité et d'intégrité, me nourris de ces échanges et de l'énergie bénéfique qui s'installe quand je tâche de la faire vibrer sur d'autres niveaux, je m'exalte des partages avec ceux qui aspirent à un autre monde, d'autres relations, espérant ensemble que ce que nous réalisons puisse porter quelques fruits ou du moins limiter les casses contemporaines à l’œuvre. Tous les jours, je me regarde en face, dans le miroir, je me sais debout et digne, en accord avec ce que je dis, pense et espère. Le doute ne m'étreint pas à ce propos car je sais surtout depuis les heures terribles de 2006 que je veux, mon heure venue, mourir en paix, partir la conscience tranquille. Fragile et branlante, je reste une guerrière.

     

    Il y a quelques mois, un thérapeute m'interpellait:

    - Personne ne vous demande d'avoir des ailes dans le dos. Quand allez- vous arrêter de vous occuper des autres? Pourquoi ne vous occupez- vous pas d'abord de vous?

    - Et ben quoi! Nous avons aussi besoin de gens qui s'engagent et vivent leurs vies en accord avec leurs convictions et leurs espérances, balançai- je agacée de cette mode hédoniste lucrative pour nombre de thérapies alternatives dans une société à l'individualisme et au narcissisme forcenés.

    Il finit par me cataloguer d'extra- terrestre ( les deux séances avec lui mériteraient que je vous les raconte). 

    Quelques jours plus tard, une amie maroco- italienne s'inquiétait de ma santé, j'avais l'air fatiguée, je lui rapportai alors à demi- mot les paroles de ce thérapeute et sa réaction spontanée me fit largement sourire: « Il peut toujours vous le dire mais vous n'allez pas changer parce que vous êtes comme ça et que c'est de ça que vous êtes faite. ». Tout était dit.

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 16 Février 2015 à 10:09

    Coucou Fée, je te remercie pour ce bel article. Deux réactions:

    - pour la petite claque qui lui fait du bien, mon ego te remercie chaleureusement ;-)

    - prendre soin des autres, pour toi, c'est la meilleure façon de prendre soin de toi puisque ce sont tes valeurs profondes qui sont honorées. C'est ce qui pour toi fait sens. Alors bravo, j'ai hâte d'avoir des détails sur ce type de projet "extra-terrestre"!

    Je t'embrasse.

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