• Et une autre,

    Puis, il y eut cette virée avec Pia pour une exposition exceptionnelle de Van Gogh à Bâle.

    Fatiguées d’attendre que d’autres réagissent et s’y intéressent, nous sommes parties toutes les deux en expédition. Chacune a pris ce qui lui était possible et nous avons parcouru les distances tranquillement entre voiture, tram et marche à pied. Ce fut un régal de partager avec elle ces instants précieux, elle comprend la réalité de mes handicaps, elle a la sensibilité à l’art et des remarques riches  en toutes circonstances.  Je l’ai rencontrée par le travail et la communication s’était faite naturellement entre littérature et ressenti. Une belle surprise de la vie où il n’est guère nécessaire de s’étaler pour se trouver.

     

    L’exposition était magnifique, j’étais émue de voir ces tableaux en vrai, venus du monde entier, certains de collections privées. Avec Pia, nous nous sommes penchées sur les toiles afin de déguster les traits et les couleurs. Entre pointillisme, fauvisme, impressionnisme, cubisme, nous avons mesuré l’étendue de la recherche de cet être si particulier au sein d’une époque qui ne sut reconnaître sa valeur fondamentale. Ici, le trait timide, méticuleux et soudain, la pâte en tâche, les tracés violents et épais.  J’avais l’impression d’être en son creux, de sentir le mouvement de ses mains traversant l’air près de la toile, fébrile, colérique, apaisé et serein. Plongée dans des œuvres magiques et puissantes d’évocation d’un champ d’étude pourtant restreint par l’incompréhension et les difficultés mentales.

     Les humains aux traits flous y sont figés dans une nature vivante, tumultueuse souvent, la lumière irradiant d’un coin de la toile comme si une ampoule se cachait derrière. Les contrastes entre le calme et la tourmente, les constructions industrielles et la campagne cultivée. Le ciel du nord et les lumières du sud. Les mots me manquent, ce fut véritablement une plongée dans son univers et je me sentis en communion avec lui.

     

    Si les sorties précédentes ne me laissent guère de souvenirs de limitations liées aux handicaps, cette virée à l’exposition Van Gogh fut plus problématique au point que je préfère en  rire plutôt que de m’apitoyer ou m’énerver.

    Déjà, il n’y avait pas de tarif réduit pour les handicapés. Cela ne me gène nullement si nous pouvons profiter pleinement du spectacle au même titre que les autres. Pourtant, l’aventure me ramena à mes états alors que je jouis malgré tout de mes jambes et de mes yeux ; qu’en serait-il de moins mobiles ou de plus mal voyants ? Certainement qu’ils ne viennent pas… malheureusement.

     

     Il me fallut laisser le gros du sac dans le hall d’entrée, comme tous les autres. Merde alors ! Que faire en cas d’accident pipi ? Je pris toutefois le minimum en insistant. 

    Immense escalier pour monter à l’étage où étaient exposées les œuvres. Je ne me souviens pas avoir vu d’ascenseur.

    Dans les salles, je m’approchai des tableaux vision de loin puis de plus près pour en voir les détails, … ET voilà qu’un gardien, me demanda de ne pas m’approcher (en allemand !! C’est la Suisse alémanique et moi je suis sortie complètement ignare de mes 9 années d’étude de la langue de Goethe !!). J’essayai de lui expliquer malhabilement que je ne pouvais pas voir parce que je ne vois pas (je ne sais pas dire handicapée Scheise !)  et que j’avais besoin de m’approcher. Je lis dans son visage qu’il était coincé entre son devoir et sa compréhension, je fis un effort pour le rassurer et remarquai finalement que beaucoup d’autres allumaient l’alarme en déambulant simplement devant les toiles. Je ne me gênai plus par la suite, d’autant que les éclairages jouant un rôle très important tant pour la mise en valeur des tableaux que pour mes yeux se révélèrent appropriés pour ma vue. Je pus donc en profiter finalement.

     

    Le bouquet est venu en final : 

    Voiture, tram, marche dans la ville, piétinement dans les salles, peu de sièges… poufffff, la fatigue me gagna et ce fut la vessie qui s’y mit, forcément, pour manifester les mécontentements du corps. Allez, je tentai de fermer les écoutilles pour les dernières salles, je n’avais plus eu de souci depuis plusieurs jours, pourquoi ce jour- là  plus qu’un autre ? Il faisait chaud, lourd… et bloom, tout à coup, je sentis venir la fuite. Je me pliai et Pia demanda les toilettes les plus proches. Plusieurs salles à traverser, j’essayai de me retenir, je filai, AAAAAAAAAAAAAARRRRRGGGGGGGGG je demandai encore à passer un contrôle et j’aperçus les toilettes au loin…. Vloum, le liquide chaud coulait déjà entre les jambes et ce fut quelque peu exaspérée que j’entrai dans les toutes petites toilettes pour n’avoir plus qu’à me changer. Heureusement, je m’étais  glissée avant la séance de nettoyage. Cependant, le pantalon était inondé, mon change était resté dans le hall… Que faire ? Me promener l’arrière train mouillé jusqu’aux genoux ? Non merci ! Je décidai de ne garder que le haut et de me débarrasser du pantalon mouillé au fond du petit sachet autorisé. Par chance, les jambes étaient épilées et comme elles sont plutôt jolies, je les laissai à l’air « Bon, c’est court quand même, ne va pas trop te pencher ! » me conseilla Pia. Et j’ai terminé ma visite dans cette tenue (avec des chaussures sivousplè):



    Je ne sais pas pourquoi mais j’ai remarqué les regards, ceux des hommes et ceux des désapprobateurs. Hihi, quelles pensées ont traversé leurs esprits ? Je m’amusai finalement de la mésaventure. Qui pouvait donc imaginer que ce n’était qu’une réalité d’handicap invisible chez une jeune femme?

    Dans le hall, à la sortie, j’ai fini par enfiler des leggings (c’est comme ça qu’on dit maintenant pour les caleçons longs en recyclage mode) parce qu’en ville, heim, les tenues très courtes, c’est pas génial, même en Suisse.

     Nous rentrâmes ravies toutes les deux de l’expédition. A la maison, j’avalai mes remèdes homéopathiques pour éviter l’infection (ben oui, un immunosuppresseur en traitement permanent, des ratages du système urinaire, une grosse chaleur et c’est l’infection assurée pour bibi), incident vite corrigé.

     

    Entre la magie de l’expo, la compagnie de Pia qui a été adorable et cet épisode, je garde qonc un très bon souvenir cocasse en pied de nez aux jugements. Qui sait ce qui se joue derrière les apparences ? Avec la CNV, je sais désormais que ces jugements ne concernent que ceux qui les élaborent, ils n’ont rien à voir avec moi, ma responsabilité et encore moins ma faute. Je suis légère et la grande pudique que je fus s’amuse désormais de promener ses jambes nues dans la cohue d’un grand musée.


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  • Commentaires

    1
    Je transfère
    Mardi 13 Août 2013 à 19:14

    Commentaires

     
    Comme ce problème me concerne aussi, je ne peux m'empêcher de réagir. Maintenant j'arrive à mieux me contrôler mais pour une sortie de ce type où je suis absolument certaine que la fatigue sera de la partie, les garnitures pour adultes sont obligatoires, et les dégâts limités d'autant et invisibles surtout. Il suffit d'avoir avec soi juste un petit sachet-lingette et un change de garniture, ce qui est léger! En plus pas de lavage de vêtements en rentrant.
    Mais même si j'étais mouillée, j'ai appris à ne pas m'encombrer du regard des autres, même négatif. C'est pareil si on a des grandes oreilles ou une mèche de travers: on croit que les gens ne voient que cela, alors que c'est nous qui mettons le focus dessus.
    Bizzzzzz
    Commentaire n°1 posté par Annie le 08/10/2009 à 07h56
    Mine de rien, ce problème soulève de nombreuses questions.
    Bien sûr que je connais les protections adultes souvent rassurantes pour éviter les fuites, j'en ai porté pendant des mois complètement incontinente de partout; la masse de déchets m'a amenée à me poser la question de cette pollution et j'ai cherché des protections écolo lavables, Il me manque une partie du change complet.. et systématiquement le caractère aléatoire de ces fuites contrecarre mes plans. Ce jour- là de grosse chaleur et longue marche tout va bien et ce jour-ci, sans raison tout à coup, c'est la débandade.
    Je pense souvent aux grandes robes d'autrefois et leurs culottes fendues.; il suffisait d'écarter les jambes ni vu ni connu.
    Reste que je songe souvent à ce besoin naturel occulté, les toilettes publiques propres et gratuites sont si rares...
    Je vis quelque chose par ce biais, une voie aussi dans mon cheminement. Et le regard des autres m'importe peu. Quand je raconterai tous les endroits utilisés pour me soulager, la mesure de mes inventions au principal feront sourire pareillemnt pour le rapport au corps, le rapport au regard, le mien, celui d'autres. je n'ai pas fini d'en étaler des tartines sur la toile!
    Chaleureusement, chère Annie.
    Réponse de fée des agrumes le 08/10/2009 à 21h36
     
    Hei! j'aurais bien aimé y aller à cette expo! J'avais été au musée de Van Gogh à Amsterdam...superbe. :)
    Et quelle aventure! le récit que tu en fais la rend presque humouristique, rocambolesque...
    Bises
    Commentaire n°2 posté par Troll des forêts le 08/10/2009 à 10h25
    Si tu avais été là, je t'y aurais conviée, logiquement. Je ne te dirai pas combien de nos connaissances communes ont occulté l'invitation... Indécrottables qu'ils sont de leurs principes habituels.
    J'espère bien que c'est cocasse, c'était le but et en plus, j'en ai tiré une grande leçon tant sur moi que sur mon rapport au monde.
    La vie est incroyablement généreuse, à chacun de cueillir les fleurs qu'elle offre à notre portée.
     
    Réponse de fée des agrumes le 08/10/2009 à 21h40
    Commentaire n°3 posté par mariev le 08/10/2009 à 10h42
    C'est exactement ça!!
    Réponse de fée des agrumes le 08/10/2009 à 21h40
    Eh beh! Je vois la scène d'ici! Tu devrais te mettre aux BDs humoristiques, tu sais!
    Commentaire n°4 posté par coq le 08/10/2009 à 12h00
    Je te laisse croquer!
    Sache tout de même que dans mon enfance, je dessinais des aventures en BD pour ma petite soeur à partir d'histoires que je lui racontais le soir avant de dormir. Et il y  eut aussi mes aventures légumières en cours à la fac dans un délire terrible avec mes camarades!
    Je dessine avec mes mots désormais, le dessin s'exprime par ailleurs... m'enfin va savoir de quoi je suis capable héhé
    Réponse de fée des agrumes le 08/10/2009 à 21h43
    Ah! mon commentaire a été atribué à Annie!
    Commentaire n°5 posté par Troll des forêts le 08/10/2009 à 14h14
    bah, c'est la déconnade totale chez over blog aujourd'hui! les éléments se remettent en place au fur et à mesure.
    pas de souci
    Réponse de fée des agrumes le 08/10/2009 à 21h44
    Fée.... je viens de passer presque une heure sur ton blog. J'ai voulu savoir ce qui t'es arrivé. J'ai la gorge serrée d'avoir lu ton enfer, les larmes aux yeux d'imaginer tout ce que tu as traversé, toi et ceux qui t'aiment.

    Je viens de revenir lire ce post et je mesure quel bonheur cela peut être de pouvoir visiter cette exposition sur tes deux jambes, profiter des détails de la peinture, enfin, pouvoir profiter de ta vie.

    Je suis bouleversée par ton témoignage au moment où j'écris... Je reviendrai rire plus tard avec toi.

    Pensées.....
    Commentaire n°6 posté par La Femme des Steppes le 12/10/2009 à 12h49
    Une véritable voie initiatique.
     
    Oui, chaque instant de vie est un cadeau précieux, une merveille que je vis pleinement. Et fi des principes! je suis allée au principal après avoir connu le dénuement extrème en vision réelle de ma propre fin.
    Comment pourrais- je vivre autrement qu'avec cette joie béate?

    Bienvenue ici, je t'accueille avec joie.
    Réponse de fée des agrumes le 12/10/2009 à 23h06
    Merci, Fée. Ton chez-toi me plaît beaucoup.
    Commentaire n°7 posté par la Femme des Steppes le 13/10/2009 à 15h09
    Quand le grand chambardement se sera achevé, je serai plus présente et heureuse de retourner tant à mes textes qu'à ceux des autres ... celui lu chez toi, ô femme des steppes sur l'enfant dans l'escalier et la poussière me suit constamment... ça promet !
    Réponse de fée des agrumes le 16/10/2009 à 21h25
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