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Du cafouillis dans la mémoire.
N'étant plus très certaine du déroulement des événements, je me suis tournée vers SeN et ses souvenirs. A conjuguer les siens au miens, j'arrive à me remémorer chronologiquement des aventures de ces jours si particuliers où je suis passée par des émotions intenses, reliant des faits et des personnes.
Ainsi, je me souviens que ma mère était venue me voir une après- midi lors de mon séjour en neuro pendant que coulait le produit dans mes veines. Comme à son habitude, elle courut aux toilettes où je lui enviais cette banalité de le faire librement, sans y penser. Comme à son habitude, elle était submergée par les petits tracas de sa vie qu'elle laisse facilement prendre plus d'importance qu'ils n'en ont. Comme à son habitude, elle me ressassa ses habituelles rengaines. Au détour des mots, elle évoqua l'air de rien son attente vis- à- vis de ce traitement, elle voulait savoir si là, c'était bon ou si j'allais encore basculer dans pire. J'étais souvent prétexte à ce qu'elle lâchât ses propres expériences dans la maladie ; de l'autre en effet de miroir, indéfiniment.
Je lui parlai alors de ma voisine de chambre, une femme victime d'une attaque cérébrale avec qui j'avais un peu discuté. Agée d'une soixantaine d'année, elle était originaire du même coin que ma mère, du même village. Elle commença à me questionner sur cette femme, comment pouvais-je lui répondre ? Je n'en savais rien. C'est ma mère ça ! Elle a le chic de poser de questions sur des sujets dont nous ne savons rien, surtout en ce qui concerne les autres et leurs vies. Quand cette femme revint dans la chambre, en fauteuil, le visage de ma mère s'éclaira et elle s'exclama : » Ah ! Mais oui que je la connais ! Salut !... » (J'ai oublié le nom, il n'y a pas eu d'accroche entre nous, des relations polies de voisines de chambre, sans plus) Elle la tutoyait, lui parlait comme si elle l'avait vue la veille ; cette femme bousculée par l'attaque et pas très maline (désolée... ) semblait quelque peu effrayée. Ma mère se présenta, elle chercha et la situa vaguement dans ses souvenirs. Elles étaient camarades de classe et ne s'étaient pas vues depuis au moins 40 ans, si ce n'est plus.
Ah Maman, vraiment, tu n'arrives pas à sortir de tes souvenirs, de ton passé. Pas étonnant que tu ressasses sans cesse les mêmes vieilles histoires.
Finalement, elles se racontèrent des pans de leurs vies respectives, évoquèrent quelques souvenirs et ma mère, après avoir mis son bazar dans la chambre repartit joyeuse de ce bond dans le passé.
Ce jour-là, SeN était venu seul. Nous avons discuté des petites choses du quotidien, il me faisait part de ses difficultés à tout gérer, du débordement qui caractérisait sa vie en ces jours sombres. Lui, qui ne rêve que d'une vie pépère et coulant sans heurts était dans ce qu'il déteste le plus : le sentiment de ne pas contrôler. J'admirais ce qu'il réalisait, je me sentais aimée comme jamais, je voyais un acte d'amour dans tout ce qu'il faisait, pour fiston et pour moi. J'avais une foi aveugle en lui.
J'avais... Oui, j'avais.
Ces souvenirs m'échappent quand je n'ai rien ou personne pour les remonter à la surface. Tout simplement parce que j'étais entièrement dans le flot de ma souffrance, de mes émotions, de mes peurs et de mes espoirs. C'était parfois si dérisoire de sentir l'agitation du monde au loin, si loin de moi quand je me demandais seulement combien de temps allait durer ce calvaire atroce. Calvaire au sens réel. De celui qui déchire les chairs et mène l'être au bord du gouffre et de l'anéantissement, solution ultime à la souffrance.
Une mort symbolique.
Tags : mere, souvenirs, avais, sans, femme
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Commentaires
Re.
A propos de la dernière réponse, puis-je (pfff et après on va me dire que j'ai un problème d'égo, mais tant pis... j'assume) dire que le vieux Einstein - qui n'a pas toujours été vieux - (j'y reviendrai à cette histoire de vieux...) avait parlé et démontrer une certaine théorie de la relativité. N'est-il pas ?
A propos du temps et de sa relativité, on compare toujours cette petite minute si courte lorsqu'on déguste une truffe en chocolat (hummmmm) et si longue lorsqu'on a un doigt coincé dans une porte. Et pourtant, dans chaque situation la minute fait toujours 60 secondes.
Etonnant non ?
A propos de vieux (oui, je m'incruste...) ça me rappelle un truc qui m'avait laissé perplexe. Une vieille parente (maintenant que je sais que notre Fée a du sang royal... je soigne mon vocabulaire) âgée de plus de 95 ans parlait de son gamin de voisin. Moi, âgé d'une dizaine d'année je me disais "chouette, ce sera plus drôle que l'ancêtre..." mais elle s'est empressée d'ajoutter qu'il avait 75 ans le chenapan...
Donc oui, tout est relatif.
Bonne soirée.
en revanche, le corps et le coeur se souviennent d'une sorte de chronologie des émotions et des sensations
il y a ce "avais" aussi ... cet "imparfait" (oh comme il semble bien porter son nom, celui-là, parfois) quand tu évoques Stéphane ... qui serre un peu le coeur
peut-être un miroir pour moi-même et ma soeur ... dans l'adversité, je crois pouvoir dire que je suis "béton", fiable, claire, organisée, sang-froid, vraiment, je sais que je suis costaude, très costaude, ... trop costaude ... mais après? ...
je t'embrasse
;)
Bien sûr qu'on est toujours seule au bout du compte, cela me fait pesner à la chanson de Dalida que j'aime tellement "pour ne pas vivre seul", mais ces visites, ce partage de certaines choses fait tout de même un peu de bien...
Le reste, cette souffrance, ces angoisses, cette incertitude on la porte seule. Je be te suis dans al mort symbolique que par rapport à la renaisssance qui suit, une partie de toi est morte avec ce que tu as vécu, et une autre est née je pense...
Comme le phenixCommentaires
Bonjour Petite Fée...
Ton article me fait penser à ce qu'on écrivait il y a quelques jours : on est toujours seul ! C'en est une parfaite illustration. Ta mère (ah les mères... que ne nous auront-elles faits écrire, ou dire) dans sa bulle, toi dans la tienne, ton "Etienne" probablement lui aussi dans une autre bulle.
C'est drôle car quand on se savonne... il y a plein de bulles qui se forment. Elles sont toutes côte-à-côte et progressivement... elles disparaissent !
Pour le moent, nous on se tient chaud, dans nos petites bulles, on papote, on ironise, - JE - calomnie...
Mort symbolique...
A très vite.Sacré Philippe!
Oui, nous sommes tous dans des bulles, chacun ensorcelle le monde à sa façon et pourtant, nous ne sommes rien les uns sans les autres.
De l'importance du lien.
Le travail sur la toxicité ou la bienfaisance du lien est ardu et profond, pénible et libérateur, jamais acquis sur toute une vie.
Nous fuyons tous devant nos zones d'ombre et quelque fois, une grosse baffe monumentale de la vie nous accule à faire le ménage et à se regarder en face...
C'est terrible et dévastateur.
Une mort symbolique qui ouvre des champs immenses sur tous les possibles.
S'approprier et réinventer le monde.
Renaître de ses cendres.
:)
Réponse de fée des agrumes le 17/10/2008 à 17h56Difficile de resituer de tels évènements dans un ordre chronologique, mais peu importe, c'est les sensations qui comptent, le ressenti... après tout, le temps n'est qu'une donnée abstraite...Oh oui, chère Coq, le temps est une notion relative.
Nous l'ensorcelons chacun à notre manière et ce sont nos émotions qui le caractérisent.
Grâce à mon ami Boris, je sais également que nos strutures neuronales évoluent avec l'âge et qu'il y a une perception physique du temps par notre cerveau.
Les enfants pensent que les journées passent vite quand les mois, les années passent lentement.
En veillissant, les journées paraissent longues et le temps passe vite.
C'est neuronal.
( Je simplifie pcq notre cerveau est complexe et plastique, encore très mystérieux et c'est comme ça que j'ai compris :p)
Bonne soirée.
Réponse de fée des agrumes le 17/10/2008 à 18h10Re.
A propos de la dernière réponse, puis-je (pfff et après on va me dire que j'ai un problème d'égo, mais tant pis... j'assume) dire que le vieux Einstein - qui n'a pas toujours été vieux - (j'y reviendrai à cette histoire de vieux...) avait parlé et démontrer une certaine théorie de la relativité. N'est-il pas ?
A propos du temps et de sa relativité, on compare toujours cette petite minute si courte lorsqu'on déguste une truffe en chocolat (hummmmm) et si longue lorsqu'on a un doigt coincé dans une porte. Et pourtant, dans chaque situation la minute fait toujours 60 secondes.
Etonnant non ?
A propos de vieux (oui, je m'incruste...) ça me rappelle un truc qui m'avait laissé perplexe. Une vieille parente (maintenant que je sais que notre Fée a du sang royal... je soigne mon vocabulaire) âgée de plus de 95 ans parlait de son gamin de voisin. Moi, âgé d'une dizaine d'année je me disais "chouette, ce sera plus drôle que l'ancêtre..." mais elle s'est empressée d'ajoutter qu'il avait 75 ans le chenapan...
Donc oui, tout est relatif.
Bonne soirée.De la pertinence verte et amère de tes commentaires...
:)
Réponse de fée des agrumes le 17/10/2008 à 20h13il est certain que le temps n'a pas eu ses "accroches" habituelles alors, alors tu t'y perdras toujours, mais comme ce n'est pas ton objectif de nous chronométrer parfaitement ta "mort symbolique" ... d'ailleurs, cette idée de "mort symbolique" est peut-être liée à cette perte de notion du temps, aussi, entre autres ...
en revanche, le corps et le coeur se souviennent d'une sorte de chronologie des émotions et des sensations
il y a ce "avais" aussi ... cet "imparfait" (oh comme il semble bien porter son nom, celui-là, parfois) quand tu évoques Stéphane ... qui serre un peu le coeur
peut-être un miroir pour moi-même et ma soeur ... dans l'adversité, je crois pouvoir dire que je suis "béton", fiable, claire, organisée, sang-froid, vraiment, je sais que je suis costaude, très costaude, ... trop costaude ... mais après? ...
je t'embrasse
;)Chère Mariev,
J aime tes mots si justes.
Ils me permettent d ouvrir les yeux sur mes propres mots.
Merci d être ce que tu es.
:)Réponse de fée des agrumes le 17/10/2008 à 20h19parfois le fait de parler des choses du quotidien, de petits tracas insignifiants par rapport à ta souffrance permet à l'entourage (surtout quand il se rend compte qu'il ne peut rien faire) de maîtriser un peu la peur... la peur de te perdre ;-) chris.Evidement.Réponse de fée des agrumes le 17/10/2008 à 22h25Je ressens beaucoup de tristesse dans ce texte, dans une phrase en particulier, 5 mots qui en disent long...
Bien sûr qu'on est toujours seule au bout du compte, cela me fait pesner à la chanson de Dalida que j'aime tellement "pour ne pas vivre seul", mais ces visites, ce partage de certaines choses fait tout de même un peu de bien...
Le reste, cette souffrance, ces angoisses, cette incertitude on la porte seule. Je be te suis dans al mort symbolique que par rapport à la renaisssance qui suit, une partie de toi est morte avec ce que tu as vécu, et une autre est née je pense...
Comme le phenixJe ne connais pas cette chanson de Dalida, enfin, ça ne me dit rien, je vais essayer de l'écouter.
Oui nous sommes seul et sans les autres, nous ne sommes rien.
Oui, il y a une mort symbolique et par une chance inespérée et incroyable, une renaissance tout aussi symbolique.
Quand rien ne change et que tout change.
Histoire d'une initiation folle et terrible, merveilleuse et enchantée.
Moins nous écoutoins le corps, plus il crie fort. Il est vital de ne pas l'ignorer, n'est- ce pas?
;)Réponse de fée des agrumes le 18/10/2008 à 11h51
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Bonjour Petite Fée...
Ton article me fait penser à ce qu'on écrivait il y a quelques jours : on est toujours seul ! C'en est une parfaite illustration. Ta mère (ah les mères... que ne nous auront-elles faits écrire, ou dire) dans sa bulle, toi dans la tienne, ton "Etienne" probablement lui aussi dans une autre bulle.
C'est drôle car quand on se savonne... il y a plein de bulles qui se forment. Elles sont toutes côte-à-côte et progressivement... elles disparaissent !
Pour le moent, nous on se tient chaud, dans nos petites bulles, on papote, on ironise, - JE - calomnie...
Mort symbolique...
A très vite.