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Des planches au meuble est la rencontre.
Dans cet article, j’évoquais mes bricolages en scie sauteuse du début de l’été. Il me restait quelques planches récupérées dans une poubelle bien des années auparavant avec lesquelles j’envisageais la fabrication d’un meuble sur mesure à coincer entre la cuisinière et la machine à laver. Mes dérivations sur la ligne droite en découpe n’avaient pas lieu d’être en pareil cas et je cherchais une solution. Je me suis ainsi retrouvée chez ma collègue dont le mari est un grand manuel : il pose des fenêtres, vérandas, il rénove des maisons, (admirable). Il avait accepté de s’en occuper et je lui avais laissé ma fiche avec les mesures, le schéma de ce que je voulais faire. Une intuition me porta à croire qu’il me préparait un truc… et je ne me suis pas trompée.
Alors que je venais tout juste de ramasser le jus de groseille explosé dans la cuisine, mon portable sonna. C’était lui, il voulait me ramener mes planches et demandait où j’étais exactement. Couverte d’éclaboussures de jus de la tête aux pieds, le tablier maculé d’énormes flaques, les chaussettes écrues devenues à pois, les mains toutes roses, je lui fis des signes à la fenêtre pour qu’il me trouvât. Des voisins s’étonnèrent de son énorme véhicule (un humer ?) et je me précipitai vers lui dans le but de l’aider. Avec ma dégaine barbouillée, je plaisantai en évoquant une attaque de groseilles. Quand il ouvrit la porte de son coffre, je vis un gros machin emballé dans du papier bulle :
- Qu’est- ce que vous avez fait ? J’avais simplement demandé un découpage des planches, demandai-je malicieuse.
- Et ben, vous verrez à l’intérieur, répondit- il malicieux.
Sourire en coin, je lui ouvris les portes alors qu’il portait sur son épaule un grand parallèpipède en bulle. Hum.
Arrivés dans la cuisine, il ouvrit son emballage et je découvris… UN MEUBLE !!! Plateau en bois massif, côtés en mélaminé impec blanc, étagères en contreplaqué, cache-vis, pieds, tout, TOUT ! Béatitude sur mon visage et mille pensées diffuses en vrac dans la caboche, lui, très débonnaire.
- Mais où sont mes planches ?
- Oh, j’ai trouvé mieux.
- Qu’est- ce que vous en avez fait alors ?
- Je les ai jetées
- M’enfin, j’avais seulement demandé la découpe, vous n’étiez pas obligé de TOUT me faire. Comme si vous n’aviez pas assez de travail. J’aurai été ravie d’un meuble tordu patchwork bricolé moi- même et là, vous m’avez vraiment gâtée. Blabla … ben… merci, merci beaucoup. Bla bla. Quelle chance a votre femme d’avoir un mari comme vous ! Je comprends pourquoi votre fille est si débrouillarde. En même temps, je m’attendais à un truc, j’ai bien senti que vous étiez du genre à vous en charger. Vous pouvez être fier de vous. Blabla.
Pour sûr, j’en ai débité des trucs, très contente et empêtrée avec mes remerciements à la noix. En fait, j’étais très émue et touchée, je ne trouvais simplement pas mes mots - c’est con, j’aurai peut- être mieux fait de me taire . Lui ne disait pas grand-chose, il ne se souciait que de savoir si son travail était bon et ajusté, si mes mesures étaient bonnes sur le plan (et elles l’étaient héhé) ; il fut surpris et ravi quand je lui tendis une bouteille de Bordeaux : « Vous la boirez avec votre femme pour moi… ou alors nous la boirons ensemble à l’occasion. ». Il m’écouta patiemment puis nous convînmes que c’était suffisant, il était temps pour lui de retourner au boulot.
Le voici donc, ce fameux meuble :
J’ai traité les bois bruts avec de l’huile de lin, bêtement ; pour une cuisine, c’est bien d’autant que je n’avais plus de vernis correct et aucunement l’envie d’aller en chercher un nouveau pot (ce que j’ai fini par faire plusieurs semaines après pour autre chose, scroumpf !). Il a rapidement trouvé sa place et je l’ai rempli de mon bazar habituel, évidemment.
Sa vue me ramène souvent à cette péripétie. Dans ma tête, il y a ma collègue, son mari, notre belle soirée partagée ; je pense à Elodie, Annie, depuis peu à la femme des steppes.
Recevoir est aussi important que donner, cet équilibre naturel et l’abondance évidente.
Etonnamment, depuis que j’ai ouvert les yeux dans l’aveuglement physique, mon quotidien est jalonné de ces rencontres ( je vous en raconterai d’autres oui, oui !). Plus je lâche prise, plus je médite sur la peur de manquer et de perdre, plus je reçois. C’est fou dans notre société hyper angoissée par l’égoïsme et la peur, donc logiquement par la sécurité ; c’est bon, c’est joyeux et ma vie pétille de lumières étincelantes. Pour rien au monde je ne reviendrai aux aveuglements du passé.
« Gelée de groseilles improbable.Déconvenues, 1er épisode : raclette, grille pain, aspirateur et cie. »
Tags : , j’ai, planches, c’est, mesure
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Commentaires
Je suis heureuse pour toi, non seulement du meuble, mais surtout de cette ouverture que tu professes et qui te fait faire de belles rencontres sue le chemin de la vie.
A te lire, jeme rappelle mon parcours : d'angoissée, je suis devenue ouverte, et je sais reconnaître et accepter les cadeaux que la vie me fait.
Dommage en effet que tu habites si loin (où exactement, d'ailleurs ?) car moi aussi ai accumulé plein de trucs, que je vais donner à Emmaüs, pour qu'ils fassent le bonheur d'autres personnes.
La vie m'a fait d'autres cadeaux, à moins d'en faire à mon tour !
Bises
A Annie:
et tout mon bazar créatif envahissant! l'appartement est un atelier GEANT!
Réponse de fée des agrumes le 24/11/2010 à 22h32A petit cinématographe:A apprendre de toute urgence!
Réponse de fée des agrumes le 24/11/2010 à 22h33A Cybione:Beau parcours Cybione, d'autant plus beau que nombreux sont ceux qui ne sortent pas de leurs angoisses.
Réponse de fée des agrumes le 25/11/2010 à 11h50
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Quand je pense que j'ai dans mon garage des anciens meubles de cuisine dont je n'ai pas vraiment besoin, j'enrage que tu sois si loin!
C'est bien ce meuble, il en faut des rangements avec tous les plats que tu prépares...