• Combat

     

    Le syndrome de Devic est une réalité au quotidien en raison des handicaps qui lui sont consécutifs, des limitations, blocages auxquels je suis confrontée constamment, des traitements journaliers, des rendez- vous médicaux réguliers, répétés. Il y a également cette interrogation permanente aux manifestations du corps : est- ce anodin, lié à une séquelle, un retour de la maladie? Et cette conscience que la vie peut basculer rapidement, irrémédiablement n'importe quand. 

     

    Étant de caractère insoumis, je refuse de m'apitoyer, d'entrer en fatalisme, je me bats pour vivre pleinement, repousse, contourne les limites allègrement, opiniâtrement envers et contre tout présupposé facile, confortable. Évidemment, ce tempérament s'exprime dans tous les domaines, certains y voient du courage, d'autres un insupportable comportement déplacé et irrespectueux. Qu'importe, ils parlent d'eux- mêmes, je me positionne, j'agis et souvent, je vais plus loin que nombre de bien- portant en pleine possession de leurs moyens physiques, sociaux, familiaux ou compagnie. Avec cette attitude, il est vrai qu'au premier abord, je n'ai l'air ni malade, ni en handicap, il n'y a qu'en me cotôyant que ces réalités prennent consistance. Si en soi, c'est bon signe, il y a cependant un travers pervers que je ne soupçonnais pas : mon entourage oublie que je suis malade et limitée physiquement. 

     

    Fiston m'en fait voir de toutes les couleurs se fichant royalement de ce que je lui dis ou demande et complique grandement le quotidien avec sa tête de mûle, ses décisions, ses choix de vie anarchiques. Ma mère, physiquement éprouvée, moralement abattue me sollicite sans cesse, tenaillée entre sa culpabilité permanente et son incapacité à sortir de schémas destructeurs. Comme beaucoup d'autres, ils sont tellement envahis de leurs besoins qu'ils en oublient l'existence des besoins de l'autre. Leur ouvrir la porte de la bienveillance peut se révéler destructeur tant leurs demandes sont énormes. Pour ne pas sombrer, il s'agit de se préserver, de poser des limites parfois à forte voix et coups de poing sans oublier de les accompagner pour qu'ils s'occupent eux- mêmes de leurs sentiments- besoins, l'attente étant un poison insidieux des relations au même titre que le jugement.  

     

    Alors, en plus du combat pour vivre dignement, s'ajoute celui de dire mes impondérables, de répéter régulièrement que JE NE PEUX PAS faire comme bon leur semble en tirant sur un corps éprouvé. Ma volonté n'a rien à y voir, j'ai des limites. Courir est par exemple un objectif que je fixe depuis 6 ans  loin d'être gagné, le temps est nécessaire en plus de la chance d'échapper à une résurgence de la maladie. Il y a également la marche prolongée, le piétinement, l'équilibre, la maîtrise des sphincters et des membres, la fatiguabilité, le froid, la chaleur, le soleil, la sensibilité aux germes, la fragilité du système immunitaire.... Chaque jour est une page nouvelle où j'expérimente en écoutant attentivement ce que je ressens de mes capacités à l'instant où l'idée me passe par la tête. Si l'essai est concluant, je sais que j'ai franchi une étape, si c'est râté, je sais qu'un temps supplémentaire est nécessaire. Je ne veux pas en plus ajouter les exigences d'autres en attente permanente. 

     

    Surtout, j'ai pris conscience de ma valeur, du respect que je me dois aussi, il est hors de question que je fasse quelque chose qui me soit néfaste ou qui aille à l'encontre de ce que je ressens.  Ainsi, chaque jour, quand ma mère est à l'hôpital, je monte et descends les cinq étages, je m'occupe de ses bêtes, de son intérieur, j'arrose ses fleurs, je débarrasse ses objets cassés, je réfléchis à lui améliorer son appartement, je lui sors les poubelles, je range et nettoie. Chaque jour, je m'attèle à garder la relation avec mon fils tout en posant les limites et maintenant le cap éducatif. Régulièrement, j'accompagne ma sœur en voiture à gauche, à droite. J'offre également mon écoute, ma présence physique ou au téléphone à qui m'en fait la demande. Toujours dans le respect de mes propres besoins et sentiments que j'écoute, à qui je laisse de la place; je médite, je fais du Qi Gong ou du taï chi chuan, je mets de l'ordre en moi afin d'y voir clair et je fais des demandes, à moi, à l'univers, à mes proches. Il est hors de question de revenir aux schémas mortifères d'autrefois et qui d'autre que moi pourrait poser la limite? 

     

    Prendre soin de soi, c'est prendre soin des autres me répétait Elodie, je le sais désormais. Il est bon de s'en souvenir, de se le répéter régulièrement car il n'y a pas d'autre alternative. 

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 10 Septembre 2012 à 08:32

    je ne connais pas cette maladie mais ton article est fort.Oui il faut savoir s'occuper de soi pour mieux s'occuper des autres. Tes rapports avec ta maman me fait penser à ceux que j'avais avec la mienne mais tres longtemps je n'ai pas su lui imposer mes volontés.J'ai craqué...mais ensuite j'ai tâché de penser à moi avant elle , pas facile et culpabilisant.Et la vie a fait qu'elle est partie en 1 mois de temps..Bref, j'ai aimé ton article qui montre une femme forte malgré( ou à cause) tout.Pas facile d'elever un enfant, seule semble t il. Mener tout ça de front , chapeau! 

    2
    fée des agrumes Profil de fée des agrumes
    Vendredi 14 Septembre 2012 à 14:51

    Pyrausta:

    Pour la maladie, tu peux trouver les infos sur la page que j'ai faite à son sujet. Bien des articles lui sont consacrés, parfois durement. Elle est terrible et imprévisible, elle a tout de même permis de tout remettre en place.

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