• Annie.

    Donut était le chat d'Annie. A l'origine, il avait été offert à son fils après une rémission de cancer qui le tua quelques mois plus tard, à 14 ans. Depuis, Annie l'avait gardé près d'elle jusqu'à l'année dernière où la vieille chatte est morte à 15 ans et demi, tranquillement. Quand j'appris la mort de ce chat, une petite voix souffla à mon oreille, je ne m'y suis pas attardée.

    Quelques mois plus tard, Annie m'annonça qu'elle avait une grave maladie, mauvaise surprise au retour de vacances. Je sentis le même souffle et refusai de l'entendre.

    Lors de ces mois pénibles, nous eûmes quelques échanges, mon expérience lui permettant de ne pas avoir à expliquer ou simplement dire, nous partagions. J'étais soulagée de la savoir bien entourée, mes pensées l'accompagnaient, mes prières aussi. J'aurais aimé être près d'elle, c'était compliqué et débarquer dans ces circonstances n'était pas approprié; la présence se mesure autrement.

    Un jour, ne tenant plus, je lui envoyai un courriel pour lui dire que j'avais peur de l'appeler au regard des circonstances alors que j'étais avec elle en pensée et prière tous les jours. Elle m'appela dans la foulée et je lui expliquai que, comme j'étais une lointaine connaissance presque virtuelle, je craignais de ne pas être avertie en cas de malheur ou dans des circonstances malheureuses, par hasard, longtemps après. Elle semblait sereine, tranquille. Quelques jours plus tard, elle m'annonça par hâtif sms qu'elle était hospitalisée, son état s'étant dégradé. Les semaines passèrent.

    Jeudi après- midi, j'en parlais à mon garçon:

    - Je me demande comment va Annie.

    - Ben quoi?

    - Tu sais qu'elle est très malade,

    - Oui

    - Et bien, je me demande comment elle va. Je suis inquiète.

    - Rhôô, Maman, t'en fais pas! Pourquoi tu vois le mal? Ces pensées- là ne sont pas bonnes, sois donc positive.

    Hier, je n'étais pas bien. Je me levais, m'occupais puis sentais fréquemment le besoin de me coucher avec un malaise diffus. Le mal persistant, je m'inquiétais d'une reprise de Devic quand je réalisai tout à coup qu'une migraine était en train de s'installer. Vite, vite, les granules pour l'arrêter avant de me retrouver clouée au lit! Elle était coriace à dissiper, je traînais donc toute la journée, ne supportant pas les lumières vives, certains bruits, l'agitation, la simple vue de tel ou tel aliment.

    A 17h30, un appel sur mon portable, je ne reconnus pas le numéro. Une voix douce se présenta: « Je suis la fille d'Annie, je vous appelle parce que nous êtes dans sa liste de contacts. ». Blanc, silence. Je savais.

    Annie est morte jeudi après- midi.

    Je n'ai pas posé de question, cette jeune femme a été d'une extrême délicatesse et je lui ai seulement dit que mes pensées allaient vers elle, son frère, leurs familles. Elle commença à pleurer en s'excusant, pourquoi donc? Je n'irai pas à l'enterrement mercredi, c'est beaucoup de chambardements dont je ne veux pas, elle a compris. « Que vous nous accompagniez en pensées! » tel était son vœu. Je la remerciai grandement et nous en restâmes là.

    J'annonçai la nouvelle à mon fiston. Silence puis exclamation: « Maman, c'est jeudi que tu m'en as parlé! Tu l'as senti, tu savais!», j'avais oublié. Chacun se réfugia dans son monde pour encaisser l'onde. La migraine disparut dans les minutes, comme délitée. Je priai toute la soirée, c'est- à- dire envoyai de l'énergie en conscience pour elle, pour ses proches, je remerciai sa fille de m'avoir prévenue avec tant de délicatesse, Annie d'avoir existé, de ce qu'elle m'a apporté, la vie de m'avoir fait la rencontrer et chacun de mes gestes lui fut un hommage car si elle n'a plus à se soucier de ses besoins, elle ne jouira plus des petits plaisirs du quotidien, le renoncement à cette vie est désormais total, elle n'est plus à cette réalité.

    Pour moi, nous naissons par hasard, vivons, mourons, disparaissons et il n'y a rien après. Ce n'était pas le cas d'Annie alors je m'en remets à ses croyances, pour elle, par elle. Désormais absente physiquement de ce monde- là, elle est nulle part, partout, auprès de son fils, en chacun de ceux qui l'ont connue. Je sens la présence de son garçon, la sienne, ce souffle à mon oreille, innommable que je ne m'explique pas. Je la sens libre, en paix, présente à ceux qu'elle aime.

    Annie, si tu avais raison, tu peux m'entendre: je te remercie d'avoir traversé ma vie, de m'avoir fait changer des points de vue, d'avoir mis l'abondance à mon esprit et je te souhaite bon voyage, ailleurs, vers d'autres expériences!

     Si j'ai raison, ce n'est pas très différent car je le lui l'ai dit de son vivant et où qu'elle soit, je l'aime au présent.

     

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