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    Quelques films ont marqué profondément ma vie et celui- ci est en tête de liste. Je l’ai vu une dizaine de fois, je le retrouve systématiquement avec bonheur, il parle à mon cœur et illumine mes espérances. Au regard de l’actualité, je ressens l’envie d’en parler aujourd’hui.

    Au XIIème siècle, dans le Languedoc, un jeune homme, Joseph, assiste impuissant à la mort de son père, torturé puis brûlé sur le bûcher, condamné par l’Inquisition pour avoir traduit Averroès. En danger, sa mère et lui fuient vers l’Espagne ; elle meurt en route et il trouve refuge à Cordoue auprès d’ Averroès. Au même moment, le calife Al Mansour fête sa victoire sous les acclamations. Vaniteux, il ne se préoccupe que de lui- même. Ses fils ne le satisfont pas, l’aîné court les filles, son cadet passe son temps chez les gitans avec qui il danse. Un soir, ce dernier est flatté et embrigadé par des hommes dans une secte extrémiste. Il y subit lavage de cerveau, manipulation et est fanatisé sous l’égide d’un émir.

    Le philosophe, penseur, grand juge, médecin, conseiller du calife, reconnu pour sa sagesse, sa magnanimité, sa tolérance est la cible des agents de l’émir. Avides de pouvoir, ils cherchent à le décrédibiliser car il contrarie leurs plans de conquête en invitant à la réflexion, à la raison. Un de ses amis, le chanteur, Marwan est attaqué à la gorge et sauvé in extrémis grâce à Nasser, le fils aîné du calife. Al- Mansour refuse d’admettre qu’un complot existe ; aveuglé par sa vanité, il n’écoute pas les avertissements d’Averroès, il n’entend, ni ne voit les changements chez son propre fils cadet, évoque un acte isolé et ordonne la mise à mort des agresseurs. Averroès découvre les techniques d’embrigadement de la secte sur ces jeunes hommes et tente, en tant que grand juge, de ne pas les condamner à mort. Le calife réfute son jugement et les fait exécuter, Averroès sent que le danger approche et envisage de démissionner, Nasser l’en empêche.

    Marwan et sa femme Manuela remarquent le comportement étrange d’Abdallah alors que la sœur de Manuela leur apprend qu’elle est enceinte de lui. Dans la maison d’Averroès, alors que Marwan leur fait la surprise de chanter à nouveau, la bibliothèque du philosophe est incendiée, ses travaux semblent perdus ; sa vie est sauve grâce à Nasser, ses livres grâce à Joseph qui les avait cachés auparavant à la cave. Nasser tente d’ouvrir les yeux de son père en vain. Il organise la copie en plusieurs exemplaires des livres d’Averroès afin de les mettre à l’abri, sans le lui dire, Joseph part vers la France. Manuela révèle à Averroès qu’Abdallah est victime de la secte ; ils décident de le surveiller et manu militari, Marwan l’en délivre. Il restera enfermé et ligoté parmi les gitans tant qu’il est sous l’emprise de la secte. Nasser mesure l’ampleur des dégâts et se fâche avec son père.

    Lors d’un second traquenard de l’émir et ses sbires, Marwan est gravement blessé; il meurt dans les bras de Manuela, sous les yeux d’Abdallah qui enfin commence à comprendre, Averroès se met en colère. Le deuil de Marwan permet la réconciliation des fils d’Al Mansour. Au même moment, en France, Joseph réalise que les livres sont perdus à cause de l’eau, il décide de retourner en Andalousie où la dissension entre Averroès et le calife est consommée. La traitrise contre ce dernier s’organise et des soldats espagnols de mèche avec les traitres menacent le califat. Al Mansour se dispute avec son frère, accuse Averroès de ses maux, se jette dans les bras du traitre dont il ignore les plans. Nasser, désormais amoureux de la fille d’Averroès part vers l’Egypte sauver ses œuvres ; là-bas, il apprend qu’une fatwa est lancée contre Averroès et rentre urgemment. Il est alors contacté par les traitres qui lui font miroiter le trône. Joseph arrive quand les livres sont brûlés. Abdallah interpelle son père, Nasser lui raconte pour quoi et par qui il a été sollicité ; le père et ses fils font front contre les traitres. Ils rusent et Al Mansour les désigne pour partir en guerre contre les espagnols tout en préparant une attaque surprise ailleurs. Le calife reconnait son excès d’orgueil et Averroès est réhabilité.

    Ce film n’a rien à voir avec la réalité historique, c’est un acte engagé, un plaidoyer. Youssef Chahine  y explique les mécanismes de l’embrigadement, dénonce le fanatisme religieux qui sert les ambitions de personnes avides de pouvoir absolu et écrase des victimes tant dans ses rangs que dans celui de ceux qui n’adhèrent pas à son idéologie.  Le film est jalonné de pensées philosophiques appelant à la réflexion, à la mobilisation de notre intelligence pour ne pas ingurgiter n’importe quoi d’emblée (il y  aurait de quoi prendre des notes et des notes tout du long !!). C’est un appel à la résistance contre les intégrismes par les forces de l’amour de la vie, de l’intelligence, de la générosité, de la tolérance, de la loyauté, de la fidélité au- delà de nos appartenances.

    En l’occurrence, il expose de multiples visages et ce par-delà la religion, la culture, la couleur, l’origine. Les personnages sont chrétiens, musulmans, hommes, femmes, français, maghrébins, gitans, riches, pauvres. Ils ont droit à l’erreur, à la colère, à l’orgueil, certains sont à la solde de leurs ambitions illimitée, aveuglés de vanité, d’autres restent intègres jusqu’à en payer un prix très lourd. Dans l’entourage du personnage d’Averroès, ils se mêlent, s’entraident, s’aiment sans se poser la question de qui est qui ou quoi, une démonstration par l’évidence des bienfaits de l’accueil, de la tolérance et des méfaits de l’intolérance, de la fermeture d’esprit.

    Surtout, ce film démontre que la fatalité n’existe pas. Constamment, nous avons le choix d’agir et de décider. Notre libre arbitre est une réalité et si nous nous soumettons, c’est parce que nous le voulons.  Par la pensée, la réflexion, la comparaison, l’observation, l’ouverture aux autres, l’étude et aussi le cœur, nous avons les moyens de ne pas accepter ce que d’autres voudraient nous imposer. Nous avons également le droit de nous tromper, de réviser notre avis et de changer de voie.

    Je suis étonnée que si peu connaissent ce film, il a pourtant été reconnu, loué, primé et en plus de nous conduire à une réflexion du cœur, il est vivant, rebondissant. La musique y tient une place particulière et les chants de Marwan permettent par exemple des scènes de  danses joyeuses :

     
    Alli Soutak (B.O.F. Le Destin Youssef Chahine) par tealk3


     

    J’ai tenté à plusieurs reprises de partager cette magnifique leçon de vie, en vain. Certains n’y virent rien de plus qu’une curiosité pour la culture orientale qui ne les intéresse pas et ne mirent aucun effort à s’attarder sur le contenu. Tant pis pour eux. 

     

     Je ne doute pas, amis lecteurs que vous apprécierez les trésors de cette œuvre magnifique.

     

    Il est possible de le voir ici mais certaines scènes manquent. N’hésitez pas à partager votre avis, je serai heureuse de vous lire.


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  • Je suis rarement prise au dépourvu, c’est une évidence. Longtemps, j’ai tâché de montrer à fiston que des solutions existent alors qu’il se laissait facilement submerger par ses peurs, un profond sentiment d’impuissance, de fatalisme. C’est un travail de longue haleine avec de fréquents retours désespérants. Pourtant, je constate avec joie des victoires.

    Le jour de son anniversaire, par exemple.

    Il savait que nous n’aurions pas grand-chose, que la fête serait réduite à très peu. Jusqu’à cette année, son anniversaire tombait pendant les vacances ; pour ses 14 ans, il avait classe… et trois contrôles. J’ai dégoté au fond du congélateur des escargots qu’il aime particulièrement et un macaron aux framboises. Zou ! Festin spécial pour mon grand garçon renfrogné.

    Au moment de farfouiller dans la boite à bougies, je trouve celle de son premier anniversaire (un mini ourson), d’autres clowns et bestioles, les chiffres 1, 2, 3, pas de 4 et une ribambelle de bougies… roses. J’étais en réflexion marmonnant que je n’avais pas assez de bougies blanches, que je n’allais quand même pas lui mettre des nounours et des bougies roses quand il s’exclama : «  Maman, c’est pas grave, on n’a qu’à les mettre en chiffres romains ! ». Bé oui ! Quelle bonne idée !

    Je l’ai laissé construire, il ne se soucia nullement de couleur, écrivit IVX, j’ai corrigé et voilà le résultat :

    DSC00387.JPG

     

    Vraiment, j’étais ravie. Il n’y a pas eu de crise de déception mal exprimée. Rien. Nous avons fait avec ce que nous avions et finalement, la morne soirée se termina joyeusement.


    Après tout, quand ce que nous faisons vient du cœur, sincèrement et non du mental ou d’une morale assénée en norme à laquelle on se soumet, les évolutions se font, tranquillement, doucement et profondément. Malgré les prédestinations récurrentes qui nous ont été collées, fiston et moi avançons sur la voie de l’authenticité et de la Joie. Parce qu’avant tout, il y a la libération.


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  • Quand j’étais enfant puis adolescente, notre vie n’était guère aisée. Ma mère a divorcé rapidement et fait comme elle pouvait pour nous nourrir et nous élever. Nous avons connu des périodes très difficiles aux placards et frigo affreusement vides, à ne manger que des vieux fromages fondus à la poêle ou des bols de lait avec du pain. Je tâche d’éviter cette situation à mon garçon qui l’expérimente parfois chez ma mère, ma sœur ou à travers mes récits quand les fins de mois difficiles m’amènent à rationner les extras, à répéter des plats type pommes de terre/ riz aux lentilles/ haricots parce que la viande ou le poisson sont inaccessibles. Cela ne le traumatise pas, il est au contraire ravi d’aller manger à la cantine plus variée, moins expérimentale. Quand arrivent les vacances, c’est plus compliqué, aussi, je réserve ce qu’il aime pour ces dernières en mangeant mes préparations spéciales quand il n’est pas là. Dans ce contexte, dernièrement, je me suis souvenu d’une anecdote qui m’amuse toujours.

    C’était il y a vingt- cinq ans environ. Nous attendions un virement pour le lendemain et espérions faire nos courses très vite grâce à cette rentrée d’argent parce que notre réfrigérateur était vide, complètement VIDE … sauf une petite conserve. Je la revois parfaitement dans son coin alors que ma sœur et moi ouvrions la porte en quête d’une solution pour le repas de ce soir-là. Nous sommes retournées à la table où était assise notre mère et l’une dit qu’il ne restait plus que cette petite conserve. Ma mère s’exclama : «  C’est quand même le comble de la misère ça ! Ne plus avoir que du caviar à manger ! » et nous sommes parties toutes les trois dans un éclat de rire.

    Nous en parlons encore, de temps en temps avec le sourire. Parce que oui, dans notre pauvreté, nous n’avions plus que cette conserve achetée en période de vaches moins maigres pour une occasion spéciale, pour goûter, pour changer et nous l’avions gardée précieuse et exceptionnelle. Quand décidément nous n’avions plus rien, il ne restait plus qu’elle et nous l’avions ouverte. Et ce caviar n’était vraiment pas bon.

    Ces temps- ci, à vouloir garder viande et poisson pour les dimanches et vacances, je me suis retrouvée devant une conserve laissée par ma mère à Noël et que nous n’avions pas touchée. En ayant quelque peu assez des boites de sardines, haricot, pois, lentilles et autres légumineuses en soupe, purée, sauce, j’eus une envie carnassière et la seule chose que mon fiston n’aimait pas trop, que nous ne partagerions pas était cette dernière. Je l’ai donc ouverte et j’en ai mangé le contenu (pas terrible d’ailleurs).

    Désormais, j’ajouterai en prologue qu’il n’y a pas que le caviar dans ce comble de la pauvreté moderne, il y a aussi le foie gras. eclat-de-rire.gif


    Et les escargots, et le macaron aux framboises,  trouvés ceux- là au fond du congélateur à la cave pour fêter l’anniversaire de mon garçon. Avec des bougies, un bon film en streaming sur la toile, Moi, moche et méchant, il était ravi. Moi aussi.

     

    J’aurai beaucoup à dire en conclusion que ce soit sur le plan social ou psychique mais là, franchement, je préfère rester sur la capacité des humains à ensorceler leur monde. Dans l’opulence, certains restent malheureux et insatisfaits ; dans la pauvreté, d’autres gardent la joie de vivre. L’être humain est décidément un étrange spécimen.


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  • ENFIN !

    Après dix jours d’âpres batailles, je retrouve un ordinateur opérationnel et la possibilité d’écrire des articles pour le blog. Et oui, j’étais en chômage technique tout ce temps ! Mon fiston a tellement bidouillé que je ne pouvais plus ouvrir mes textes, brouillons, notes et élucubrations.  Une peur sourde et profonde me tenaillait, je craignais grandement de perdre mes écritures personnelles, une dizaine d’années d’élaboration d’outils pédagogiques, mes photos, mes musiques, les aménagements de poste en cas de dégradation de ma vue (Pitié ! je ne veux plus me retrouver dans le noir dénuement comme lors de ces années d’aveuglement !). Argggg !!!

    A vouloir toujours plus récent, plus rapide, quand il n’y a pas d’argent foisonnant pour ces gadgets rapidement obsolètes, il cherchait des voies obscures afin d’obtenir les dernières technologies logicielles gratuitement et forcément, dans ses cheminements aléatoires, il a buté. Parce qu’il n’a que 14 ans, parce qu’il n’est pas informaticien, il y a des subtilités qui lui échappent et à quelque naïveté, il a cru qu’il maîtrisait alors qu’une prudence s’impose. A bidouillage par ci, bidouillage par là, non seulement la bureautique ne fonctionnait plus, les incompatibilités entre logiciels devenaient critiques mais en prime, toutes les sauvegardes du disque dur externe avaient disparu !!!  Cris, colères, mots « doux » envoyés à la figure, ceux qui nous ont vus ou entendus n’y reconnaissaient rien de la démarche non- violente et pour cause… Malgré nos physiques plutôt du nord, nous sommes des vrais latins je crois : à corps et à cris !! Hihi. Alors, ça barde, ça pète, ça explose… et puis finalement, nous y revenons et cheminons ensemble dans l’identification de nos ressentis. Bé voui.

    J’ai peur de perdre mes ressources* et au plus profond de me retrouver mal voyante sans aménagement compensatoire comme dans ces mois terribles de la maladie.

    Il compense ses angoisses d’insécurité en cherchant les moyens de ne pas être disqualifié par l’absence des dernières nouveautés dans son quotidien (entre copains à cet âge, c’est important).

    Tant que nous dépatouillions maladroitement dans nos peurs, il était difficile de sortir des ornières pétaradantes et colériques, difficile de trouver des solutions réparatrices.

     

    Hier, les mots ont été trouvés sur nos peurs ; du coup, j’ai pu formater l’ordinateur, réinstaller les logiciels utiles, récupérer les documents sur une sauvegarde inopinée réussie, il ne s’est pas enfermé dans la colère, songeant déjà à trouver d’autres solutions. J’espère qu’il m’attendra pour organiser sa session et que nous pourrons travailler sur le mode coopératif afin d’évoluer ensemble parallèlement à la configuration de l’ordinateur.

     

    Mon garçon se débrouille très bien en informatique réparant et compensant pour lui et ses copains, dépannant même de temps en temps ses profs, je sais qu’il a fait au mieux, s’est renseigné partout, a réfléchi avant d’agir et plus encore pour réparer les dysfonctionnements. Il apprend et expérimente également des limites, perpétuellement. Leçon de vie. Quant à moi, il n’est guère étonnant que je me sois acheté ces bottes, bottes de sept lieux au regard des enjambées incroyables jour après jour. Qu’il est bon de se défaire des jugements et d’ouvrir les yeux. Vraiment.

     

    (* En relisant le texte, j’accroche sur ce mot. A l’écriture, j’étais dans une démarche purement intellectuelle, ressources au sens de matériaux et puis finalement, je réalise que ressources compte également pour l’aventure humaine nourrissante qu’est le partage sur la toile et les rencontres qui en découlent.)


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  • Samedi dernier, fiston avait une matinée spéciale au collège et bien que les parents aient été invités à y participer, il préféra que je ne l’y accompagnasse pas. Je le déposais avant 9h et le récupérais à 11h15. Soucieuse de limiter au maximum les déplacements en voiture, j’avais donc en gros, deux heures à occuper.

    J’en profitai pour aller au marché et chercher un pain délicieux dans une boulangerie du centre ville. Chemin faisant, je me retrouvai à faire le tour des boutiques de chaussures en quête d’une paire de bottes nécessaires. D’habitude, j’y trouve les prix exorbitants, petite bourgade dans une région où l’argent suisse gonfle tout (égos, valeurs des choses matérielles). Avec les soldes, je retrouvais des prix à peu près corrects et la possibilité de demander clairement ce que je voulais : des bottes à talon plat ou large, non noires, un défi au regard de la morosité généralisée des étals de chaussures.  Dans la première, rien ; dans la deuxième non plus. A ma taille, j’avais encore moins de chance. J’entrai dans la troisième nonchalamment, l’esprit détaché. Je balayai du regard la pièce et me tournai vers une femme  présente en précisant mes demandes. C’était apparemment la patronne et une autre femme prit le relai. La première me montra l’étalage des bottes à ma taille et la deuxième chercha d’autres boites. Les pointures 38 serraient ; avec des chaussettes en hiver, un 39 était plus approprié. Je me levai donc vers leur rayon et là, mes yeux se posèrent sur une botte pétillante et vivante au milieu des sombres classiques ou braillardes. Je la saisis et me tournai vers le siège à essai.

    -        Là, c’est de la botte de grande qualité ! s’exclama la vendeuse à mi- voix  presque étonnée de mon choix spontané.

    -       C’est que j’ai le coup d’œil, répondis- je tout sourire

    -       Ah ça, oui, vous avez le coup d’œil, vous pouvez le dire.

     Vague regard sur l’étiquette de prix et essai : parfait. Je remarquai les détails, les coutures, les finitions particulièrement travaillées et déjà, ces bottes m’appartenaient. La vendeuse me chercha la deuxième  et comme elle revenait, je regardais une jolie bottine sur l’étagère 40

    -       Celle- là est belle aussi

    -       Vous avez vraiment le coup d’œil parce que c’est la même marque que celles-ci.

    Bé oui, ça ne s’invente pas, j’ai le goût et l’œil des matières, coupes et ouvrages. Je trottinai joyeusement vers le miroir afin de regarder l’effet général en me ravissant des possibilités offertes par ces bottes colorées, originales et si joliment travaillées : en jupe, en robe, dans de multiples associations, quel panel joyeux de variante ! « Zou ! Je prends » pensai- je décidée à peine rebutée par le prix : 205 euros (en solde !!)

    Comme la vendeuse s’étonnait toujours de ma détermination et de mon choix, j’ajoutai simplement cette évidence :

     

    DSC00346.JPG-       Je vivais avec un homme qui critiquait constamment mes tenues, mes coiffures, mes maquillages, mes chaussures et la seule paire qu’il m’ait offerte ce sont ces bottes  achetées à 10 euros à Babou – je les exhibai d’un geste vif-  Maintenant, je l’ai viré et je m’achète des bottes dignes de ce nom !

    -       Permettez- moi de vous le dire, vous avez eu raison. Et là, vous vous faites plaisir, vraiment, pour des années.

     

     

     

    A la caisse, je ne me posai pas de questions hormis celle de payer par chèque afin d’avoir le temps d’effectuer un virement parce qu’une somme pareille est énorme pour mon budget. La patronne et la vendeuse restaient quelque peu estomaquées multipliant les mercis alors que j’étais guillerette et légère. Toute la journée,  je me réjouis d’avoir eu le courage de m’offrir ces bottes magnifiques.

    DSC00349.JPG Au récit de cette péripétie à mon entourage, je riais et m’étonnais de l’absence de culpabilité et de peur devant cette dépense « inconsidérée » au regard de ma situation. Parce que finalement, je mérite ces belles bottes ! Dans la joie de marcher, dans la joie de vivre ! Le beau est partie intégrante de la vie, j’y ai droit.

    A ma mère, à mon fiston, j’expliquai : « Nous avons fait de gros sacrifices pour les vacances, pour les réparations de la voiture, pour les jeux et gadgets du fiston à Noël, maintenant, nous ferons les efforts pour supporter le coût de ces bottes ». Non mais !

    Quant à l’évocation de ma relation à SeN, je réalise de plus en plus que parler de ce que j’ai vécu avec lui, avec d’autres n’est jamais une condamnation à leur égard ; dans ces récits, je ne parle que de moi, de ce que j’étais à ce temps, dans ces relations. L’autre, dans ce que nous en disons et faisons n’est jamais rien d’autre que le récit de soi. Mesurer à quel point je me suis fourvoyée dans des relations malsaines, toxiques renforçant le désamour de moi, aggravant constamment ma faille narcissique béante est une ouverture incroyable des yeux intérieurs. Je regarde les années passées de ma vie d’avant avec détachement, je donne de l’empathie à celle que j’étais luttant avec l’énergie du désespoir dans des souffrances abominables, une profonde solitude et un immense désarroi. La maladie terrible a été une mort symbolique et me voilà désormais nouvelle née, nourrie de l’amour reçu par ceux qui ont croisé mon chemin de croix, nourrie surtout de l’amour que je me porte dorénavant.


    Pensée spéciale pour toi, Annie. Dans ma caboche, chemine l’abondance.

     



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