• Welcome de Philipe Lioret.

    De Calais...


     

     

    Quelle péripétie !  J'ai vécu avec ce film une aventure rocambolesque!

    J'en avais entendu parler à la radio, de loin, sans y prêter attention. Vint la polémique entre la déclaration de Besson et quelques manifestations des aidants aux migrants dans la région de Calais.   Forcément, par curiosité et opposition, je me mis en tête de le voir rien que pour faire la nique à Besson et Sarko. Parcourant les programmes du cinéma le plus proche, je découvris tristement qu'il était déjà passé et fus fort contrariée quand il me fut expliqué qu'il ne repasserait pas ; les autres salles de la région sont dans une zone où je n'ose pas encore m'aventurer seule en voiture et je ne pus me résoudre à louper ce film. L'aubaine parut belle quand j'allai voir Tokyo Sonata : une séance était prévue la semaine suivante avec en plus une conférence- débat après la projection sous l'égide de la ligue des droits de l'homme locale. Malheureusement, d'autres activités contraignirent mon déplacement et la vague idée de ne le voir qu'à la télévision me traversa l'esprit. Par un heureux hasard,  je m'étonnai de le revoir à nouveau à l'affiche du cinéma le plus proche. Waouh ! Merci Fortuna ! Après des semaines d'aléas, je pouvais ENFIN le voir.

    Etonnée, quasi consternée, je fus seule dans une salle de 300 personnes, tout comme un autre individu à la séance précédente aux dires de la caissière. Invraisemblable, incompréhensible, terrible indifférence à mes yeux.

     

    Simon vit mal la séparation puis le divorce d'avec sa femme. Il divague dans sa propre vie, prisonnier de lui- même et de son incapacité à parler. Bilal, jeune kurde d'Irak a parcouru des milliers de kilomètres dans le but de rejoindre à Londres une jeune fille qu'il aime ; échoué à Calais, il lui reste à atteindre l'Angleterre. Les filiales habituelles lui échappent à cause d'un sac sur la tête, traumatisé qu'il est des tortures subies dans son pays, l'idée de traverser la Manche à la nage le prend, obstinément. A la piscine municipale, il rencontre Simon, maître nageur auprès de qui il prend des leçons de natation. Peu à peu, les liens se créent, les sentiments amers et impuissants font face au non- sens, à l'incompréhension, le désarroi. Simon, muré dans son effroyable silence à lui- même et à l'autre s'engouffre dans cette obsession folle avec l'énergie du désespoir. C'est son propre échec qu'il remet sur la balance en tentant d'accompagner Bilal à réussir où lui- même a échoué. Avec leurs parcours fort différents, ces deux hommes se rencontrent en communion de leurs barrières respectives. Un fil ténu, quasi silencieux, une filiation. L'action désespérée de Bilal tenace et opiniâtre résonne dans les plaies de Simon confronté à ses incapacités.

    Ce film a une issue tragique, inexorablement entre divorce et mariage forcé, échec à 800 mètres de la côte anglaise et mise en examen; l'espoir se noie dans l'absurde.  La faille est béante dans la migration comme dans la réaction des pays subissant ces flux de clandestins. La faille en balafre de l'humanité.

    Les mots se bousculent  dans ma tête sans trouver la moindre forme de phrase, ce film m'a déchiré le cœur. Des acteurs pudiques dont la force et la tension introverties se prennent en pleine figure, la nuit, le gris, les lumières blafardes et criardes, le désarroi, l'obstination désespérée, l'errance, la violence sourde et ouverte, les murs et les incompréhensions, la mer glaciale et cinglante, les hommes numérotés au marqueur, les descentes de police, la bureaucratie cruelle appliquant les lois implacablement ... Comment organiser ces mots ?

    A mon esprit, spontanément, me vient la cruelle fatalité de Dancer in the dark, de Lars van Trier le broyage des êtres dans une vie implacable et froide. Dans cet univers, les facettes des petitesses humaines se dévoilent, se révèlent, dérisoires, sordides, pitoyables... Salutairement, heureusement, parfois, la générosité s'immisce dans ces travers. Par delà les différences d'âge, de culture, de langues, certains se croisent, ne s'ignorent pas, ne se battent pas. Ils se rencontrent. Résistance, révolte face aux absurdités d'une communauté humaine qui oublie son existence.

    Où mènent ces voyages vers l'Angleterre ? A Dirty pretty things, de Stefen Frears ? (Film terrible également)

    Où peut-on aller quand on vient de nulle part? De ce nulle part où la misère, la guerre, l'intolérance, les haines, les incompréhensions portent des hommes  au bout d'eux- mêmes.

    Qu'adviendra t-il de ces millions de réfugiés fuyant les catastrophes dues aux changements climatiques ? Combien de temps les pays les plus riches continueront- ils de s'enfermer derrière des murs sourds de répression en inertie ?  Tellement, tellement de questions m'assaillent, je ne trouve AUCUNE réponse, aucune phrase sensée pour me réapproprier les ressentis consécutifs à ce film.

    Peu à peu, la colère a gagné mon esprit, je me suis fâchée intérieurement des lâchetés et de l'hypocrisie quotidiennes. Comment peut- on décemment laisser ces personnes dans une telle situation ? Pourquoi n'est- il pas possible de les aider à rester chez eux, parmi les leurs, sur leurs terres dans la sérénité ? Pourquoi ne peut- on les aider à être dignes, parmi nous quand leur pays est devenu une tombe pour eux ? Je ne comprends pas, je ne comprends pas. M'enfin, c'est parce que je suis très bête, nous le savons bien. 

    Je ne peux guère agir concrètement face à la désespérance des migrants, je ne peux réagir face à la machinerie atroce de la répression, je suis affreusement démunie. Et pourtant, croyez- moi, je me suis à nouveau sentie si forte.

    Parce que j'estime que c'est une nécessité de s'informer, de regarder le monde au travers d'une multitude de vues, de chercher à comprendre.

    Parce qu'aussi minces soient mes revenus, je donne à Amnesty International et à SOS enfants sans frontières.

     Parce que chaque jour, depuis que je travaille (une dizaine d'années), j'accompagne des personnes de tous les milieux, de tous les pays pour avancer dans la vie, que ce soit par l'apprentissage de la langue écrite ou orale, par la reconstruction de soi à travers la formation continue. Multitude de nationalités, de langues, de cultures, de religion, de professions, d'origines sociales... et dans chacune de ces rencontres infimes, fugaces ou durables, je mets mon cœur et mon énergie. Peut être me suis- je vidée et épuisée dans le don permanent et la maladie le signal d'alarme pour me ramener à moi- même.  Néanmoins, s'il est un regret qui ne me tenaillera jamais, c'est celui de n'avoir rien fait pour rendre le monde plus fraternel et égalitaire.  Au sortir d'un film comme Welcome, je me sens si puissante et riche d'avoir choisi lla voie humaine.

    Intello précaire en ratage total d'après les critères de réussite actuels, est- ce donc là mon étiquette ?

    Je m'en fiche royalement parce que,  punaise, quelle paix, quelle richesse en mon cœur !

     

    Une critique de Libération est ici.

     

     




    Là, il y a une très belle intervention de Philippe Lioret ( à partir de 14:00)



    et ici, une interwiew du réalisateur et des acteurs principaux:



    Histoire de communauté humaine, non?

     

     

     

     

     

     

     

    « De Calais à Bombay en 20 km via le passé et tant d’autres détours étonnants.Slumdog millionaire, Danny Boyle »

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  • Commentaires

    1
    Je transfère
    Mardi 13 Août 2013 à 16:26

    Commentaires

    Quand tu dis que tu ne trouve aucune réponse: si, tu as ta réponse personnelle, en agissant comme tu le fais. Tu n'es pas responsable de ce que font les autres, qui ne sont pas assez nombreux (pas encore) à réaliser que nous sommes frères d'une même humanité, mais tu peux par contre les sensibiliser. En même temps, on ne peut pas faire de suppositions sur le destin de tel ou tel: justement le destin d'un réfugié (au sens de destin spirituel) n'est-il pas de faire prendre conscience de notre fraternité?  La guerre ne montre-t-elle pas la valeur de la paix? Le destin des handicapés n'est-il pas de montrer que notre être ne se résume pas à notre condition? Nous sommes reliés et chacun fait évoluer l'autre à sa manière.
    Ainsi le monde évolue toujours.
    Commentaire n°1 posté par Annie le 10/06/2009 à 13h40
    Tes mots, chère Annie, sont des baumes à mon coeur.



     
    Réponse de fée des agrumes le 10/06/2009 à 14h22
    Je l'ai raté, je voulais le voir aussi... Bah, j'en aurai sûrement l'occasion un jour ou l'autre! Dans un autre registre, mais ça a un peu un rapport quand même (c'est un film plein d'humanité et magnifique), as-tu vu "Vas, vis et deviens"? Si non je te le conseille, je suis sûre qu'il te plairait...
    (je sais pas si tu pourras lire la vidéo)
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    Commentaire n°2 posté par coq le 11/06/2009 à 16h56
    Je connais, je l'ai déjà vu!
    J'ai pleuré et pleuré tellement quand il retrouve sa mère dans un camp !
    c'est déchirant et beau !
    Rien que d'en parler, j'ai les larmes qui reviennent!!
    Réponse de fée des agrumes le 12/06/2009 à 10h54
    Ouais ça marche! Je crois que tout le film est sur Youtube, mais si tu veux de la meilleure qualité, j'ai le dvd ;-)
    Commentaire n°3 posté par coq le 11/06/2009 à 16h57
    Un film qui ne s'oublie pas.
    Et rien qu'en regardant cet extrait, je pleure de nouveau... C'est malin.
    je suis trop senseible, pffff
    Réponse de fée des agrumes le 12/06/2009 à 10h55
    Ah oui je t'ai même pas dit l'histoire en gros ;-) (résumé Allociné)

    En 1984, des milliers d'Africains de 26 pays frappés par la famine se retrouvent dans des camps au Soudan. A l'initiative d'Israël et des Etats-Unis, une vaste action est menée pour emmener des milliers de Juifs éthiopiens vers Israël.
    Une mère chrétienne pousse son fils de neuf ans à se déclarer juif pour le sauver de la famine et de la mort. L'enfant arrive en Terre Sainte. Déclaré orphelin, il est adopté par une famille française sépharade vivant à Tel-Aviv. Il grandit avec la peur que l'on découvre son double-secret et mensonge : ni juif, ni orphelin, seulement noir. Il découvrira l'amour, la culture occidentale, la judaïté mais également le racisme et la guerre dans les territoires occupés.

    Commentaire n°4 posté par coq le 11/06/2009 à 17h02
    En variation sur la tolérance, forcément.
    Réponse de fée des agrumes le 12/06/2009 à 10h55
    ah non y'a pas tout le film sur Youtube :-P
    Commentaire n°5 posté par coq le 11/06/2009 à 17h03
    Pas grave.
    Réponse de fée des agrumes le 12/06/2009 à 10h57
    Bon j'arrête de polluer ton blog avec mes commentaires ^^
    Commentaire n°6 posté par coq le 11/06/2009 à 17h03
    Ne dis pas n'importe quoi, voyons!
    Je suis ravie de ton enthousiasme si chaleureusement partagé.

    Réponse de fée des agrumes le 12/06/2009 à 11h01
    Hihi oui moi aussi je pleure à chaque fois quand je regarde ce film... Et effectivement rien que de revoir l'extrait j'étais en larmes... Le début est particulièrement poignant je trouve, le regard de cette mère quand son enfant meurt... Et cet autre échange de regards entre les deux mères quand l'une confie son enfant à l'autre sans un mot... Elles se comprennent, car elles sont mères toutes les deux... C'est magnifique et ça fait pleurer!
    C'est marrant j'étais sûre que ce film te plairait ;-)
    Bisous!
    Commentaire n°7 posté par coq le 12/06/2009 à 11h59
    Un award pour toi chez moi!
    Commentaire n°8 posté par Annie le 14/06/2009 à 07h31
    Re- merci.. et comment je fais maintenant ?
    Bon dimanche
    Réponse de fée des agrumes le 14/06/2009 à 11h10
    je n'oublierai donc pas de ne pas laisser passer l'occasion de le voir si elle se présente ... pardon, j'ai le citron pressé, je n'ai rien d'autre à dire ... juste pleins de bises, je t'appelle bientôt    ;)
    Commentaire n°9 posté par mariev le 15/06/2009 à 22h00
    Prends soi de toi, fondamentalement,avant toute chose.
    Réponse de fée des agrumes le 15/06/2009 à 22h40
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