• Croisement fugace.

     Aux Eurockéennes, selon les scènes, les plates- formes sont disposées différemment, en général, au sein des voies habituelles des festivaliers. Celle de la grande scène, par contre, n’est accessible qu’après avoir passé plusieurs contrôles parce qu’accessible depuis la voie VIP presse, artiste et autres égos. L’année dernière, Mathias Malzieu était venu discrètement parmi nous, simplement ; cette année, ce fut Mika.

     Dans l’après- midi, une accompagnatrice aima me raconta comment Yannick, l’un de ses camarades l’avait croisé dans le secteur presse et  trouvé très sympa, accessible. Mika avait raconté qu’il était inquiet pour le concert, ses musiciens étant tous malades suite à l’ingestion d’une tambouille achetée sur le site la veille. Dans ma caboche, aléatoirement,  passa l’envie de le voir de mes propres yeux ce que j’effaçais rapidement ; intuitivement, une petite voix me dit qu’il était du genre à nous rendre visite. Je précise que je n’en suis pas fan, j’aime quelques uns de ses titres joyeux sans plus parce que légers et entraînants. N’y songeant plus, je profitai du spectacle en folle dingue que je suis, sautant et dansant malgré mes pertes d’équilibre et mon corps mécontent de tant d’agitation. L’interlude en urgence aux toilettes alors que le rythme commençait à m’entrainer fut une nécessité. Après ce rasoir caprice de vessie, je me suis lâchée joyeusement.

     C’était débordant de vie et d’énergie. Une phrase accrocha mon attention en particulier. Il mimait une saynète avec les musiciens et choristes tous couchés en silence ; il continuait de parler dans le micro invitant le public à sauter en vue de réveiller les « morts » sur scène. Et soudain, j’entendis ceci :

    « A trois, ceux qui nous entendent et ceux qui le peuvent, je vous demande de sauter ! ». Cling ! Ce fut un éclair et je m’exclamai intérieurement «  Ah, il y a de la conscience là- derrière ».

    Le concert terminé, je me relevai dans le but de rejoindre le fauteuil laissé plus loin en économie de place et marchai cahin- cahan pressée de retrouver mon amie qui n’avait pu me rejoindre sur la plate- forme. J’allais me rasseoir quand j’entendis des cris et observai de l’agitation, « C’est Mika, c’est Mika, il viiiiiiiiiiient ! ». Interloquée, je m’avançai en tirant le fauteuil derrière moi laborieusement ne voyant rien d’autre qu’une tête bouclée, un haut de front assailli d’une masse d’énergumènes excités. Tout à un coup, un jeune homme du staff se précipita vers moi :

    - Vous y arrivez ?

    - Bah, je me débrouille tant bien que mal vous voyez.

    - Je vais vous aider, asseyez- vous, je vous emmène.

    Je n’ai rien compris et vivement, il me conduisit vers Mika que je ne voyais toujours pas hormis ses cheveux et le blanc de son tee-shirt au milieu d’une cohorte d’agités, « Et moi qui n’ai qu’un appareil photo pourri ! » soufflai- je abasourdie; il était avec une jeune femme en fauteuil à quelques mètres et nous attendîmes notre tour.

    J’ai été atterrée par le comportement des personnes alentour, se bousculant, se précipitant, renversant quiconque se trouvait sur leur chemin. J’eus peur pour ma sécurité, la sécurité d’autres devant tant d’irrationalité. Un jeune homme se rua devant le fauteuil avec son appareil photo manquant de me renverser, mon chevalier servant le repoussa, l’interpella, je restai bouche bée. Tout à coup, ce fut la cohue autour de moi, Mika mit son bras sur mes épaules en se penchant vers moi et posa pour une photo. En face, des appareils, des flashs, des regards fixés sur nous (ben oui, je dis nous au sujet de Mika et moi ). Ma seule phrase à la con fut : «  Mais qui va me donner la photo ? Qui va me donner la photo ? » J’étais complètement ahurie songeant uniquement à mes amis et lecteurs du blog. Mika insista auprès d’une photographe : « Tu lui donneras la photo ! ». Je ne vis que son bras sur l’accoudoir gauche du fauteuil et le saisis rapidement en serrant légèrement : « Merci pour votre joie de vivre » il me souffla un merci en repartant. Le temps que je tournasse la tête, il était à nouveau dans un flot de personnes agglutinées autour de lui, je ne l’avais pas même vu, il n’était pour moi qu’un bras  bronzé, chaud et humide de transpiration. Le jeune homme du staff était enchanté, il l’avait embrassé, la jeune fille du fauteuil était toute rose de plaisir d’avoir été embrassée elle- aussi. Je restai incrédule.

    Alentour, la foule, les appels, les exclamations, les trépidations, les cris, les interpellations, la masse telle des mouches en essaim sur lui.  J’évoquai le lâcher prise et remerciai le jeune homme de m’avoir prise en charge ; il fut surpris et me dit spirituelle. La photographe vint vers moi  et nous échangeâmes des adresses courriel pour la photo. Finalement, je les embrassai tous les deux répétant à l’envi que j’étais heureuse de les rencontrer eux, tout autant que Mika. Ils souriaient lumineusement.

    Il resta plusieurs minutes sur la plate- forme ; une petite fille trépignait en bas, horrifiée à l’idée de manquer son autographe ce que je lui formulai. Elle plongea ses yeux dans les miens inquiète et je lui montrai mes doigts croisés à son attention. Je la revis plus tard sautillante de joie : « Alors, tu l’as eu ?- Elle fit oui de la tête- Ah, je suis vraiment contente pour toi » ; elle et  ses parents me sourirent, ébahis me souhaitant à plusieurs reprises une bonne soirée. Finalement, Mika redescendit dans la foule désormais contrôlée par les vigiles « ça suffit maintenant » entendis-je.  Dommage, j’espérais le voir. Tant pis.

    J’échangeai quelques derniers mots chaleureux  avec mon chevalier servant heureux d’être sur la photo lui aussi : «  Vous aurez un souvenir de cet instant à nous trois » puis je repartis vers mon amie.

    Cet épisode de quelques minutes fugaces provoqua en moi une multitude de pensées et sensations qui ne cessent de passer et repasser dans ma tête, avec amertume. Le comportement des gens m’a choqué, je n’ai absolument pas apprécié d’avoir cette agitation autour de moi, agitation qui m’a spoliée d’un échange avec Mika… parce que oui, dans ma grande débilité, j’aurais mille fois préféré plonger mes yeux dans les siens plutôt que d’avoir cette foutue photo. Cette quête effrénée de l’image m’a dégoutée, où donc sont les relations humaines là- dedans ? Et croyez- le ou non, quand j’ai vu Mika monter sur la plate- forme assailli par ces agités, j’ai eu affreusement mal au cœur pour lui ; je sentais en mon fort intérieur l’immense solitude des personnes célèbres : Comment rencontrer un autre dans ces circonstances ?

    Les attentions de mon chevalier servant inattendu m’ont nourri le cœur, cette petite fille heureuse de son autographe, les yeux pétillants de cette jeune femme embrassée par Mika, le message chaleureux et généreux de la photographe à l’envoi de la photo  resteront longtemps dans ma mémoire. Mika, lui, sera un bras chaud et humide que j’ai touché sincèrement.

    Quant à la photo, je m’y trouve affreuse, instantané de ma consternation, de mes inquiétudes de sécurité, de mon effarement devant l’irrationalité de la foule. Voyez plutôt mon chevalier servant à l’arrière… et Mika forcément photogénique.

     

    DSC05757

    Quelle expérience en tout cas, moi je vous l’dis! Je n'ai pas fini d'y penser.

    « Reportage pour Ana aux Eurock.Eurockéennes et handicap. »

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  • Commentaires

    1
    Je transfère
    Jeudi 15 Août 2013 à 21:12

    Commentaires

     

    Heureuse pour toi de toutes ces rencontres aux eurockéennes : beauxx moments de vie partagée, même fugacement.

     

    Et tes pensées t'honorent, bien loin de la course au "people", tu préfères la rencontre avec un humain, connu ou pas.

    Bises

    Commentaire n°1 posté par cybione le 15/07/2010 à 09h58

    Qui que ce soit, je ne vois toujours qu'un humain.

    il est déroutant de me voir avec le député pareillement qu'avec la femme de ménage... surtout pour le député. 

    Réponse de fée des agrumes le 15/07/2010 à 22h02
     

    Et si Mika pouvait lire ton blog, il serait sans doute touché par ton empathie, loin des hurlements de fan hystérique. (Et moi, j'ai l'impression que tu deviens à ton tour une people, hihi. Je suis fièèèère !).

    Commentaire n°2 posté par Magali le 15/07/2010 à 12h18

    C'est que je n'arrête pas de rencontrer des gens connus hihi

    Et je ne parle même pas de mes effets lors de mes pérégrinations par ci par là.

    Réponse de fée des agrumes le 15/07/2010 à 22h03
     

    Moi aussi, qui ait cotoyé nombre d'auteurs plus ou moins célébres, reçus par notre librairie sur maints salons.

    Et le plus simple d'entre eux fut Michel Déon, parfait de courtoisie et de gentillesse.

    Bien loin d'un Joël Robuchon ou d'une Régine Deforges (pour ne parler que d'eux) pour qui nous n'étions qu'un mal nécessaire pour vendre leurs livres.

    Commentaire n°3 posté par cybione le 16/07/2010 à 10h14

    Pfff. 

    Réponse de fée des agrumes le 16/07/2010 à 11h09
     

    oups ! "qui ai"

    Commentaire n°4 posté par cybione le 16/07/2010 à 10h15

    C'est pô grave... Nous avons tous nos absences dyslexiques au bout des doigts...

    Réponse de fée des agrumes le 16/07/2010 à 11h10
     

    Jolie histoire, pleine d'émotion mais aussi de réalité... quand aux absences dyslexiques au bout de nos doigts cela me rappelle parfois lorsque je relis mes messages que j'ai toujours les dix miens ! à vrai dire j'ai même parfois l'impression d'en avoir quinze !

    Commentaire n°5 posté par kdfr le 28/07/2010 à 11h28

    Et tu t'en sors avec 15 doigts???

    Réponse de fée des agrumes le 28/07/2010 à 14h40
     

    Etant donné que sur mes 15 doigts il y en a au moins 14 qui sont dyslexiques, non pas vraiment ! Sur le forum j'ai quand même réussi à faire une faute au mot orthographe, si ça c'est pas un comble ! alors qu'en passant je sais parfaitement comment il s'écrit... bizarre tout de même, c'est comme si mes doigts écrivaient plus vite que ma tête...

    Commentaire n°6 posté par kdfr le 28/07/2010 à 15h03
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