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Bain rituel ? janvier 2007, quatrième.
Tant de choses en si peu de temps. Moments forts de l’existence qui ne quittent pas l’être tant que son cerveau le lui permet…
J’étais arrivée en fin de semaine dans le service de rééducation et en discutant avec Anne et Bénédicte, infirmière et aide-soignante, j’évoquai ce plaisir impossible de prendre un bain. Sans y réfléchir plus, elles me prirent au mot : elles étaient là toute les deux ce dimanche et comme le service se vidait le weekend elles pouvaient s’occuper de moi. Oh, était-ce donc possible ?
Ce jour-là, je profitai de la liberté accordée aux personnes hospitalisées dans le service: dodo libre tous les dimanches matins. Dans ce nouveau lit, avec des soins adaptés à ma condition jour et nuit, je pus enfin retrouver le goût, le plaisir de dormir, de me réveiller un dimanche, jour particulier dans l’agitation du quotidien, de prendre un petit-déjeuner agréable, détendue sans avoir à subir les tensions et les cris de la maison. Dans ce service, tous les matins, la porte s’ouvrait au loin sur des sourires que je ne voyais pas mais qui faisaient chanter la voix et mon cœur quand à la maison, il n’y avait que douleur, contrariété et inquiétudes. Je commençais à retrouver un peu d’humanité.
Quand j’eus fini de déjeuner et que leur petit tour matinal fut terminé, Anne et Bénédicte vinrent me chercher avec l’appareil adapté : une sorte de brancard à bras et axe décalé sur lequel la personne est transférée depuis le lit, conduite au bain et plongée directement dans la baignoire adaptée sans être encore transférée. Elles m’apprêtèrent, me transférèrent et prirent soin de moi avec une grande douceur. Je parcourus les couloirs en n’en voyant toujours que les vagues plafonds couchée sans mot dire. Quand la porte de la salle de bains s’ouvrit, je vis cette fameuse baignoire et je n’en revins pas. Il fallut me tenir pour que je ne glissasse pas sur le brancard en plastique quand mon corps entra dans l’eau. Sensation incroyable entre incompréhension et bonheur ; je ne sentais pas la chaleur de l’eau, je ne pouvais pas empêcher mon corps de flotter, de glisser, de se laisser emporter par l’eau et quel plaisir de retrouver cet enveloppement particulier, ces membres et ce tronc plus légers… Je rayonnais tant qu’elles en furent touchées : ça fait vraiment plaisir votre reconnaissance pour notre travail, je les remerciai plus d’une fois.
Elles me laissèrent quelques minutes pour profiter de l’instant dans l’intimité et je fus transportée dans une autre dimension du rapport au corps. Après le matelas gonflé à l’air, la flottaison dans les eaux. Plaisir anodin et ô combien bienfaisant dans les méandres de la souffrance physique. Je fus savonnée, lavée de la tête aux pieds, bichonnée avec des produits parfumés et aucune de mes demandes ne fut refusée. Dans la chambre, je fus habillée de propre et parfumée. Bénédicte me fit même un brushing pendant que nous discutions toutes les trois.
Jamais je n’oublierai ces instants d’humanité profonde.
Merci à vous mes toutes belles.
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Commentaires
Commentaires
tu as rencontré des gens formidables, et ces gens formidables t'ont rencontrée
ouf
rien n'est perdu
;)
Oui, rien n'est perdu.
Mon histoire est celle de rencontres, de tuteurs de résilience ( Boris, toujours :p). Et j'ai appris que j'étais quelqu'un parce que dans le plus grand dénuement, j'ai pu être aimée de ces personnes croisées, venues de nulle part; juste parce que c'était moi.
Oui, il y a quelque chose de très maternant dans ces échanges; comme dans une re naissance, je passe les étapes du développement humain. J'en parlerai en son temps dans un prochain article trottant dans ma tête au milieu de mes mille idées.
Dans la nuit, j'avance et je vous raconte.
:)
il suffit de les voir et de les accepter.
N'en es- tu pas un toi- même?
si,si.
;)
La lecture de ton texte me ramène à la juste réalité de mes petits problèmes matériels mais aussi à l'ironie de la situation.
Être en parfaite santé, est un vrai bonheur qu'on apprécie jamais à sa juste valeur. Merci de nous le rappeler.
Quand je dis que je suis en parfaite santé, je fais abstraction de toutes les "petites" douleurs articulaires liées aux 14 mois de travaux de reconstruction de ma maison. Mais le bilan de santé est quasi formel - hormis les gamma GT "résilience" d'une hépatite contractée en afrique - tout est "normal".
S'en est indécent !
Reste que si on se plogeait dans la bouillie du cerveau, je ne suis pas certain qu'on y trouverait pas...
Là où je parle d'ironie, c'est que dans ma situation... je n'ose faire couler l'eau d'un bain à l'idée de ce que ça coûte ! On est vraiment dans un monde totalement "foutrac"...
Une nouvelle fois ton article recoupe un commentaire que je t'ai déposé hier à propos de "ton entourrage", "ton zomme". Brille-t-il tant par son "..." ?
Avec ta baguette magique... tranforme-le en crapaud pour le week-end ! Abracadabra, crapaud vériqueux tu seras pendant 48 h ! (il paraît que c'est la formule). MDR.
Portes toi bien. Philippe.
mon zomme.
Quant à l'ironie, elle est acide et cruelle.
Nous faisons tous ce que nous pouvons avec nos souffrances, quelqu'en soit la cause
parce qu'elle est en nous et que personne ne peut la vivre à notre place.
Voilà, je parle bien sur d'une expérience personnelle, plusieurs fois vérifiée. Mais peut-être ne suis-je pas Normal ?
Bise
Le fou
je suis curieuse...
Bonjour Fée des Agrumes
Eh bien je ne sais pas, mais je pense pouvoir affirmer que dans certains cas nous pouvons être un "transfert"de l'expression ou de la souffrance de l'autre.
Il m'a fallut beaucoup de temps pour m'en rendre compte, car on ne pense pas au début qu'une réaction dite "personnelle" -car c'est nous qui l'avons- peut en fait être une réaction d'échange d'une personne vers une autre.
Comment cela se produit vraiment, je ne sais pas... Je l'ai plusieurs fois constaté et j'ai même vécu des trucs beaucoup plus hallucinant avec d'autres personnes, parfois comiques, parfois moins marrants.
Toujours est-il que tu finis pas te connaitre dans la vie, et lorsque tu as une réaction très spécifique au contact de quelqu'un, tu finis par comprendre que la réaction n'est pas la tienne.
J'espère que ce que je dis est compréhensible. Sinon, je suis désolé.
Grosse bise.
Et merci pour ton message, il m'a fait très plaisir. Je crois très bien comprendre ce que tu y dis.
Re Grosse bise
Par effet de miroir.
:)
Peut être avons- nous besoin de lâcher prise pour faire place à l'autre?
Ces personnes m'habitent et font de moi ce que je suis, désormais.
La solitude n'existe plus pour moi.
Cadeau exceptionnel dont je suis constamment reconnaissante.