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Je n’ai aucun souvenir précis des trois derniers jours passés à la maison, mon esprit étant absolument accroché à cette hospitalisation prochaine. Toutes ces heures n’avaient pour seul but que d’être celle qui me rapprochait d’un soulagement à venir. Une heure, encore une et encore une…
Je rentrai en neurologie le 5 janvier, jour anniversaire de ma mère. Je pensai à son inquiétude à mon sujet, sa solitude dans son petit appartement le jour de ses 60 ans, son désespoir et son incompréhension face à l’acharnement du destin sur nos vies. Mon cœur se déchirait de ne pouvoir lui parler, de ne pouvoir lui offrir un joli bouquet, de ne pouvoir lever mon verre pour elle, lui dire que malgré tout, je l’aime. Et personne hormis ma sœur ne s’en occupa. Ma pauvre maman, j’en ai les larmes aux yeux encore aujourd’hui.
Un gramme de cortisone par jour pendant cinq. Repas sans sel ni sucre, fade au possible et me laissant souvent avec la faim au ventre, bien moindre mal face à ce que je ressentais dans tout le corps. Il fallut me mettre des arceaux sur les jambes pour que les draps ne me fissent plus souffrir. J’étais écrasée, anéantie, à la merci absolue du bon vouloir des autres. Heureusement, la majorité du personnel a été extrêmement gentil, certaines trouvant mille et un prétextes pour me rejoindre et taper une bavette ou s’occuper de mes soins ; j’étais appréciée… humaine ? Simplement.
D’abord seule, je ne fus pas enchantée quand le lit d’à côté se prépara à recevoir une victime d’attaque cérébrale avec tout l’arsenal de machines et de va-et- vient que cela occasionne. . Une femme arriva rapidement des urgences, très alitée. Portée par mon incorrigible humanité, je ne refusai pas la conversation, prenant le temps de me soucier de la personne. Elle avait 75 ans, elle était bouleversée par cet événement rapide et fulgurant...je rencontrai Grazia .
Impossible de nommer ce qu’il se passe en si peu de temps. Nos différences n’eurent aucune prise sur nous et nous nous soutînmes dans nos adversités respectives. Les premières heures, je ne comprenais pas ce qu’elle me disait, je sentais simplement le besoin de verser ses angoisses, d’échanger avec un autre, de garder le lien avec la vie. Elle me raconta son enfance, l’histoire de ses parents immigrés italiens, son divorce et son deuxième mari si adorable, ses enfants, ses petits- enfants, ses fleurs, son jardin. Nous plaisantions, vidions nos rancœurs contre une aide soignante brutale quand les autres étaient dévoués. Celle-là, elle l’appelait le garde- chiourme : elle se targuait de parler alsacien, que cela plaisait aux personnes âgées mais elle était mécanique, tourmentée uniquement par le tour des actes, de cette rigueur stérile de machine ; elle est la seule avec qui je me suis sentie humiliée, laissée dans ma saleté parce que c’était dimanche, que le personnel était réduit et qu’il n’y avait pas de temps pour fignoler. Tant pis pour elle.
Je rencontrai le mari de Grazia, l’un des fils et l’accompagnai dans ses progrès en lui répétant qu’elle marcherait avant moi. Je fis semblant de dormir quand elle craqua auprès d’une infirmière, elle s’en voulait pensant qu’elle n’avait pas à se plaindre connaissant mon histoire.
Grazia, la souffrance n’a pas d’échelle universelle car elle n’est toujours vécue que dans la solitude de l’être ; il n’y a pas de comparaison à faire.
En partant, je lui fis la promesse de venir la voir le jour où je remarcherai. A ce jour, je n’ai pas trouvé le moyen de l’honorer, je n’oublie pourtant pas. Nous nous revîmes plus tard en Adelo où elle peignit des aquarelles avec sa délicatesse et sa joie de vivre ; elle me rendit visite dans le servie de rééducation avec des biscuits et un bouquet. Elle restera un excellent souvenir au cœur de l’ombre.
Mise à part cette aide- soignante brutale sur tout le service, je suis encore reconnaissante envers toute l’équipe du service de neurologie pour leur gentillesse et leur dévouement. Céline, Christelle, Marie-Jeanne et tous les autres ! Compréhensifs, dévoués, ils sont aussi drôles et loquaces à leurs heures, ouverts pour ne point oublier que derrière le malade, il y a avant tout une personne, une vie.
De retour au travail, les préparations aux oraux pour les écoles seront pour moi, je suis devenue une spécialiste du milieu hospitalier et des qualités nécessaires à ceux qui désirent devenir soignants. Enfin, je crois.
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En hôpital de jour, il y a des rendez- vous réguliers avec le médecin pour faire le point, ajuster la rééducation. Solange a toute ma confiance et malgré la souffrance du déplacement (les escaliers, les transferts, une heure pour aller, une heure pour revenir et une bonne demie heure de consultation… ), je me raccrochai à cette entrevue, y mettant quelque espoir ; nous attendions des informations suites à notre visite de Strasbourg. C’était le 2 janvier.
Elle avait un tout petit retard et j’attendis quelques minutes assise dans le fauteuil, après le transfert depuis le brancard devenu mon seul moyen de déplacement supportable. Je ne disais rien, je tentais de résister au malaise qui me gagnait insidieusement. Solange sortit du bureau et me salua chaleureusement, comme elle sait le faire pour tous. Immédiatement, elle m’interrogea sur mon état et je ne pus que lui souffler un « Je ne vais pas bien. ». Elle s’exclama que cela se voyait et elle appela une infirmière pour me coucher en urgence, mon visage se décomposait de seconde en seconde. Elle fut d’une extrême attention, se précipitant à prendre ma tension. De 5, elle remonta à 6 puis 7, puis 9 dès que je fus couchée, la chute était évidente en position assise. Solange ordonna une petite batterie de tests pour vérifier si je ne faisais pas une infection. L’infirmière découvrit des escarres au bas de mon dos, prêts à s’ouvrir et elle les soigna avec un pansement qui me fit l’effet d’un baume magique.
SeN raconta le calvaire des dernières semaines, il espérait que Solange décidât d’une hospitalisation immédiate, il arrivait au bout de ses forces et la reprise du travail qui approchait l’inquiétait. Elle appela Gilles pour lui expliquer combien j’allais mal, s’enquérir des décisions à prendre. Une corticothérapie était prévue avant la première perfusion de mitoxantrone, quelques jours d’hospitalisation tout au plus, le service étant saturé. Et il fallait d’abord obtenir les autorisations, recevoir le médicament, signer des protocoles. Quand elle revint, elle nous annonça qu’elle ne pouvait pas me laisser ainsi à la maison, elle avait demandé qu’une place dans son service me fût réservée le plus vite possible. Les échéances se précisaient, il nous fallait néanmoins encore attendre. Dans mon état, tenir trois jours semblait une tâche affreusement lourde.
SeN ne fut pas content de mon retour à la maison ce jour-là, la situation était désormais totalement ingérable, intenable, incontrôlable. Terriblement compréhensible.
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Il est très courant d’entendre que c’est dans l’épreuve que l’on reconnait les vrais amis.
Je n’en suis pas certaine.
Des personnes vivant loin et/ou ne pouvant se déplacer ont-elles à être inquiétées de me savoir si mal ? Ne vont-elles pas se culpabiliser d’être loin et/ou incapables de venir ?
Ces amis que je crois fragiles, que je veux préserver, peuvent –ils supporter ma déchéance ?
Ces amis pour qui la vue ou simplement l’idée de ma chute, voire de ma mort est intolérable ont-ils à être jugés parce qu’ils ne viennent pas, ne téléphonent pas ?
Et que penser de ceux qui sont trop bouleversés pour supporter ma simple vue dans cet état ? De ceux qui ont peur de mal parler, de se mal taire, de mal faire, d’être maladroits submergés par la souffrance ? De ceux qui débordés par le travail, le quotidien se prennent les terribles nouvelles quand il espérait retrouver celle qu’il avait connue si active et pleine d’entrain quelques mois auparavant? De ceux qui n’acceptent pas, sous l’emprise de la révolte ou en fuite.
Renvoi également à sa propre finitude : Cet être que j’aime et que je voudrais tant croire permanent, comment peut-il sombrer, disparaitre ?
Comment moi, que je voudrais croire permanent, puis-je sombrer, disparaitre?
Le psychisme humain est incapable d’envisager sa fin, l’autre en miroir déstabilise par sa chute, renvoie à l’impensable.
Qui peut dire que c’est parce qu’ils sont là qu’ils sont de véritables amis ?
Il y a ceux qui viennent par politesse, parce qu’ils ont peur de s’entendre dire qu’ils ne sont pas venus, parce qu’ils ont tellement peur de ce que certains pourraient penser d’eux, de ceux qui viennent uniquement pour eux et l’image d’eux.
Il y a ces vautours qui ne viennent que pour se repaître du malheur des autres afin de se rassurer sur leur propre vie ou encore pour ajouter à la liste des malheurs qu’ils aiment à étaler dans leurs discours de pauvres victimes du destin.
Dans l’emprisonnement du corps en souffrance, j’ai beaucoup pensé à ces questions. Je n’ai pas de réponse, ne les aurais probablement jamais. J’ai fait des expériences de rencontres intenses dont quelques épisodes sont narrés de ci de là.
Au hasard des rencontres, de l’autre, d’ ami de longue date ou rencontre impromptue que la vie offre en cadeau. Ici, ailleurs, partout et nulle part., en soi principalement.
De la complexité de l’être.
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Au programme des repas, il y eut de belles surprises cette semaine, surprises liées au hasard ou à l’acception de changer sous l’influence d’un autre. Des enjeux de la nourriture, encore.
Suite à ce pot-au-feu vanté précédemment, j’ai eu l’idée de l’accompagner d’une crème de millet dont le paquet était dans un coin depuis des mois. Je n’en ai jamais fait, ne connaissais pas le produit alors, je l’ai cuit simplement dans l’eau, sans condiment. La casserole posée sur la table, j’en ai mis des petits cubes dans le bouillon… pas très intéressant, je les ai ignorés. Ne me résolvant pas à rester sur cette expérimentation peu concluante, j’ai mêlé ces mêmes cubes à de la salade tomates/concombre du jardin assaisonnée de persil plat du jardin également. Belle sauce à mes huiles bio 1ère pression à froid et vinaigre de vin,… Un délice ! Je n’en dis mot à quiconque, curieuse de voir qui tentera l’expérience et de la nature même de l’expérience. Quand j’eus fini de manger et vaquai à d’autres tâches, voilà tout à coup mon garçon tonitruant, enthousiaste s’écriant : ‘ Ah, je tiens à féliciter la cuisinière pour ce merveilleux repas ! ». il était enchanté… du coup, moi aussi.
Mais pourquoi chercher midi à quatorze heures quand le bonheur est dans la simplicité ?
L’autre surprise fut ce repas préparé par l’homme à la cuisine trop souvent rébarbative, insipide et industrielle. Je tiens à saluer ce dîner simple, rapide et très goûteux : filet de truite fumée aux aromates (tout prêt, faut pas exagérer :p), pommes de terre vapeur aux herbes, salade verte, tomates du jardin. C’était bon, suffisamment assaisonné et joliment présenté.
Il m’avait déjà surprise en avouant à demi- mots quelques jours auparavant qu’à mon contact, il avait appris à mettre ce petit plus pour relever les plats. Il est peu fréquent de sa part d’avouer que quelqu’un a pu l’amener à changer ses habitudes. Très louable. Il fait des progrès vraiment.
Ah !, La vie est véritablement une course de fond et non une course de vitesse comme le dit si joliment ma sœur.
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Quel plat merveilleux comme la tradition des petits nous en a légué!
10 minutes de préparation pour apprêter les légumes :
Eplucher carottes, navets, pommes de terre, poireau et céleri
Enfoncer deux trois clous de girofle dans un oignon épluché
Quelques gousses d’ail écrasées
Et c’est tout.
Une grosse casserole pleine d’eau où la viande est plongée :
cette viande snobée par les incultes avec son gras et ses os pour donner du goût.
Dans l’eau bouillante pour ceux qui veulent préserver la viande, dans l’eau froide à cuisson douce pour ceux qui privilégient le bouillon.
Un Kubor (ma grand- mère !) ou un bouquet garni
Et ça mijote à feu doux une heure.
Verser les légumes et encore une heure de ce régime.
Qu’est- ce que c’est bon !
Plus c’est réchauffé, meilleur c’est. Il y a de quoi manger un jour, deux jours, voire trois.
Quand l’envie de changer est là, mixer les légumes en soupe épaisse ou hacher viande et légumes pour farcir de la pâte à nouille par exemple. Votre sauce est toute trouvée pour accompagner.
Le pot-au-feu est variable à l’infini, selon la géographie, le climat, les envies. Accompagné de semoule de blé, voilà le couscous juif tunisien. Coriandre, poule, gingembre, c’est l’Asie qui pointe le bout de son nez.
J’y ai également fait cuire des haricots verts frais à la vapeur du bouillon quand les légumes sus- nommés avaient été mangés ; une saveur, un parfum.
Il y a très longtemps, du temps des chasseurs cueilleurs, les hommes gardaient les os garnis de viande dans une peau fixée sur un bout de bois qu’ils déposaient dans un trou. Ils couvraient d’eau puis jetaient une pierre brûlante qui cuisait le tout. Ils avaient ainsi un bouillon très revigorant et nourrissant.
Toutes les vitamines et les nutriments sont dans le bouillon.
Ce plat est riche, complet et nourrissant… avec très peu de déchets, encore moins d’emballage.
Quand je le laisse mijoter, il embaume la maison de ses parfums, glougloutant sous son couvercle.
Quand je nous vois, devant ce buffet qui me vient d’elle, sur cette nappe en tissu recouverte d’une nappe en plastique transparent, je revois ma grand-mère. Le pot-au-feu était le repas dominical familial.
Quand nous mangeons du pot-au-feu, elle est là, tous les ancêtres sont là .
Nous sommes tous là.
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Mettez la musique pour l'ambiance.. et vous comprendrez, entre ombre à traverser et sommet à atteindre :)
A l’hôpital, je montai ce panier en osier avec les ergo, mémoire du geste et sensibilité des volumes, de la forme pour se repérer. En Adelo, je peignais portée par ma mémoire des couleurs et la vue en interne de ce que je traçais.
L’insurmontable n’existait pas puisqu’il y avait toujours quelqu’un pour m’aider.
A la maison, tant que j’ai pu, j’ai tricoté. Je le fais depuis de si longues années que je n’ai pas besoin de regarder ; avec de grosses aiguilles et du fil épais, bonnet, écharpe et béret ont vu le jour, sortis de ma tête, seul recours possible, incapable de lire les explications, les non initiés ne pouvant déchiffrer les termes techniques. Il m’était possible de voir plus précisément la nuit sous une lumière artificielle, douce et indirecte, ainsi, je corrigeai mes erreurs le soir venu. En neuro, c’est par le tricot que je rencontrai Sylvie qui travaillait de nuit, grande tricoteuse de longue date.
Je n’ai pas toutes les photos à ce jour, ne voici donc qu’une partie des mes œuvres en aveugle.
Le panier
La peinture en Adelo.. tiens? Montagnes et collines...
Un gilet
Celui- là a une histoire spéciale puisque je l’ai tricoté avec de la laine que ma mère avait achetée pour ma sœur il y a fort, fort longtemps et dont personne n’a rien fait. En ces heures sombres, j’ai tenu à tricoter un gilet pour mon garçon.. qui n’en a pas voulu. Il appartient désormais à une petite Lulu qui en profitera pleinement pour mon plus grand plaisir.
Tout est inventé, sans modèle, sorti de ma tête. pas facile pour le gilet d'improviser sans modèle , je suis assez fière!
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Enfin, elle est là, la page qui vous présente mon grand ami Boris !
A parcourir avec la musique si belle et si puissante de Noir désir.
Je suis habitée de l’espoir fou qu’en chaque être humain réside des possibilités infinies et magnifiques, que tous, insignifiants et poussière de rien, nous sommes détenteurs de la magnificence de l’univers.
Nous ne valons rien les uns sans les autres, la vie n’a de sens que par le lien à l’autre. La compréhension de la richesse de soi et de l’autre est la clé d’une vie réussie car dans ce contexte, les vanités de domination n’ont plus lieu d’être.
J’ai foi en l’humain vivant
Et mon ami Boris aussi si je puis parler en son nom.
Très lyrique ce soir… :p
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Retrouvailles au retour du travail:
Il me fait part de son départ pour l’après- midi, sans précision autre que c’est loin et qu’il rentrera tard. Je me soucie de la récupération d’un papier seulement sans poser de questions, indifférente à sa sortie. Il essaie de me chatouiller la jalousie en sous entendant que peut être, éventuellement il rejoindrait une femme.
Aucune réaction de ma part, je connais bien l’oiseau.
Lui sur un ton narquois :
-Il y a quelques années, une jeune femme de C… me plaisait bien,… ouai.
Moi, pas jalouse
-Ah bon, qu’est- ce qu’elle avait de particulier ?
Lui, tout sourire
Elle ressemblait à Björk..
Silence infructueux puisque je ne réagis pas …
Il ajoute
- Mais bon, je n’ai pas eu de chance, elle était lesbienne
Moi hilare
-J’ai pensé quelque chose de méchant, je le dis quand même : Heureusement pour elle qu’elle était lesbienne !
Et toc, un coup d’acide ! Les agrumes, les agrumes.
Qu’il arrête de tendre la perche aussi, non mais !
Qu’est- ce que je suis vilaine ! et pas un cadeau.
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Plus communément connue sous la dénomination loi de l’emmerdement maximum, elle désigne ce à quoi personne n’échappe au quotidien tout au long de sa vie.
Elle est étudiée très sérieusement par des chercheurs à travers le monde qui s’interrogent sur tout ce que se passe dans des circonstances clairement définies :
Pourquoi la tartine tombe t- elle toujours du côté du beurre ?
Pourquoi ça ne marche (presque) jamais en amour ?
Entre étude du cerveau humain, des comportements, de la perception de l’espace, du temps et de l’autre, il y a dans ces deux livres de Richard Robinson plus d’un point commun avec mon ami Boris ; j’y ai retrouvé également du petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens. Ils sont très complémentaires de ces lectures plus « universitaires » et sérieuses (françaises) parce que c’est très drôle. C’est peut être un côté très américain, cette manière d’amener des idées pointues en enfonçant des portes ouvertes et en vulgarisant au maximum. Sans importance puisque le but est de s’enrichir, d’expérimenter par le livre. Les dessins, les citations, les chapitres, tout est si drôle, … et tellement déculpabilisant !
Tous victime de la loi de Murphy parce que nous le voulons bien et parce que c’est inhérent à notre nature humaine.
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Dans une foire bio, un stand sur l’irrigation colonique m’avait peu intéressée, je n’en voyais pas l’intérêt. A quoi ça peut bien servir ?
J’avais préféré goûter des fèves de cacao brutes
Quelques mois plus tard, une femme en parla évoquant la pollution par l’alimentation et les modes de vie modernes : l’’irrigation colonique permettrait de nettoyer en profondeur, de purifier l’organisme.
Mouais, bof.
Avec la maladie, l’idée me revint, pourquoi pas ? Et vu l’incapacité des sphincters à se relâcher, ce ne pouvait que me faire du bien. Je me lançai.
Les trois premières séances se font à un mois d’intervalle puis une par an ; je commençai en octobre 2006, espérant que tous mes efforts me seraient bénéfiques et me protègeraient.
Jeûne assez radical quelques jours avant et c’est parti.
Je rencontrai Anne- Catherine infirmière de son état qui expliqua le côlon, les appareils, la séance, les bienfaits de l’irrigation.
Nous fîmes connaissance, échangeâmes des opinions, des expériences. Elle ne connaissait pas la maladie, me parla d’un monsieur de la région si intelligent atteint d’une sclérose qui le paralysait complètement ne perdant ni sa capacité à publier des écrits scientifiques, ni son sens de l’humour féroce. J’appréciais le moment, entre musique douce, attentions multiples, massages et détentes. Je fus également libérée, soulagée pour quelques jours.
La deuxième séance fut plus difficile, je devais être portée, ne pouvant plus faire mes transferts. Je retrouvai Anne-Catherine avec plaisir, bichonnée pendant presque une heure. Elle était très étonnée de la vitesse de ma dégradation physique ; ce n’était pas une sclérose en plaques, c’était trop violent... Incapable de contrôler mon corps, nous nous retrouvâmes dans une situation pénible, j’en étais tellement désolée parfaitement lucide quant à ma non- responsabilité. Elle fut tellement désolée de n’avoir pas su anticiper la situation. Elle avait tellement envie de prendre soin de moi, je n’étais pas sur son secteur et elle s’en dépitait. Je lui louai les mérites de sœur Thérèse pour la rassurer.
A la troisième séance, SeN ne voulait pas m’emmener, j’étais en trop mauvais état. J’ai insisté, je me sentais si bien après, il a cédé.
Je ne m’étends pas sur la pénibilité du déplacement, elle est facilement imaginable pour qui a lu mes derniers articles (nous étions en décembre 2006)
Anne- Catherine était bouleversée de me voir si mal et elle fut d’une générosité extrême, je fus très touchée, nous étions comme de vieilles amies. En ces temps si pénibles, avec l’incertitude de ma survie, je me nourrissais de ce genre de rencontre, j’y trouvais l’essentiel de ce dont j’avais besoin pour tenir, encore et encore, du confort pour quelques jours, du réconfort à durée illimitée.
Les mois de 2007 passèrent avec leurs lots d’événements et je ne pus y retourner avant 2008. Mon premier coup de fil trouva un répondeur, je me présentai très classiquement entre nom, prénom et domicile, il y a tant de personnes à gérer, elle ne se souvient pas de moi, pourquoi plus que d’une autre.
Dans les jours suivants, elle rappela ; la voix emplie d’émotion. Elle me tutoyait comme si nous nous étions toujours connues, elle demanda de mes nouvelles, de celles de SeN et de fiston, elle souffla de soulagement à l’écoute de mes expériences et se déversa de toute l’inquiétude eue pour moi pendant des mois : « Qu’est- ce qu’elle devient ? Comment va-t-elle ? Vit- elle encore ? Dans quel état ? La reverrai- je un jour ? Comment la retrouver ? Prendre des nouvelles. et quelles nouvelles ? ». Je sentais qu’elle était sincère et l’idée de me revoir l’enchantait. Quand j’arrivai, elle me sauta dans les bras, littéralement et m’embrassa de tout son cœur, les yeux pleins de larmes. Il n’est pas nécessaire de parler dans ces circonstances et je la serrai simplement dans mes bras, heureuse de son amitié, heureuse d’être là, de la voir, la sentir et de lui parler.
SeN s’éclipsa et nous eûmes tout le loisir de converser. Je lui racontai mes péripéties, mes questionnements, mes doutes, mes douloureux constats, l’état de ma conscience ; elle me confia sa vie, ses interrogations, sa quête de sérénité, ses joies, ses peines. C’était une véritable communion d’âmes.
Evidement, je fus choyée, évidement la séance fit le plus grand bien à mon pauvre corps malmené, engorgé de médicaments et substances puissantes. Soulagement, bien- être dans l’instant, dans la durée, la dignité partagée surtout.
Que penser de l’irrigation côlonique ?
L’élimination est un besoin fondamental, je l’ai désormais amplement compris. Nettoyage en profondeur pour se débarrasser des toxines ? Préparation et réparation aux traitements ? Peut être…
Il y a quelques mois, dans une Histoire des excréments sur Arte (et oui, je fais partie des 7% de Français qui regardent Arte !), un psychiatre expliquait que le côlon propre était un fantasme, qu’un côlon n’avait pas à être propre, cette idée révélait autre chose. Ce n’est pas ce que je recherchais non plus. Je reste donc dans le doute, le flou total et ignore ce que ces séances m’apportent sur le plan médical. Par contre, je sais que j’ai rencontré une femme formidable, généreuse, attentionnée, sincère qui m’a offert ce qu’elle avait de meilleur. J’y ai gagné un soulagement tant physique que psychique, l’un n’allant pas sans l’autre.
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