• Mourir.

    Nous sommes tous mortels, voués à l’oubli et il n’y a absolument rien à faire contre cette réalité.

    Quand une personne connue meurt, c’est le flot d’hommages, d’émotions et des références fréquentes à sa part d’inoubliable, d’immortalité. Foutaise. Nous sommes  tous destinés à laisser la place à l’absence, au vide puis au néant .

    Chanter, écrire, peindre, sculpter, construire, bâtir, transmettre,  gagner des millions, évoquer des mots, des oeuvres, faire des enfants, enseigner, rien n’y fait, ce n’est qu’une question de temps. Pour le commun des mortels, il y a la mort puis l’oubli quand tous ceux qui nous ont connus nous oublient ou disparaissent. En deux ou trois générations, au mieux, c’en est fini de notre existence, de nos oeuvres, actes et paroles, de notre présence, de notre héritage. Une vague trace dans l’inconscient,  l’Adn. Ceux qui connaissent la célébrité ont un plus grand délai variable selon les circonstances. Ils passent néanmoins eux aussi à la trappe.

    Autrefois, dans nos sociétés, la mort était omniprésente. Il y avait les hécatombes dues aux famines, aux épidémies, la mortalité infantile ravageuse, la  mort prenait à domicile, parmi les siens puis les morts étaient veillés, les cimetières au centre du village. Aujourd’hui, les malades, les mourants sont mis à l’écart, les cadavres ne se montrent pas. Les vivants s’inventent des histoires pour entamer le deuil, se rassurer, calmer leurs angoisses depuis la nuit des temps et jusque dans des détails intimes, la question de sa propre fin est repoussée. La mort est cependant devenue tabou et foule de stratégies s’élaborent sans cesse, partout pour l’éloigner de nous en se cachant les effets du temps sur les cheveux, le visage, le corps, en se construisant des histoires de jeunesse éternelle, loin des maladies, des handicaps, de la mort, constamment déportés. S’il est heureux de vaincre les maladies et d’offrir au maximum la possibilité de vivre longtemps en bonne santé, il  y a dans ces stratégies une rupture avec ce que nous sommes, fondamentalement: des êtres faibles, fragiles, de passage pour un court laps de temps variable. Il n’y a pas d’âge pour mourir, ni d’instant particulier et nos existences ne tiennent qu’à des fils ténus que les Parques coupent aléatoirement, inévitablement, dans la gloire ou pas. .

    Bla bla général et empli de banalités.

    Sûrement… sauf que j’ai une expérience concrète de la proximité de la mort et de ce qu’elle implique en terme de fin. J’ai réalisé que la mort en soi porte une part de libération quand la souffrance et la douleur sont lourdes, que l’avenir se présente sous des formes abominables. J’ai réalisé que je ne crois en aucune forme de survivance par delà la mort, tout au plus je l’envisage comme le retour des matières,  des atomes à l’univers qui me les a prêtés quelques minimes années. Ils retourneront à la terre, aux étoiles. Quelque part chez mon fiston des brins d’Adn hérités de mes ancêtres continueront une route qui ne m’appartient aucunement. J’ai réalisé que j’étais terrifiée à l’idée de quitter ceux que j’aime irrémédiablement, ce qui a fait ma vie concrètement: mes études, mes quêtes, mes lectures, mes apprentissages, mes rencontres, mes expériences, mes livres, mes ouvrages, mes matières, mon univers. Je reste effrayée par la mort non pour elle- même mais parce qu’elle signifie quitter la vie, quitter ma vie.

    Quant à la mort d’autrui, j’en mesure le caractère inévitable et terrible également, pleinement parce que justement je ne crois en aucune survivance par delà la mort. J’ai l’urgence de  régler les conflits, les non- dits afin d’être en ordre, en paix avec moi- même et autrui. Je suis logiquement attristée d’entendre et voir les broutilles détruire des relations, engendrer des conflits, des rancunes, simplement parce que personne n’a su ou voulu laisser tomber son ego, ses enjeux, son pseudo pouvoir, son contrôle pour aller à la rencontre de l’autre, poser ce qui envenime les âmes et les existences afin de le dépasser ensemble.

    A travers la psychanalyse, j’ai mesuré le poids des ancêtres dans ma propre histoire; certains, bien que morts depuis des lustres ( et dont j’ignore tout) ont orienté ma vie non par une volonté propre survivant au delà de leur mort mais par les énergies qu’ils ont émis de leur vivant incrustées dans les inconscients de la lignée puis mes fidélités envers eux avec le chimérique espoir de résoudre ces problèmes ancestraux. A l’aide d’autres supports, j’ai eu des contacts avec des défunts, à plusieurs reprises et j’ai longtemps été perturbée, interdite par ces expériences qui échappent à ma rationalité et mes convictions profondes. C’est la Communication Non Violente qui m’apporta une réponse car en apprenant à se relier à soi, aux autres, il est possible de se relier à nos ancêtres non par une survivance de leur être, leur âme mais par le fait que depuis l’apparition de notre espèce, nous avons tous les mêmes structures mentales, les mêmes besoins, nous faisons les mêmes expériences des sentiments et des émotions et qu’il est donc possible de se relier à eux.  Il n’est nullement question, à mes yeux, d’un au delà, d”une existence par delà la mort physique, tout au plus un inconscient collectif comme l’évoque Jung, peut- être...

    IL n’en reste pas moins qu’étant agnostique, je sais que je suis incapable d’établir des certitudes; les questions métaphysiques m’échappent. Songer que c’est en mourant que j’obtiendrai des réponses n’est qu’une gymnastique intellectuelle futile car face à ma mort, en 2006, je me sentais poussée vers un mur contre lequel j’allais m’écraser et ne plus rien sentir que l’anéantissement de mon être en quelques secondes puis le néant total si cette notion peut être seulement concevable pour l’esprit humain avec cet ego incapable de penser sa fin.

    Et quoi? C’est morbide, agaçant, dérangeant (ou rien du tout)? Surtout pas.

    Parce que chaque être qui disparaît, c’est un univers tout entier qui disparaît. Jamais personne d’identique ne reviendra. Son vécu, son ensorcellement du monde s’évanouissent définitivement et irrémédiablement. Plus jamais quelqu’un ne vivra, n’expérimentera, ne créera, ne ressentira comme lui. Sa voix, son odeur s’évanouiront, l’unité qu’il a mis jusque dans ses chaussettes, ses babioles s’envolera. Nous avons alors à célébrer la vie, à mesurer la chance inestimable d’être bien vivant, en compagnie d’êtres chers ou non car tous participent à la vie avec nous, à mesurer les merveilles créées par la nature et l’humanité, respirer pleinement l’air de notre temps, réceptacle de nos ancêtres, creuset de ce qui viendra un demain qui nous échappe forcément, à être vigilant pour que notre passage fugace soit bénéfique à la vie et non destructeur, à être plein de gratitude pour ce qui nous est  offert chaque seconde. Aussi, vraiment, il est urgent d’aimer, d’apprécier, de savourer, de mettre de l‘ordre et d’aller à la rencontre de soi et d’autrui,  là, dans chaque instant que le temps nous accorde.  Il est urgent de célébrer la vie car elle est précieuse, fugace et irremplaçable.

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 24 Janvier 2016 à 13:20

    D'accord pour célébrer la vie, tu as raison. Je t'embrasse.

      • Dimanche 24 Janvier 2016 à 13:49

        Je t'embrasse aussi chaleureusement, chère Mère Castor!! <3

        Et merci de ta visite et de ton commentaire.

    2
    Dimanche 24 Janvier 2016 à 15:21

    tu parles norvégien ? (si c'est le cas, c'est une curieuse coïncidence...)

     

      • Dimanche 24 Janvier 2016 à 21:22

        Juste qq mots! Une de mes amies est mariée avec un Norvégien et vit là- bas! Forcément, quand elle vient avec sa famille, j'apprends par ci par là he

    3
    kosok
    Mardi 15 Mars 2016 à 18:47

    C'est beau, ce que tu as écrit, très sincessairement

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    4
    Mardi 15 Mars 2016 à 21:57
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