• Sen en turc signifie tu- toi. Quand j’ai choisi ce pseudo, j’étais en visionnage intensif du Voyage de Chihiro où Sen est le nom de Chihiro dans le monde des esprits où elle se retrouve coincée. Je savais au fond de moi que ce choix avait quelque lien avec la traduction turque mais je me suis cachée longtemps derrière Miyazaki. Comme je n’étais pas entendue au quotidien, j’ai écrit sur la toile avec l’espoir ténu que SeN y comprendrait ce qui ne passait pas dans la vraie vie. Finalement, cela a été le déclencheur de colères violentes jusqu’à des menaces et une rupture définitive à la rancoeur persistante. Je sens depuis un bon bout que ce SeN me dérange aussi, j’ai pris la décision de changer ce pseudo bientôt, au fur et à mesure de l’énergie disponible à ce laborieux et fastidieux ouvrage. Je n’ai pas encore trouvé de remplaçant à ce jour. Sachez néanmoins, vous qui me suivez depuis le début, qui me connaissez en vrai ou qui avez eu le courage de lire l’histoire, que le changement est imminent. Je tâcherai de faire au mieux, j’ai besoin de temps. Déjà, vous êtes avertis.

    Cette volonté n’arrive certainement pas par hasard, il y a eu des verbalisations ces derniers mois qui montrent que la résilience est en marche tant pour moi que pour fiston. Paroles entendues, paroles dites, elles sortent et prennent sens. Ce changement de pseudo est l’aboutissement d’un long processus au bout duquel nous arrivons.

    En relisant l’article, je réalise également combien le passage par le personnage de Chihiro a du sens dans mes intuitions d’autrefois confirmées depuis. Coincé dans un monde d’esprits, de chimères, est- ce ainsi que je percevais ce SeN avec lequel je cohabitais? Nous avons tous des stratégies pour répondre à nos besoins, celles des membres de cette famille leur permettent de continuer à vivre, elles étaient toxiques pour fiston et moi. Parallèlement, nos stratégies étaient dérangeantes, incompréhensibles,  dangereuses pour eux. Pas étonnant que cela ait fini si mal.

    Ils ont disparu physiquement de ma vie et par bonheur, je ne les croise plus bien que nous partagions quelques espaces type commerces. Leurs fantômes, incarnations de ce qu’ils représentent dans nos parcours nous hantent à des degrés variables notamment quand des rumeurs nous parviennent, quand d’autres m’en parlent, quand je passe dans ce village, quand des circonstances nous y ramènent. Changer ce pseudonyme est une étape supplémentaire, son choix sera révélateur. La gestation est en cours, son apparition entérinera notre mutation... nos guérisons?


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  • Après de longues années de bons et loyaux services, elle avait été licenciée. Elle saisit l’occasion pour revenir aux études que la vie précédemment lui avait refusées; ainsi, nous nous rencontrâmes. Elle entrait à l’école d’aide- soignante quand je plongeai en Devic. Quelques années passèrent et nous nous retrouvâmes. Nous avions bien des aventures à se raconter et j’écoutais particulièrement son parcours car je la retrouvai démolie par des collègues qui allèrent jusqu’aux menaces de mort parce qu’elle avait dénoncé des maltraitances dans le service. Comme elle argumentait et expliquait ce qu’il s’était passé, je tins à lui dire combien je comprenais son choix de dénoncer, relevai son intégrité, son courage. Afin de clairement exprimer ma compréhension, j’évoquai à demi mots ma propre expérience avec SeN pendant les heures sombres de Devic. Son sang ne fit qu’un tour et je lis sur son visage, son corps le choc de telles révélations.

    Dès sa première année au lycée, fiston me parla d’un copain d’un copain qui avait un truc au cerveau qui l'empêchait de comprendre les réactions d’autrui. L’année d’après, ils étaient les meilleurs amis du monde. Le binome porta de tels fruits que ce fameux camarade obtint son BEP sous le regard enchanté de tous leurs profs. Longtemps, ces derniers me louèrent l’attitude de mon garçon qui l’avait accompagné avec bienveillance et exigence tout en continuant son propre chemin couronné de réussites tant scolaires que relationnelles . J’avais entendu le même discours chez la mère de ce garçon, mon fiston étant son premier vrai copain à venir chez eux et chez qui il allait, du pain béni car avec un syndrome d’Asperger, il avait traversé de longues années de solitude. Elle était d’autant plus enchantée et reconnaissante que son fils s’entend aussi très bien avec moi, que le courant était passé entre elle et moi. Désormais,  elle et ses enfants savent qu’ils peuvent compter sur nous.  Je les ai longuement écoutés raconter leurs péripéties, leurs vécus, leurs parcours difficiles et laborieux.  Ils savent que j’ai des ennuis de santé, que fiston et moi avons un parcours particulier également mais n’étant pas du genre à nous étaler, encore moins quand les interlocuteurs ont de grands besoins d’empathie, ce n’était pas très clair pour eux. Dernièrement, je suis allée en promenade avec elle autour d’un plan d’eau. Nous échangeâmes sur ses difficultés socio- économiques ( ceux qui parlent des pauvres ne les connaissent pas), sa recherche d’emploi, ses questionnements, ses envies, ses démarches, ses doutes. Au trois quart du tour, j’ajoutai simplement que la vie était pleine de surprises, que nous ne savions pas de quoi demain sera fait malgré nos illusions de contrôle, que jamais je n’aurais imaginé ma vie telle qu’elle est, en particulier avec cette foutue maladie. Elle saisit l’occasion pour me demander comment elle était survenue, ce que j’avais vécu et tranquillement, je lui fis ce long récit. De retour à la voiture, elle était en pleurs, bouleversée, choquée; j’en étais désolée car ce n’était absolument pas ce que je voulais, les années ont passé et je le raconte sans émoi particulier. Pour elle, cependant, c’était présent et elle mesurait alors ce que cela avait été pour fiston et moi. Surtout, elle avait envie de prendre SeN en face, de lui demander sa version des faits, de lui dire ce qu’elle avait eu envie de lui faire à l’écoute de mon récit. L’escarre, en particulier était révélateur à ses yeux.

    Chacune a vécu des circonstances, des événements qui les ont rendues  sensibles, conscientes à des sujets que beaucoup ne veulent pas entendre et à l’écoute de mon récit, elles mesurent ce que je ne dis pas. Je n’ai pas besoin d’expliquer, de dire et redire ce qu’il en était de moi, de mon fiston, de nos sentiments et émotions face aux événements, aux réactions, paroles, actes de ceux qui nous entouraient; derrière les faits, elles savent ce qu’il s’est joué. Quel repos, quel calme je sens alors en moi! La même simplicité que quand nous causons entre malades de Devic parmi lesquels j’ai rencontré quelques perles.

    C’est rarement le cas pourtant; par je ne sais quel mystère, beaucoup virent rapidement la conversation vers ceux qui m’entouraient en ce temps. Est- ce un réflexe face à des questions type:  “ Et moi? Qu’est- ce que j’aurais fait? Comment  aurais- je réagi? Aurais- je  vu, entendu, compris?”. Peu importe. Personnellement, j’avoue, cette réaction m’agace, j’en ai assez entendu et je n’ai plus envie de cette sympathie à leur encontre. Au coeur de la tempête, je leur ai donné de l’empathie, quand je me reconstruisais lentement, je leur ai donné de l’empathie, quand j’ai ouvert les yeux et voulu me sauver, je leur ai donné de l’empathie, quand je suis partie, je leur ai donné de l’empathie... Maintenant, ça suffit. Je n’ai plus envie de chercher à comprendre, expliquer leurs attitudes désastreuses, encore moins de les justifier ou de les excuser.

    De rares échos de leurs paroles me sont parvenus ces dernières années; systématiquement, j’ai le sentiment qu’ils n’ont toujours pas compris, je reste la vilaine à leurs yeux, ils continuent de se présenter en victimes ( oui, oui, vous lisez bien) et cela me met en colère, de cette émotion salvatrice qui s’exprime quand nous percevons une menace à notre intégrité. Quoi qu’ils disent et fassent, je sais par quoi je suis passée et comment leurs attitudes m’ont confrontée à des situations terribles. Je vois clair et je ne pardonne pas, c’est aussi radical que cela. Je me suis libérée, la vie me préserve de ce genre de personnes et circonstances, Dieu merci! Je suis à d’autres voies, d’autres rencontres, d’autres événements, sur une autre planète et c’est tellement mieux. D’ailleurs, ceux qui me connaissent telle que je suis aujourd’hui sont certes d’abord bouleversés par cette histoire puis terriblement heureux de voir ce que je suis devenue. Puisse la vie continuer à nous préserver d’une telle expérience... et mes blablas à ouvrir ne serait- ce qu’une paire d’yeux.


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