• Ce jour, était une séance de Qi Gong prévue depuis des mois; elle tombait au mieux. Épuisée, bouleversée, j'avais grand besoin de recharger des batteries à plat et je n'avais absolument pas l'énergie de participer aux défilés. Mon esprit y vola souvent, tiraillée, déchirée, dans un flou total, en sentiments ambivalents et antagonistes. Le visage fermé, rares sourires, les larmes au bord des yeux, je tins péniblement les trois heures et demie, pensées et prières en vrac, dormant debout sur les exercices de relaxation. Au retour, je sus que j'avais fait le bon choix: comment aurais -je pu piétiner plusieurs heures dans cette foule immense avec mes soucis physiques?

    Un exercice en fin de séance porta ses fruits particulièrement: drainer Ren Maï (vaisseau conception) et Du maï (Vaisseau gouverneur). Il régularise les énergies Yin et Yang, ouvre tous les méridiens, prévient les désordres, désobstrue les méridiens de la stagnation d'énergies lourdes, stimule l' « oreiller de Jade » (région occipitale) permettant d'éliminer des causes de dérèglement, de maladies, de malaises tant physiques qu'émotionnels, un raffinement de l'énergie (petite circulation céleste).

    Je ne pouvais trouver mieux.

    En rentrant, l'esprit plus clair et le corps soutenu, je saisis en moi quelques pensées diffuses.

    A la fatigue et la lassitude des derniers mois, s'ajoutèrent les événements de la semaine. La force et l'énergie qui me tiennent au quotidien furent balayées, ravagées, j'en étais presque à m'écrouler. Devant la foule immense sortie dignement en silence spontanément, j'eus des sentiments contradictoires entre partage et questionnements voire expectative. Pourquoi?

    Je suis engagée, au quotidien, ma vie est un engagement. J'écoute, observe, pense, médite, lis, réfléchis, agis à mon échelle. Je voyage parmi une multitude de nationalités, couleurs, origines géographiques et sociales, croyances, identités, orientations, laissant de la place à tous, m'étonnant souvent de la quantité incroyable de minorités que je côtoie. Je pratique la bienveillance, le don, l'échange. J'interpelle, taquine, soulage, titille, déstabilise, m'insurge, informe, interroge, me remet en question et perspective constamment, sans dogmatisme. Mes actions à la noix qui ne me rapportent ni notoriété, ni argent, ni confort, ni sécurité ne sauraient déroger à la ligne de conduite sous prétexte de peur ou de profit personnel. Courageuse est le qualificatif qui revient fréquemment dans la bouche de ceux qui parlent de moi. Comment pourrais- je faire autrement? Mes convictions humanistes sont chevillées au corps, mes besoins d'intégrité, d'authenticité omniprésents énormes. Mon fils me l'a souvent reproché et je le sais légitime dans ses besoins de sécurité, de confort. Seulement, voilà, j'ai souvent le sentiment de me battre contre des moulins à vent dans l'indifférence, de payer le prix fort pour pas grand-chose. Un syndrome de Cassandre? Puis là, tout à coup, un événement atroce secoue à grande échelle, comme un électro- choc et en moi, paradoxalement s'amplifient des sentiments de solitude, d'abattement voir de fatalisme…

    N'est -il pas terrible qu'un tel fracas soit nécessaire pour que s'élèvent les voix de la liberté et de la fraternité?

    Combien de temps couvriront- elles les voix de ceux qui attisent la haine, l'intolérance, la division, la compétition et le profit aveugles, l'individualisme forcené, l'humiliation, la méfiance, la peur, la morosité, le pessimisme, la course à la médiocrité et l’esbroufe, le narcissisme exacerbé?

    Combien de temps avant que le train- train ne rendorme les esprits et que les grandes idées retournent aux placards des fuites quotidiennes?

    Je sens le doute, le scepticisme, une certaine amertume parce que j'entrevois le désenchantement, le retour de l'ambiance nauséabonde d'avant. Certes les idéaux sont grands et magnifiques, ils transcendent les foules mais ils résistent peu à l'idéologie individualiste en quête de profit personnel voire égoïste, à la volonté légitime de sécurité et de tranquillité dans une société en mutation, mondialisée, vouée à un ultra- libéralisme inhumain où les inégalités sont de plus en plus criantes et insupportables, où l'avenir angoisse. Ont- ils seulement le poids de remuer ce qui s'est installé si longtemps dans les esprits, l'organisation des espaces, de la communauté de vie?

    Il n'est guère étonnant que j'ai eu une grosse crise de migraine hier, entre mal de tête, des yeux, nausée persistante et sommeil invasif. C'est mon foie qui crie toutes ces émotions encaissées… en porte- parole de ma foi ébranlée? Le raccourci est facile, j'avoue et cela reste probablement une construction de l'esprit. Il n'empêche que j'ai le cœur remué, peu convaincu d'une prise de conscience réelle avec des actions concrètes sur la durée. Quelques jours ne changent pas des représentations insidieusement ancrées dans le quotidien et l'esprit de beaucoup depuis des décennies.

    Pour conclure à demi vu que je n'ai pas encore trouvé la clarté, j'alimente ma flamme d'espérance avec mon ami Boris. Son regard, ses mots sur les événements résonnent en moi profondément, je me sens en communion. De telles voix seront- elles entendues?

    http://www.tv7.com/point-de-vue-de-boris-cyrulnik-neuropsychiatre_3979593465001.php


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  • Je n'ai pas la télévision et j'en suis particulièrement heureuse dans de telles circonstances. Je m'informe par la radio et le site d'Arte +7, principalement puis la presse et la toile. Au milieu du flot de paroles et de commentaires dont certains me donnent envie de vomir quand d'autres me font pleurer sans cesse ( les interventions sur France Inter hier m'ont déchiré le cœur), j'ai été spécialement reconnaissante envers Arte et son émission 28 minutes.

    Parole ferme, lucide et claire.

    Si vous préférez l'intelligence au fatras nauséabond ou veule d'ailleurs, je vous invite vivement à visionner ces deux émissions.

    Pour nous, pour tous, pour les morts que nous pleurons et la plaie immonde qui balafre désormais notre histoire contemporaine.

    28 minutes spéciale Charlie hebdo

    28 minutes Quand les journalistes tombent pour la liberté

     


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  •  

     

    Ce soir, j'ai tendu un grand dais noir sur mon balcon. 

    Dommage, je n'ai pas de crayon blanc géant pour y écrire:

    Nous sommes tous Charlie.


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