• Vêtue d'une blouse d'hôpital, jupette, collants, sous-pull et gilet dans un sachet plastique, je montai accompagnée d'une aide- soignante en fauteuil au service de médecine. Bien que des travaux aient été effectués depuis, je reconnus, indifférente, le service où j'avais été hospitalisée en 2006. Pesée, piqûre, dossier rempli à 23h, serviettes et gants de toilette me furent fournis. « Cette nuit, vous serez avec une petite mamie qui dort tout le temps. Elle n'utilise pas même la salle de bain », soit. J'avais faim, partie de la maison l'estomac vide, en laissant gonfler une pâte à pizza et égoutter des tomates dans l'évier. Un plateau avec quelques bricoles me fut porté, un antibiotique en gélule était à prendre en fin de repas. Je mangeai tranquillement, avec parcimonie, les produits n'étant pas ceux auxquels je suis accoutumée. J'envoyais quelques messages rassurants aux rares personnes averties, fiston m'ordonna de ne pas m'inquiéter pour lui et de m'occuper de moi ( par moments, qu'est- ce que je suis fière de lui! ... par moments). Je rangeai mes affaires puis me glissai dans les draps, m'amusant de mes dents sales et de l'absence du lavage habituel en proximité soudaine avec l'ado de la maison.

    Malgré les chambardements d'une longue journée, impossible de trouver le sommeil. Le paracétamol avait fait grand effet et le temps passé à dormir précédemment m'était peut- être déduit des heures de la nuit. Je ne la voyais pas, séparée que nous étions par un rideau, mais la voisine était très présente dans tout l'espace. Elle ronflait fort, respirait difficilement, produisait des bruits divers et multiples , une grande souffrance émanait d'elle et jusqu'à 3h du matin, je ne savais que faire. Tout à coup, je me souvins que des bouchons d'oreilles traînaient dans mes poches depuis les Eurockéennes et je me hâtai de les installer. Je m'endormis dans les minutes immédiates.

    A plusieurs reprises, des soignantes virent la surveiller, la soigner puis, il y eut les constantes. Autant dire que je n'étais pas très reposée et regrettai mon lit, ma chambre et le vacarme de mon garçon. Ce dernier m'envoya une volée de sms dès 6h30 paniqué parce qu'il ne retrouvait plus ses clefs, prêt à partir. Lui qui n'a rien habituellement à me dire m'en inonda sous tous les prétextes pendant toute mon hospitalisation; tant pis pour ce vendredi manqué et les évaluations d'anglais qui le préoccupaient, les circonstances expliquaient ses maladresses et il évacuait stress et inquiétudes à sa façon.

    Aux premiers soins de l'équipe du matin à ma voisine, je rapportai aux soignantes combien elle respirait mal.

    - Elle est très encombrée, oui, confirma l'une d'elle et de suite s'excusa: Ce n'est pas facile d'être à côté d'une personne dans cet état mais nous n'avions pas d'autre chambre hier soir quand vous êtes arrivée, vous en aurez une autre aujourd'hui.

    - C'est surtout difficile pour elle, elle est en grande souffrance, répondis- je.

    - Et vous avez de la chance, la personne précédemment à votre place ne pouvait fermer l’œil de la nuit tant elle hurlait de douleurs! C'est pourquoi elle a un traitement pour dormir.

    A l’heure de la toilette, je glissai d'une petite voix que je n'avais pas de savon, les aide- soignantes m'en procurèrent et je fus ravie d'aller me débarbouiller tant bien que mal avec la potence, ses tuyaux, ses bidons. Il n'était pas évident de s'habiller avec des manches étroites, une aiguille qui me tourmentait sous ses plastiques mais je tenais à ne pas traîner en chemise d'hôpital. Je m'amusais de ma tenue slip jetable et protection 1950 terriblement mode. Je fus émue par les petites affaires de ma voisine posée là, déodorant, eau de Cologne, brosse à cheveux dans une trousse quasi neuve. Ces modestes coquetteries me touchèrent alors que je la savais mal en point juste à côté.

    En pleine acrobatie avec les bidons de la perfusion, un brancardier arriva pour me conduire à l'échographie abdominale. Il me passa les vêtements restés sur le lit et je filai dès la sortie avec lui à travers les couloirs, trop heureuse de pouvoir marcher bien qu'encombrée de la potence.

    La médecin chargée de l'examen se révéla délicieuse. Nous discutâmes tout du long dans une ambiance douce et authentique. Elle m'interrogea sur la raison de mon hospitalisation, de cet examen et je racontai rapidement Devic. Elle s'étonna de mon acceptation à revenir dans le même service où l'expérience avait été si mauvaise. « Les médecins de 2006 ne sont plus là, nous savons ce que j'ai, c'est infectieux et facilement soigné, la situation n'a rien à voir, c'est simple. ». Elle m'interrogea également sur les tests concernant la maladie de Lyme et comprit rapidement que je connaissais cette problématique. A son tour, elle me raconta l'expérience de son mari touché à plusieurs reprises par cette saloperie. Nous étions d'accord sur la nécessaire modestie des médecins, la complexité du corps humain. C'était un beau moment de partage. Et en prime, mes reins allaient bien. A mon départ, elle me remercia, je fus ravie de la savoir si heureuse que moi.

    Alors que je cheminai seule vers le service, tranquille, un brancardier très loquace avec tout collègue croisé proposa de me raccompagner. Dans l'ascenseur, il me demanda si l'examen s'était bien passé.

    - Oui, très bien, merci.

    - C'est que ce sera bientôt mon tour.

    - J'ai vaguement entendu que vous alliez être en arrêt de travail longtemps

    - Un mois. Et pas le droit de bouger, de soulever. Repos total! Canapé et télé. Je vais me faire opérer d'une hernie ici même.

    - Et vous êtes inquiet ( J'avais deviné qu'il avait besoin de parler, je lui offris mon empathie avec joie)

    - C'est la première fois que je me fais opérer. Je sais que ça va bien se passer, que c'est idiot de s'en faire.

    - C'est normal, ils vont couper et vous trifouiller à l'intérieur quand même.

    Il sourit, la bienveillance et l'écoute le soulageaient un tout petit peu.

    De retour dans la chambre, je passai le temps grâce à mon téléphone capable de me fournir radios et musiques en plus des fonctions communication, somnolai, déambulai au gré des envies et observai l'environnement: agitation laborieuse, échanges entre patients, le poids des souffrances, préoccupations, inquiétudes, quêtes de légèreté, d'oubli. La télévision bourdonnait de ci de là, je n'aspirais qu'à sortir d'ici au plus vite.

    Plus tard, deux aide- soignantes vinrent s'occuper de mettre la voisine en fauteuil, je réalisai que l'une d'elles était élève en stage. Elle avait sur le visage une joie d'être en soins, une compassion indéniable. De par ma profession, je prépare aux concours d'entrées des écoles de soignants, aussi, je saisis l'occasion pour prendre un avis en situation directe: «Vous êtes en stage? Vous êtes à quelle école? Vous aimez ce que faîtes? Ce métier vous plaît vraiment alors.» C'était indéniable. Je lâchai:

    - Le plus important, je crois, c'est de ne pas être blasé.

    - Oh, vous savez, ce n'est pas la relation aux patients qui nous dérange, au contraire, répondit la soignante expérimentée, c'est plutôt la société.

    - C'est- à- dire?

    - Le comportement des familles, des proches, la solitude, la violence des relations, ce qu'on nous demande, toujours plus avec moins.

    - Vous voulez dire les conditions de travail?

    - Oui, c'est ça. Plus le reste. C'est que nous en voyons tous les jours et franchement, ce qu'il se passe actuellement, ce n'est pas joli, joli.

    J'étais triste de ces souffrances et violences, laissai alors de la place à l'empathie pour les personnes en présence. «Vous faîtes vraiment un métier difficile» dis- je simplement.

    Vers midi, le médecin de service arriva. Il était tendu, trépignait. Il m'interrogea sur mon infection urinaire et s'emballa vite fait à me sermonner sur mes choix de traitements qu'évidemment il ne connaissait pas

    - Pour les infections urinaires, vous pouvez les faire disparaître sans médicament, il suffit de boire beaucoup. Éventuellement, il y a la canneberge qui a fait ses preuves mais tout votre bardas, c'est n'importe quoi.

    - J'ai tenu 7 ans avec ça sans qu'il m'arrive quoi que ce soit. Là, c'est un concours de circonstance malheureux avec des résultats de labo arrivés tard.

    Il n'entendait rien, agacé. Je lui expliquai alors que j'étais blessée à la moelle suite à la maladie de Devic parente de la sclérose en plaques. Il se lança dans une explication sur ces pathologies, je le laissai marmonner patiente puis ajoutai que cela entraînait des soucis urinaires entre vessie hyper active, hyper sensible conjuguée à des sphincters atones d'où une exposition plus importante et une résolution plus complexe des infections urinaires. Il commença à s'énerver, dédaigneux: « Et qui vous a posé ce diagnostic de Devic? Votre homéopathe? ». Au fond de moi, je souris habituée à ce genre de réaction tout en restant calme et ferme: « Le diagnostic clair, ferme et définitif a été posé par le professeur de Sèze à Strasbourg» ce qui lui coupa la chique et le calma immédiatement. Je demandai combien de temps j'allai rester car pour prendre des comprimés, oraux je pouvais le faire chez moi. Il m'expliqua qu'il me gardait en observation jusqu'au lendemain et qu'il aviserait alors. Dommage. Il se tourna ensuite vers ma voisine dormant au fauteuil, l’appela plusieurs fois en criant puis repartit exaspéré. A sa sortie, ma première réaction fut de penser « Quel connard! ». Plus tard, je le vis au loin, courbé, comme écrasé et je me décidais à lui donner de l'empathie, seule solution constructive et efficace à mes yeux. Je mesurai combien la souffrance était omniprésente en ces lieux, le poids qu'elles représentaient, la responsabilité des soignants, leurs tâches parfois ingrates, c'était bien triste. Le petit vieux immobile, le regard lointain, les yeux mi- clos laissé pendant des heures devant la télévision dans le salon du couloir ou ma voisine endormie, souffrante et encombrée avec ses jolis chaussons, sa belle robe de chambre neufs me serraient le cœur. «La vie tient à si peu de choses» pensai- je. J'avais tellement envie de partir, de sortir. L'après- midi se consacra heureusement à la venue de mon garçon avec des affaires pour m'occuper l'esprit, voir et entendre autre chose, retrouver rapidement le quotidien.


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  • En titubant, je franchis le seuil des urgences. Le bureau d'accueil était vide, quelques personnes y discutaient assises sur les chaises à propos d'un accident de deux roues dont les protagonistes étaient là pour quelques éraflures et un bras froissé, l'ambiance était légère. Une grande affiche indiquait qu'avant de sonner, il fallait aller à l'accueil demander une fiche de circulation. N'ayant vraiment aucune envie de traverser les longs couloirs, je demandai s'ils avaient sonné- Oui, oui, c'est bon pour nous- et appuyai sur le bouton. Une femme en blouse bleue arriva, je lui tendis l'enveloppe de Colette et ma carte vitale:

    - Mon médecin m'a déposée, elle pense que je fais une colite néphrétique ( c'était sorti comme ça, sans réfléchir, parce que c'est tout ce qui me vint).

    - Vous avez votre fiche de circulation?

    - Je ne suis pas en état de la chercher.

    - Oh, mais il nous la faut absolument. Asseyez- vous dans la salle d'attente, on va voir.

    Elle était contrariée, je grelottais et vacillais, décidée à prendre la place nécessaire dans mon état présent. Je m'assis dans un coin avec l'envie folle de me coucher, il n'y avait pas de quoi le faire. Elle revint quelques minutes après en insistant sur l'obligation de chercher cette fiche de circulation; excédée, je me levai en lui répondant:

    - J'y vais alors! C'est le système qui veut ça, veuillez m'excuser, ça n'a rien à voir avec vous.

    Je me rendis donc péniblement à l'autre bout de l'hôpital, puisant dans mes réserves pour y arriver droite. Là- bas, une jeune femme était sur le départ, un homme farfouillait dans les tiroirs.

    - J'ai besoin d'une fiche de circulation pour les urgences.

    - Un instant s'il vous plaît - s'adressant à la jeune femme: où sont les papiers? ça fonctionne maintenant?

    - Non, il n'y en a plus et de toute façon, tu ne peux pas imprimer, répondit- elle

    - Désolés madame, nous ne pouvons pas vous la donner, dites- leur que nous vous la ferons plus tard.

    Mon attente avait duré plusieurs minutes et j'avais résisté pour ne pas m'affaler et pendant qu'ils s'affairaient, je ne pouvais lâcher du regard la chaise placée plus loin. A l'intérieur, je souriais de cette situation grotesque puis repartis bredouille. De retour aux urgences, j'expliquai le souci informatique apparemment plus recevable que mon état. Je retournai m'asseoir dans la salle d'attente, recroquevillée et tremblante, les yeux pleurant constamment. Après une bonne dizaine de minutes insupportables entre les conversations des autres personnes et la télévision, je fus appelée. Installée dans un box, une infirmière m'invita à me mettre en blouse.

    - Je suis frigorifiée

    - Voilà un drap et une couverture, servez- vous en cas de besoin.

    Je me changeai et m'allongeai sur la table d’auscultation pliée sous drap et couverture, somnolente. Le portable en mode silence vibrait souvent, je n'avais pas la force d'y répondre. Une soignante vint remplir un dossier, prendre température, tension, pulsation cardiaque. La fièvre montait visiblement à grande vitesse, j'avais mal partout, elle m'invita à ne pas trop me couvrir pour contenir la température. Elle sortit, j'entendis vaguement discuter au loin de mon cas. Le médecin du service vint me voir, tâtonnant et questionnant:

    - Qu'est- ce qui vous arrive?

    - C'est à vous de me le dire, répondis- je hilare.

    - Vous avez mal où? Ça brûle quand vous uriner?

    Il faisait son travail, l'enveloppe de Colette avait largement débroussaillé le terrain, j'avais plus d'impression qu'il s'agissait de formalités et c'était tant mieux parce qu'à l'arrivée, j'eus été incapable de gérer en plus de la fièvre et des douleurs les questions, les obligations.

    Une infirmière adorable posa une perfusion. J'avais tellement froid que mes veines se contractaient; la première cassa, elle recommença en s'excusant. « Ne vous excusez donc pas de faire votre travail». Les aiguilles me faisaient très mal, je ne les supporte plus depuis les événements d'entrée en Devic. Elle m'expliqua: «Une infection urinaire, c'est une chose, mais quand ça touche les reins, on ne rigole plus. C'est qu'ils sont précieux, nos reins. Vous serez hospitalisée le temps de vous soigner.» Analyse d'urine mouvementée en raison de mon état, de la potence, j'en arrivai à faire le nettoyage des toilettes; heureusement, le paracétamol faisait rapidement effet, je retrouvai mes moyens. J'eus à expliquer, ré-expliquer la maladie de Devic, mon parcours, mes allergies. L'infirmière comprit alors mieux mon détachement face à ce qui se révélait être une pyélonéphrite. J'évoquai également la phrase de Christiane Singer: « Ce qu'il y a à vivre, je vais le vivre» avant de monter en chambre en fauteuil roulant.

    Je réussis à prévenir mon fils pour qu'il ne s’inquiétât pas, découvris qu'une de mes copines de la danse était depuis une heure dans la salle d'attente. Ils ne l'avaient pas laissée me rejoindre, je lui demandai de rentrer chez elle, il était 23h et trop tard pour envisager quoique ce fut. J'allais mieux, j'avais faim et l'envie folle de dormir, je n'avais donc aucune difficulté à reporter au lendemain sauf que je songeais amusée qu'arrivée sans rien, j'allais passer une nuit les dents sales et sans quoi que ce fut pour me laver ou me changer hormis une blouse d'hôpital, de superbes slips jetables façon boxer, des protections taille 1950 ( dixit l'infirmière). Il valait mieux en rire. Après tout, j'étais calme, aucunement stressée, j'observais les événements simplement.

    A suivre.


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  • Solange, médecin de rééducation, est déterminée à trouver une solution à mes problèmes urinaires sur lesquels nous nous penchons depuis plus de six ans. Pour se faire, elle programma un troisième bilan uro- dynamique cette semaine. Le protocole habituel est de faire une analyse des urines dix jours avant afin de vérifier qu'il n'y ait pas d'infection, cette dernière étant incompatible avec l'examen. Je déposai donc mon échantillon samedi 23 septembre, rassurée de les voir claires et limpides. Les règles survinrent le lendemain. Comme d’habitude, j'en supportais les aléas, cette période étant particulièrement délicate sur le plan urinaire. Granules, teinture- mère et compagnie calmèrent le jeu. Lundi après- midi, au travail, j'étais fatiguée, je me traînais un peu, me secouai. Au soir, alors que je me réjouissais d'essayer un cours de danses bretonnes avec une copine, je ne me sentis pas bien, le corps était tendu, je m'emmêlais les pieds et ne retenais pas les pas de gavottes; deux fuites acides me contrarièrent et je me retrouvai à regarder la troupe danser pendant que je séchais mes fesses en collants mouillés sur un radiateur heureusement allumé. Le retour fut plus que bienvenu, j'étais épuisée. Nouvelles prises de granules, teinture- mère pour calmer ces contraintes, dodo.

    Mardi, je réussis à travailler malgré une fatigue persistante, à participer à une réunion de communication non violente le soir. Mes résultats de laboratoire n'arrivaient pas.

    Mercredi, je courus à gauche à droite, prenant granules et teinture- mère au moindre chatouillement suspect. Je ne me rappelle plus si les résultats arrivèrent ce jour- là ou le lendemain, toujours est- il que j'avais une infection. 

    Jeudi matin, je tentai à plusieurs reprises de contacter mon médecin généraliste, Colette, en vain. Vers midi, je sentis un énorme coup de massue sur mon corps; je résistai toutefois pour aller travailler. Deux fuites me dérangèrent sur place, je me liquéfiai également devant ma porte d'entrée. Épuisée, je pris de la teinture- mère et allai me coucher ce qui chez moi est exceptionnel. Je restai une demi heure dans un état entre veille et sommeil, trop faible pour réagir et bouger, trop éveillée pour me couper de l'extérieur. A 18h, je me levai afin de chercher les paniers d'AMAP, à pied, pas loin de chez moi. Fiston m'y rejoignit. Je lui racontai combien j'étais raplapla puis le laissai au retour avec tous les paniers à ranger, j'avais réussi à obtenir un rendez- vous chez Colette.

    J'y allai à pied, c'est à dix minutes. A peine assise dans la salle d'attente, je fus incapable de tenir les yeux ouverts et je sombrai dans cet état de mi- sommeil. Quelques minutes plus tard, les larmes coulèrent des yeux sans que j'y puisse réagir. Je finis par prendre une deuxième chaise afin de m'allonger un peu. Quelqu'un était en consultation, une famille attendait avant moi, il y en avait pour au moins une heure et demie. Quand Colette invita la famille à entrer, elle me trouva couchée et assommée. Soucieuse, elle me demanda si j'étais dans cet état depuis mon appel téléphonique, si je voulais passer en priorité. Je lui dis simplement le visage couvert de larmes que je ne me sentais pas bien, que je ne savais pas ce que j'avais, que j'attendais mon tour en dormant, le temps m'échappait. La famille partie, elle me mit immédiatement sur la table d’auscultation, je tenais à peine debout. Je m'excusai de ne pouvoir garder les yeux ouverts, je bafouillai sur les ganglions, les douleurs dans tout le corps, principalement derrière les oreilles, dans les épaules et au bas du dos. Elle regarda d'abord ma gorge, évoqua un état grippal puis piquée par l'une de mes remarques, tâta le bas du dos. Certains points me faisaient si mal qu'ils tiraient jusque dans les épaules. «Je crois que c'est ton infection urinaire qui s'est aggravée, il faudrait refaire une prise de sang et une échographie abdominale, un autre traitement me semble nécessaire.» Elle réfléchissait, m'interrogeait sur ma situation: venue à pied ( Quelle d'idée! - Ce n'aurait pas été différent en voiture, répondis- je), seule à la maison avec seulement mon ado de fiston. Elle partit au bureau et chercha à contacter un ami médecin de l'hôpital évidemment déjà parti ( il était près de 20h). A cet instant, je me mis à avoir froid et trembler comme une feuille au vent. « Si je t'envoie aux urgences de l'hôpital local, tu acceptes d'y aller?». C'est celui où j'étais en 2006 alors, il y avait de quoi me poser la question, pourtant, mon état était tel que je n'aspirais qu'à être soignée et acquiesçai. Colette posait des tas de questions sur mes possibilités à aller à l'hôpital, pourrais- je y aller seule? - Ce qui signifiait rentrer à pied chez moi, prendre ma voiture- quelqu'un pourrait- il m'emmener? J'étais incapable de réfléchir. «Bon, je te place en salle d'attente, je prends la dame suivante et je te retrouve après quand nous aurons réfléchi». Je réussis à envoyer un sms à deux amies sur qui je peux compter avec une phrase très neutre pour n'affoler personne, un autre à mon fils pour lui dire que c'était compliqué et qu'il ne m'attendît pas pour manger puis aller aux toilettes. Colette sortit de son cabinet pour vérifier si j'allai bien, « Ne ferme pas la porte à clé pour que je puisse rentrer si tu fais un malaise!». Oui, oui. Après sa consultation, elle décida de me conduire elle- même aux urgences tout en s'excusant tout le trajet que fait exprès ce soir- là, elle avait de la famille à chercher à la gare plus loin impérativement, qu'elle ne pouvait rester parce qu'ils l'assailliraient de questions et ne la lâcheraient plus.

    - Arrête donc! Ne t'en fais pas! Tu ne m'abandonnes quand même pas au bord de la route! Et puis vois- tu, le médecin de ma mère l'a renvoyée à l'hôpital alors qu'elle préparait un infarctus,- Si vous montez chez vous, vous allez mourir, lui avait- il dit et elle est rentrée avec sa voiture à son garage, a appelé elle- même l'ambulance qui l'a conduite à l'hôpital où avec l'ambulancière, elles ont tourné une heure avant de trouver quelqu'un qui sache s'occuper d'elle et zou, débouchage d'artère en urgence

    - C'est intéressant, répondit Colette dont c'est la phrase pour exprimer sa surprise.

    Nous arrivâmes enfin à l’hôpital et elle me déposa devant l'entrée avec une lettre en s'excusant encore, se préoccupant de ma capacité à marcher jusqu'à l'accueil: «Je suis une dure à cuire» lui lançai-je en souriant, elle promit de me téléphoner dès le lendemain. Je passai la porte des urgences en titubant, puisant des forces pour rester debout et communiquer, j'étais de toute façon seule.

    A suivre.


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