• Je me remets doucement. Tout doucement. Ma voix déraille sporadiquement et j'ai souvent besoin de calmer les grattouilles de la gorge à coup de bonbon. Bon sang! Qui eût cru que ces petites choses de ci de là pouvaient traîner sur trois semaines aussi laborieusement? Le traitement immunosuppresseur est probablement une explication rationnelle. Et je reste si lasse. S'il n'y avait ma vessie sensible pour me sortir du lit, j'y traînerais longuement de tôt le soir à plus tard le matin. C'est fou.

    Pendant plusieurs jours, je me suis pourtant reposée. J'ai renoncé à un cours, mon obstination au suivant se teinta de quintes de toux incessantes m'empêchant de parler ce qui est plutôt gênant dans l'enseignement. Il y eut deux jours à lenteur généralisée, tricoter un rang, finir péniblement le deuxième et prendre le temps de se reposer avant d'y revenir... Se reposer d'avoir tricoter?!! OUI OUI, j'en étais là! J'ai regardé des épisodes en pagaille, somnolant sur la table, affalée dans mes bras. J'espérais vadrouiller, picoler, picorer et m'amuser en bonne compagnie pour mes 41 ans et finalement, je me suis légumée, amorphe chez moi. J'ai annulé une tournée à multiples visites envisagées depuis des semaines à la rencontre de personnes chères pas vues depuis des années. Près de 8 heures de route en quatre jours? Je ne m'en sentais pas le courage, le train étant tellement compliqué sur certaines lignes, j'ai tout lâché à contre- cœur raisonnable. C'était objectivement au delà de mes forces.

    Je réussis à suivre la deuxième journée de formation à 150 km après quinze jours de convalescence; c'était nettement moins éprouvant qu'à la première bien que je n'échappai pas à un germe attrapé dans le train ou sur le lieu de formation. Je courus aux toilettes très souvent; par intuition, j'avais les bons remèdes sous la main et au soir, je ne sentis pas les brûlures. Au retour, j'allai danser à l'écoute de mes capacités pour retrouver mes copines, cette si belle ambiance et la joie de mouvoir le corps en ondulations libératoires. C'était quelque peu brouillon, je ne participai pas à la dernière chorégraphie certes mais cela me fit grand bien. Bon, d'accord, le lendemain, j'étais lessivée et je baillai tout l'après- midi amusant ainsi les stagiaires, changeant de la toux précédente.

    Les cheveux rasés repoussent par dessus la cicatrice, elle se perd en eux, se fait invisible. Quand je suis énervée, frappée par l'attitude de certains proches, des tensions me traversent le crâne en suivant son chemin, j'aimerais mieux que cette sensation disparaisse et ne s'éternise pas. Je n'ai aucune envie de ce genre de prise de tête au sens propre.

    Mon amoureux arrivé par surprise, avec fermeté, embarqua l'armoire pour la déchetterie. Je réussis à sauver les portes en massif et les fonds, pas les corniches malheureusement, « Cette armoire est empreinte de mauvaises ondes et de trucs à virer!» argumenta t-il. Je rattrapai quelques pièces métalliques avant la bascule dans la benne puis lui fus grandement reconnaissante de m'en avoir enfin libérée.

    Peu à peu, je retrouve mes forces, je déambule, marche. Le corps se remet et me rappelle de temps en temps par des coups de fatigue que le dodo réparateur est une nécessité pertinente. Si l'histoire de l'armoire est réglée, la prise de tête familiale, elle, persiste. A moins qu'il n'y ait là une coïncidence, un écho? Force est de constater que je reste encombrée de liens malsains, l'armoire n'étant que la surface émergée d'un iceberg. Je l'ai traînée une dizaine d'années, sur trois logements différents, la montant, la démontant, la remontant, tâchant de la préserver, de la réparer, de la rénover. Je me la pris sur la tête violemment, son sort fut alors réglé et mon amoureux s'y est mis. Ce fut salvateur. Un révélateur. Parce que son débarras, finalement, laissa indifférent. Pourquoi m'en ferais- je alors? Quoi qu'il en soi, un événement ces derniers jours a suivi l'épisode armoire ramenant sur le tapis les mêmes enjeux. Je tâcherai de vous raconter cela quand ma caboche aura réussi à mettre en mot cette expérience. Ou pas.

     


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  • Depuis la chute de l'armoire sur ma tête, d'autres éléments se sont ajoutés. Je les jugeai liés au hasard, à la météo, sans conséquences, temporaires et rapidement oubliés.. Et ben, je me suis trompée.

    Le samedi suivant mon raccommodage, je déambulai en ville, sous le crachin, dans l'air glacial. Au soir, j'avais un rhume du tonnerre et cette sensation désagréable de froid permanent à l'intérieur, celle d'étouffer sous la couette en sueur. Le dimanche, je reniflais, me mouchais, éternuais à tout va et m'interrogeais sur ma capacité à aller en formation le lendemain: à 150 km de chez moi, voyage en train très matinal, sept heures de réflexion puis retour en fin de journée, était- ce faisable dans mon état? En plus du traumatisme crânien ( sans compter Devic et compagnie). Je lâchai la préparation d'un casse- croûte froid en raison d'une envie légitime de manger chaud à mi- journée et me laissai porter par la volonté d'assister enfin à une information sérieuse sur la dyslexie attendue depuis des années. Je partis donc le lendemain très tôt et … dormis tout le long du voyage, au retour, en milieu d'après- midi entre les éternuements et le mouchage. Je réussis à suivre, réagir, participer de temps en temps et prendre contact avec Colette, médecin traitant pour enlever les fils de mon cuir chevelu ( et oui, ce n'est plus l'hôpital qui le fait, histoire de rentabilité des actes). Au soir, j'étais dans un état second avec une énergie insoupçonnée pour remonter jusqu'au cabinet médical à pied, sous la pluie et sentir toutefois ma vessie courageuse toute la journée me lâcher à mi- chemin. Pfff, tant pis, je n'avais pas la force de rentrer chez moi me changer, nous ferions avec ( en plus, je m'étais risqué à porter un pantalon) . Somnolence dans la salle d'attente et entretien plaisant habituel. Le retrait des fils m'inquiétait, il se déroula tranquillement et je m'étonnai de ma résistance aux tripatouillages. A posteriori, je me dis que ma sensibilité aux sutures avait été en fait liée au traumatisme, à la chair à vif, je n'étais peut- être pas si douillette. Bah, peu m'importait, j'avais surtout envie de rentrer me coucher. Je repartis avec une ordonnance pour contrecarrer mon rhume et celui du fiston resté au lit.

    Mardi, j'allai travailler après m'être interrogée sur ma capacité physique à tenir ces heures mouvementées et demandai à l'univers de m'amener des stagiaires calmes, concentrés et autonomes. Je retrouvai une partie d'équipe et nous constatâmes tous que j'avais les idées brouillonnes, une légère désorientation. Ma voix en prime s'étiolait au fil des heures. Au soir, je ne pouvais plus parler, aucun son ne sortait de ma bouche. Mon garçon ne m'avait jamais vue ainsi et se fit moins revendicatif, partageant avec moi le silence et les murmures.

    Mercredi, j'annulai mes cours particuliers, me fit remonter les bretelles par ma sœur, mon amoureux fâché de m'entendre dire que j'irai travailler le lendemain. La journée passa dans une espèce de flou général. Signe révélateur: quand je suis mal en point, j'ai envie de me légumer dans le lit ou sur le canapé et de regarder des films ou des séries sur écran. «Oulala oui, maman, là, tu ne vas pas bien! » répétait mon garçon surpris de ma si faible activité.

    Le lendemain, nous obtînmes un opportun rendez- vous chez Colette grâce à l'oubli d'autres patients. Fiston avait un gros rhume, une vilaine toux, il eut la semaine et un traitement. A mon tour, elle me questionna sur les symptômes, chercha les points douloureux sur les voies ORL. Rien ne réagissait, j'évoquai alors plutôt une douleur tirant des pommettes vers les oreilles. Elle réagit de suite et me demanda si l'arrière des yeux me tirait, « Non, pas que je sache». Elle posa ses doigts et je fis « Aïe aïe! » , je ne soupçonnai pas l'intensité de cette douleur.

    Ce qu'elle expliqua ensuite me fit sourire parce que bien qu'inhabituel, c'était cohérent pour qui se penche sur la médecine chinoise ( pour rappel, Colette est généraliste spécialisée en homéopathie- acupuncture): le coup de la semaine passée avait complètement détraqué les énergies de la tête, désharmonisant celles de l'intérieur et celles de l'extérieur, ouvrant toutes les portes aux infections et autres réjouissances. En prime, j'étais à plat énergétiquement. C'était clair. J'avais à soigner et mon rhume, et ma gorge, et ma vessie ( puisqu'évidemment, utiliser des toilettes publiques dans le train, sur le lieu de formation avait entraîné une belle infection à fuites quasi permanentes) et mes énergies. Besoin urgent de repos. Mon garçon remarqua que je ne demandai pas d'arrêt de travail, c'était une question délicate.

    J'allai travailler le lendemain pour prévenir les stagiaires, mettre des affiches sur mes absence à venir et malgré mon extinction de voix, je tins le coup avec cinq personnes et un débat oral sur la situation économique de la région. Malin.

    Repos vendredi? Vous voulez rire! Amorphe, j'accompagnai ma mère et ma sœur à gauche à droite sans un merci et rentrai abattue.

    Depuis, je suis en activité minimum. J'ai prévu de ne pas aller travailler lundi, de prendre le temps de voir comment évolue mon état pour décider de mon activité du mardi. J'ai la flemme de faire du Qi gong, c'est dire combien je suis raplapla. Dormir? Quelle galère! Avec ma vessie infectée, je me lève trois, quatre fois par nuit. Quand j'essaie de parler, mon garçon s'écrie: « Arrête MAMAN, on dirait un zombie! Ça fait peur!!! » Déjà que j'erre toute la journée comme une âme en peine. Le pire, c'est que je n'ai aucun goût et alors que je me réjouissais d'un feuilleté aux orties, de tisanes, de grog, tout est morne et fade. Il y a de quoi déprimer. Du coup, j'ai eu envie de me refaire la série Six feet under. Elle passe mon temps alors que je tricote avec peine, fais des coutures ratées, des essais infructueux de création.

    Ben voilà, après le traumatisme, j'avais certes fait doucement, écouté le corps, renoncé à mes cours de danse, à certaines marches ou agitations, mais j'avais fait du nettoyage, de la menuiserie, du remue- ménage, en gros, encore trop. Et la semaine suivante, je me suis retrouvée très affaiblie d'où tous ces aléas de santé.

    Vraiment, ça ne me réussit pas le coup de l'armoire sur la tête. Et le corps a ses raisons. Est- ce que cela me rentrera dans le crâne? A moins qu'il n'y ait encore autre chose... avec cette foutue armoire qui n'est pas la mienne, comme le remarqua Colette. Cette chute d'armoire a décidément remué et ébranlé bien des trucs qui traînaient. il était peut- être temps de s'y pencher. Enfin, pour le moment, je glande et c'est bien comme ça, maintenant.


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  • La semaine dernière, mon amoureux était de passage dans les environs pour quelques heures; nous en profitâmes pour se voir car avec son travail, il est par monts, par vaux et ne sait où il sera le lendemain... ou le surlendemain.

    Quand je débarquai, je remarquai son inhabituelle barbe de deux jours. Il me répondit par « Oui, et toi, tu bourgeonnes». C'était vrai. Sur l'aile de mon nez, une petite pastille rouge flamboyait et au coin de mon menton, un joli monticule s'enflammait. « C'est que j'arrive à mon ovulation, demain ou après demain alors j'envoie des signes, attention attention danger! A moins que ce ne soit un appel? Et puis, c'est le printemps, après tout, je bourgeonne comme les arbres, c'est de saison. » J'avais bien tenté de calmer le jeu avec des crèmes empruntées à mon fils, cela n'avait fait qu'aggraver le cas et la surface de la peau pelait, en plus. Autant dire que j'étais resplendissante.

    Je remarquai, au cours de nos heures ensemble, qu'il y attardai son regard de temps en temps, je le taquinai: « Heureusement que je ne me teins pas les cheveux sinon on croira que tu sors avec une adolescente», lui qui n'a fréquenté que des femmes plus âgées ( je suis une bizarrerie dans sa vie). Et puis, je lui demandai s'il était déçu.

    - C'est que je n'ai pas l'habitude de te voir comme ça.

    - Il va falloir t'y faire parce qu'entre mes cycles hormonaux et les traitements médicaux, je bourgeonne! Vivement la ménopause sinon?!

    J'ai bien compris un peu plus tard, au cours d'une réunion de communication non violente dont le sujet était la réaction du partenaire face aux diverses imperfections de l'autre ( boutons, poils et compagnie) que ne me voyant que peu, il avait besoin de me retrouver belle et lumineuse afin de repartir avec ce souvenir pour les longues journées loin de moi d'après. C'est le besoin de beauté. Tout à fait légitime. Toujours est- il que nous nous séparâmes en fin d'après- midi avec ces contrariants boutons en mémoire. Pour le besoin de beauté, ma foi, on reviendra.

    Deux heures plus tard, l'armoire me tombait dessus. Un coin de tête fut rasé, mon cuir chevelu raccommodé, j'étais pleine de sang et avec l'interdiction de me laver les cheveux pendant sept jours. Pour sûr, là, il y en avait de la beauté, de la beauté au naturel. Au moins, il ne me voyait pas au téléphone.. encore que d'autres événements survinrent depuis et même à distance, il savoure désormais ma voix ... d'outre- tombe, quand elle veut bien lâcher un son. ( à suivre).




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