• Lundi dernier, je me réjouissais de ramener fiston en camp pour quatre jours, je comptais bien profiter pleinement de ce temps précieux d'autant que j'avais quelques jours de vacances. Après l'avoir déposé, je filai voir mon amoureux de passage rapide dans la région, visitai des amis sur le chemin du retour et me hâtai de rentrer pour manger un bout avant de partir à la danse. A mon arrivée, comme d'habitude, j'ouvris la porte du garage et constatai, surprise un carton traînant au milieu du lieu; c'étaient les décorations de Noël. D'où venait- il? Comment était- il arrivé là? Je lui cherchai une place non encombrante afin de rentrer la voiture tranquillement et tout à coup, patatras! le dessus des étagères tomba. Je me hâtai de ramasser le panier et les cassettes éparpillées au sol, sentant vaguement une douleur à la tête suite à un choc. Je continuai mon rangement agacée en constatant les pièces d'une armoire démontée également éparpillées. Certains morceaux avaient cassé dans la chute et furieuse, je me dis qu'enfin, j'allais trouver là un bon prétexte pour me débarrasser de ce truc fourgué par ma mère et que je traînais depuis une dizaine d'années.

    C'était l'armoire de ma sœur. Autrefois, je l'avais demandée pour mon garçon, elles avaient refusé. J'en avais achetée une autre et quelques mois plus tard, elle me revint parce qu'aucune n'avait de place pour la stocker. Je n'osais pas la jeter, ma sœur pouvait en avoir besoin, elle fut même réparée. La proposition de la vendre n'avait pas fait long feu, ce qu’elles en voulaient était beaucoup trop élevé. Je me la coltinai donc depuis des années et j'étais déjà bien énervée d'avoir à la déménager et la stocker alors qu'elle n'était pas à moi. Ce jour- là, je décidai que c'en serait fini.

    Comme ma voiture encombrait le passage, je me dépêchai de remonter les grandes planches en hauteur et poussai sur les côtés le dessus, le dessous trop lourds pour mes petits bras pas musclés. Je sentis alors comme des cheveux me chatouillant le visage et tentai de les repousser d'un geste rapide. Ma main revint moite, poisseuse et j'y découvris du sang dégoulinant; je cherchai vite quelques mouchoirs afin de finir mon désencombrement puis sentis des brûlures sur ma tête, le liquide coulant sur mes joues abondamment. J'appelai ma sœur: « Je me suis pris ton armoire sur la tête, je saigne beaucoup, tu veux bien venir voir si c'est léger ou important?» Elle accepta et un quart d'heure plus tard, quand j'avais tout rangé, nous nous retrouvâmes chez moi. Elle regarda mon crâne, n'y trouva que de belles bosses; ma tête, mes cheveux et mon visage étaient pleins de sang. Elle préféra que je visse un médecin. Mon généraliste n'était pas là, nous partîmes donc aux urgences bien que je ne le jugeai pas si opportun, ressortant du coup, ma voiture si laborieusement rangée ( je conduisis puisque ma sœur n'a pas le permis).

    Une serviette humide sur la tête pour arrêter les saignements et la douleur lancinante, je débarquai. La télévision de la salle d'attente m’insupporta, j'avais de légères nausées et finis par me réfugier dans un coin. Après une demie heure, je fus installée dans une pièce. L'infirmière me questionna. Les traitements et la maladie bizarre la troublèrent puis elle chercha ma plaie, n'y vis pas grand chose dans la bouillasse sang- cheveux. Le médecin fut plus rapide et s'exclama: « Ah, oui! Là, vous avez une belle plaie! Vous vous êtes fait ça comment? Vous préférez des agrafes ou des sutures?» Six points environ. Aïe, aïe! Mon corps se tendit. Avant la maladie, je n'étais pas douillette, je ne craignais ni piqûres, ni prises de sang, ni sutures; depuis les mois terribles de 2006 et 2007, je n'en peux plus et rien que l'idée de passer à quelques pointes médicales, je suis remuée. L'infirmière me rasa la partie concernée en s'excusant de massacrer ma chevelure: « C'est que je ne suis pas coiffeuse! ».J'étais chez le coiffeur la semaine dernière.

    Une première pulvérisation d’anesthésiant n'y suffit pas, je sifflai à la première couture, ils vidèrent gentiment tout le flacon. Je sentais l'aiguille, entendais le bruit des ciseaux... Brr! Mon corps était tendu, j'avais beau respirer et poser mon esprit ailleurs, je n'étais qu'à la couture de mon cuir chevelu. Six points. Nous discutâmes de ma vaccination anti- tétanique dont je n'étais guère assurée puis j'eus droit à une information sur le traumatisme crânien. Je pensai: « Bé voui, c'est évident, après un tel coup, c'est un traumatisme crânien. » Je lui dis:« Voyez- vous, c'est mon troisième.» expliquai- je à la personne qui me tendait la feuille. A la lecture des consignes, je souris intérieurement: obligation de se reposer absolument pendant 24 h sans télévision, ni jeux vidéos, interdiction de rester seule les premières 48 h... cause toujours. Finalement, je ris en évoquant ma nouvelle coupe: « Je vais me faire des mèches roses et être punk quelques temps.» Je ramenai ma sœur chez elle et rentrai. Impossible de joindre ma mère. J'appelai mon amoureux en route déjà pour son travail à l'autre bout de la France. C'était certain, à son retour, il viendra pour dégager cette foutue armoire sans demander quoique ce soit et encore moins attendre l'accord de ma mère ou de ma sœur. Cette dernière d'ailleurs s'était agacée quand je lui avais dit que c'était son armoire qui m'était tombée dessus, comme si elle – même en était encombrée. Ma mère m'étonna en affirmant qu'elle serait effectivement mieux à la déchetterie. Elle, oui, elle! Combien de fois avais -je pourtant entendu qu'elle avait été si chère en son temps? Après tout, cette armoire nous encombrait toutes.

    Je n'ai évidemment pas été accompagnée pendant 48h. Des coups de fil rapides de ma mère et ma sœur pour s'assurer que j'allai bien, des visites prévues auparavant permirent quelques heures de compagnie. Tout alla bien.

    24h de repos absolu? J'avoue que j'ai tenté de m'y mettre... et puis, ma maison était en bazar, j'attendais de la visite le lendemain. Finalement, à l'écoute de mon corps, tranquillement, je m'y suis mise. Le premier soir, je regardai quelques vidéos sur la toile pour rester assise, passai ensuite l'aspirateur doucement, fis les poussières en gros, récurai les sols en escargot. Dodo réparateur dans l'ordre et le propre, c'est bon aussi. Le lendemain, je ne préparai pas le biscuit prévu à l'origine, juste quelques pommes cuites et une galette surgelée au four, je débarrassai et mis la table tout l'après- midi; au soir, tout fut prêt sans que j'ai à en payer le moindre prix. Quand la tête tournait, la nausée montait ou autre conséquences, je m'arrêtais, me reposais.

    Le mercredi, j'allai à trente kilomètres pour des cours particuliers sur trois heures plus la discussion avec les parents autour d'un thé jusqu'à 19h30 sans encombre. Le jeudi matin, avec mon médecin Colette, nous opérâmes la remise à jour de ma vaccination anti- tétanique en urgence ( dépassée depuis seize ans..). Entre mes menuiseries et tripatouillages dans la terre, plus l'armoire sur la tête ( aux pièces métalliques pointues), cela nous sembla à propos. Attentionnée elle me piqua avec une très grande douceur ce dont je lui suis très reconnaissante. N'avait- elle pas largement souri quand je lui dis que depuis la maladie j'étais devenue douillette? Moi qui racontai la chute d'une armoire sur ma tête en riant? Je vadrouillai vingt- cinq bonnes minutes entre le cabinet, la pharmacie et un détour agréable au marché hebdomadaire. L'après- midi, j'entamai les grands travaux dans la chambre du fiston: consolidation de la porte de son armoire, démontage de son grand meuble inadapté à la petite chambre avec bien sûr, les transports de livres, matériaux et caisses inhérents à la tâche. Le vendredi, je restai plus tranquille devant ma machine à coudre et finis la soirée avec un garçon malade, désespéré d'aller se coucher au regard du capharnaüm sur son lit. Samedi, scie sauteuse et perceuse chauffèrent dans des travaux importants. L'après- midi, je circulai en ville à la recherche de mousseline pour un énième costume de danse puis assistai à un concert. Dimanche, continuation des travaux dans la chambre du fiston avec en prime, un rhume et un état légèrement fiévreux. Lundi, formation à 150 km toute la journée, arriverai- je à danser au soir?, mardi reprise du travail... et éventuellement, un temps pour me faire enlever les fils ( aïe aïe!?)

    Pendant sept jours, je n'ai pas le droit de me laver la tête ce qui est dérangeant vu que j'ai été inondée de sang, le coiffage est plus que délicat, la pose sur l'oreiller au dodo précautionneux... et ça gratte, ça pique! En attendant, je prends patience et protège mon coin de crâne rasé avec un béret. Je lave mon linge inondé de sang m'étonnant à chaque découverte de la quantité déversée et raconte allègrement cette dernière péripétie en riant tant je la trouve grotesque sentant bien qu'au fond de moi, je m'en fiche. Jeter l'armoire, subir les pointes médicales me préoccupent plus que la blessure, c'est vrai. Enfin, voici ma belle cicatrice prise à l'aveugle au retour de l'hôpital:

    DSC01107.png

    A y réfléchir, je suis raccommodée de partout: sous les cheveux, le sourcil, dans la main droite, sur le ventre, sans compter les blessures non suturées ( et qui l'auraient été si j'avais été menée à l'hôpital). Il n'y a pas à discuter, c'est évident, je serai bientôt prête à jouer un rôle dans un film de Tim Burton.

    Enfin, mon garçon est quand même un peu secoué et quand il me voit m'agiter chaque jour à mes divers travaux, il me charrie et lève les yeux au ciel sur sa mère qui décidément n'en rate pas une. Allez, vous avez le droit de me gronder... en même temps, je suis une vraie tête de mule...

    ps: J'ai réussi un écho à ma précédente couture ( cf ici). Si sens il y a, c'est que vraiment, ça suffit de s'encombrer des vieilleries des autres, il est grand temps de virer cette armoire.


    3 commentaires
  • Mon amoureux est un homme intelligent; curieux et ouvert, il aime apprendre constamment. Quand il se penche sur un sujet, consciencieux, il s’attelle à en faire le tour. Il évolue dans un système mental similaire au mien avec 50 000 idées à l'heure toutes plus originales, inattendues, novatrices les unes que les autres, une soif de découvrir et un esprit critique souvent pertinent. Bousculé par la vie, il n'a pas pu faire les études qu'il aurait voulu et c'est empiriquement qu'il a construit sa culture et ses connaissances générales en plus de capacités en mécanique de formation initiale et/ ou acquises par l'expérience professionnelle. Autant dire que sa caboche est en effervescence.

    Je me régale. Nos conversations et partages d'expériences concrètes sont des feux d'artifices qui me ravissent. Ensemble, nous construisons, déconstruisons, rebondissons dans tous les sens. Les accrochages sont évidemment inévitables, ils me bouleversent mais jusqu'à présent, je suis rassurée car constamment, nous en reparlons, nous y mettons de la clarté et nous cherchons au- delà de l'apparence pour finalement en faire un nouvel apprentissage constructif et sain ensemble. J'ai été déroutée au tout début de notre rencontre car pour lui, était l'évidence: quand il m'a vue, il a su. Je n'étais pas dans ces certitudes du tout et pourtant, plus nous discutions, plus j'étais ahurie: un tel homme existe t-il vraiment? Quelques amies au départ y ont vu une exagération, un enthousiasme de femme amoureuse ce en quoi je ne me reconnaissais pas. Sceptique, j'ai d'abord cru à du plat, à des stratégies de séduction et plus les interactions se multipliaient, plus je réalisai qu'il était sincère, respectueux, authentique sans jamais avoir la moindre parole ou le moindre geste déplacés. Il m'a laissé toute la place. C'était très déroutant. Petit à petit, je me suis laissée apprivoiser et désormais, nous vivons une sacrée belle aventure ensemble sous le regard heureux de mon fiston et de mes amies qui l'ont rencontré. Car oui, en plus, il enchante mon fiston, mes amies! Oui, oui, un tel homme existe!

    Dans mon humanité, des peurs surviennent. Je n'ai pas dit rapidement, par exemple, que j'étais malade et handicapée. Quand j'y fis une vague allusion, il m'avoua le savoir déjà pour avoir trouvé mon blog. Comme je l'interrogeais sur ce point, il eut cette belle réponse ( qu'il me répéta lors d'épisodes où mes soucis physiques se manifestèrent violemment): « La maladie et les handicaps, ce sont la maladie et les handicaps, ce n'est pas toi. La vie n'est pas une maladie, tu n'es pas une maladie, tu l'as bien écrit toi- même. ». Quand j'entends son récit de vie, j'ai également la peur de l'ennui. Comme en tout domaine, il a été, avec les femmes, curieux, ouvert, découvreur et s'il est au clair et respectueux avec elles, il avoue son ennui quand il a fait le tour de la question. Aïe aïe! Cela arrivera t-il avec moi aussi? Il y a peu, je le lui en parlai alors que nous trafiquions chacun dans notre coin de cuisine, il redressait un de mes montages aléatoires de travers, je préparais le repas. Ma phrase terminée, il se redressa tout sourire et me lança:

    « Quand je te vois faire la cuisine, là maintenant au milieu de ton nettoyage d'émaux envers et contre toutes les représentations habituelles de la cuisine, je me dis que je suis très loin d'avoir fait le tour de la question et j'en ai pour au moins trente ans sans même être certain d'y voir le bout.»

    100 6949

    En vrac, de gauche à droite, d'avant en arrière: embout de l'arrosoir que je garde près de l'évier pour récupérer l'eau sans produit en vue d'arroser les plantes, boutons triés et lavés dans le lot d'émaux, vaisselle utilisée pour le rinçage et l’égouttage des émaux, bocal de cornichon sans cornichon dont je garde le vinaigre pour détartrer les toilettes ( après filtrage et chauffage intensif), piles d’émaux lavés ou en cours de lavage plus ou moins rangés par forme, marc de café en attente de passage au compost ou en débouchage des tuyauterie... à moins que je ne l'utilise en peeling?, bouteille en plastique en attente d'être transformée en réservoir d'eau pour plantes, sachets plastiques nettoyés pour être ramenés à l'Amap de légumes histoire de les réutiliser et réutiliser encore, salade impeccable pour le repas, miettes de chocolat maison en attente d’être mangées avec encore un peu de vaisselle à mettre au lave- vaisselle ( vraiment , j'ai autre chose à faire que de la vaisselle non mais!).. euh, c’est tout je crois...

    Bon, il a été rapidement mis dans le bain ( et c'est le cas de le dire):

    Quand il me vit danser avec mes amies à la soirée de notre rencontre , il en resta bouche bée. ( Il me trouvait vivante et complètement indifférente au regard des autres.)

    Il se prit une ou deux vestes et discuta avec moi de surprise en surprise ce même soir … et les jours, les semaines suivants.

    A ma première visite chez lui, je débarquai avec deux truites et des légumes à cuisiner dans mon panier ( normal pour moi vu que j'arrivai un dimanche en prévenant trop tard pour lui laisser le temps de préparer quoi que ce fut), un bidon de purin de lombric (où il mit le nez pour savoir ce que c'était alors que je filai in extremis aux toilettes en arrivée précipitée) et un sac de vieilles chaussettes à coudre en personnages imaginaires.

    Au premier repas chez moi, j'ai porté mon plus vieux jeans et un pull rétréci informe quand mes amies de la danse m'avaient poussée à me faire belle en me donnant une robe pimpante.

    J'ai inondé son lit, son appartement et il a déjà souvent baigné dans mes fuites nocturnes, matinales, marquages et baptêmes dont il nous fait rire.

    Vinrent la vision de mon joyeux foutoir entre mes tissus, mes livres, mes musiques, mes matériaux, mes travaux en création, en cours, achevés, notre façon de vivre à fiston et moi avec nos engueulades, nos embrassades, mes humeurs, mes péripéties. Ajoutez- y qu'il lit régulièrement des passages de mon blog.

    L'autre jour, il a été surpris de trouver de l'aspirine dans ma salle de bains alors que je n'ai habituellement que de l'homéopathie:

    - Tiens, tu as de l'aspirine toi?

    - Oh, oui, répondis- je désinvolte, c'est pour détacher le linge.

    Sourires complices suivis de quelques minutes de silence. Il enchaîna:

    - Dis, tu n'aurais pas de la lessive?

    - Oui, ça dépend, c'est pour quoi faire au juste?

    - Bah, j'ai mal à la tête là.

    Éclats de rire.

    Alors, oui, peut- être bien qu'il en prend pour trente ans, supportera t-il ces péripéties et élucubrations?

    Toujours est- il que je suis preneuse parce que pour l'instant, tout est ouvert, plein de surprises, de joie, de projets, dans la logique du gros nettoyage de fond opéré depuis des années. C'est tellement vivant, je voudrais ne plus en sortir.


    2 commentaires
  • Trop important à mes yeux pour passer à côté d'un tel article:

     

    La méditation augmenterait la compassion.

     ♥ ♥ ♥
    Il n'y a pas de restriction!!
    L'assise n'est pas une obligation, être présent à nos gestes du quotidien est déjà une méditation ( et c'est loin d'être facile). Au début, rien que quelques secondes de temps en temps font le plus grand bien... et après, c'est tellement savoureux que cela en devient une évidence comme de manger, boire ou dormir.

     

    Je file, ce soir, c'est spectacle de danse! Mon amoureux nous verra en vrai pour la première fois. Nous ne sommes pas trop au point avec les chorégraphies mais vraiment, il n'y a là que joie, partage et une belle énergie ( quand prendrais- je le temps de vous parler de cette belle aventure?).

     

    Ce qu'il y a à vivre, je vais le vivre ( Christiane Singer) ... En présence, c'est tellement bon!!!

     

    Mes pensées vous accompagnent, amis lecteurs.


    1 commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires