• Ce dimanche tumultueux a été d’une richesse incroyable. Dans le bazar général, la douleur mise à vif, j’ai trouvé une voie, une voix minuscule qui ne demandait qu’à être entendue. Parce que dans le long cheminement âpre qu’est ma petite vie insignifiante, je découvre depuis peu la simplicité, la liberté véritable, le lâcher prise ; se délitent les affres de la chimérique illusion du contrôle. Que de distance parcourue depuis l’annonce des premiers diagnostics ! La claque monumentale était –elle à la hauteur de mon obstination à regarder partout ailleurs sauf là où il était nécessaire de se pencher ?

    Bientôt, je reviendrai à ces mois de 2007. Le traitement faisait ses effets, je luttais pour récupérer l’usage de mes jambes, mes yeux restaient fermés à l’extérieur. En moi, la grande marche était entamée et les yeux intérieurs, eux, découvraient  avec une acuité vive, cruelle la dure réalité d’une existence passée à me fuir, à fuir des travers inconscients et malsains qui pourtant tenaient les rennes de mes choix. En fidélité, en faille narcissique.

    D’ici là, j’ai d’autres trucs moins intérieurs à partager, ouf !  


    2 commentaires
  • Débordée par ce flot d’émotions, je tentai péniblement de reprendre mon calme afin de ne pas alarmer mon ancienne voisine. D’un tempérament soucieux, elle prend sur elle les tourments des autres et je ne voulais pas la charger.  Je m’arrêtai devant chez eux, respirai un grand coup et me dirigeai vers leur entrée. Je sonnai, attendis qu’elle vint et alors qu’elle ouvrait la porte, je fus submergée par le flot ; en turc, je lui dis une expression équivalente à « Ne m’en veux pas » et les larmes coulèrent. Son visage blêmit, elle ouvrit les bras pour m’accueillir posant mille et une questions toute à ses inquiétudes. Son mari déboula à l’écoute de mes pleurs et nous allâmes nous asseoir dans la cuisine chauffée au bois. Je les rassurai immédiatement en évoquant d’abord l’incident des élections. Ils haussèrent les épaules ; en France depuis plus de 30 ans, sans la nationalité, ils ne votaient pas et si leurs enfants l’avaient, ils ne votaient pas non plus. Désabusés. Je relatai à demi mot la rencontre impromptue avec El. en prenant garde d’expliquer qu’elle n’avait rien fait de méchant, que j’avais été dépassée. Ils me dirent ce qu’ils avaient sur le cœur, leur incompréhension, leur colère, leur souci pour moi. Il y eut cette phrase magnifique du mari : « Dans un petit village, quand on sort, il y en a dix pour compter combien de pas on fait ». Elle me demanda de ne pas pleurer parce  que c’était trop dur à supporter ; je lui répondis que je vidai mon sac quelques minutes afin d’évacuer l’émotion. Elle me donna à manger pour reprendre des forces ; je n’avais pas faim mais j’acceptai en partage de nos peines respectives à panser. Après quelques minutes, je retrouvai le sourire, heureuse de leurs attentions, de leur présence, de leur accueil et je remerciai en mon interne la bonne étoile qui les avait placés sur mon chemin.  La barrière de la langue empêche les longues tirades, les mots complexes, tant en français pour eux qu’en turc pour moi. Nos relations n’en restent pas moins riches et fortes. Peut- être parce que nous communiquons par d’autres voies que celles du pur intellect... Le langage du cœur.

    Après plus d’une heure à siroter du thé en partage de nos pensées, tracas et joies, je me sentis réellement soulagée. Je suis chez eux accueillie chaleureusement, sincèrement, généreusement. Nombre de ceux qui les regardent de travers, ne les saluent pas, leur cherchent des noises, les critiquent et les jugent auraient bien des leçons à apprendre d’eux.

    L’heure tournait et Nadine m’attendait, je les quittai en les remerciant du fond du cœur, les priant de ne pas s’inquiéter ; je savais que les changements opérés étaient bénéfiques, salvateurs. Je me débarrasse des derniers oripeaux de passé, en substance.

    Je repris la route traversant champs et forêts tranquillement. Nadine pareillement m’accueillit alors que j’arrivai avec le sourire, toute excitée de lui raconter ma journée. Elle me proposa un thé auquel je préférai un jus de pomme chaud aux épices. Gros morceau de gâteau costaud et nous nous installâmes dans le salon au milieu des coussins et des couvertures. Le travail commença sous l’angle devenu systématique de la communication non violente. Je dis travail mais ce terme est inapproprié car ce n’est pas pénible de lâcher les émotions, les sentiments avec l’assurance que l’autre sait faire la part des choses, guide dans la compréhension de ce qui se joue chez soi. Au fil des formulations énoncées, des aides à l’identification des ressentis et des besoins qu’ils représentaient, les flux partagés nous transportèrent. Partage d’expériences vécues, présentes et passés, donner du sens en dehors de sentiers battus de la morale, de la bonne éducation des bonnes mœurs afin de laisser toute la place à notre humanité complexe. Oupf ! Nous déversions, nous tâtonnions et ensemble nous naviguions à vue. Les hommes, nos parcours, l’éducation, la culpabilité, les rencontres, les doutes,  les hésitations… J’aime penser à mon ami Boris en ces circonstances.

    Alors que Nadine évoquait ses coups de fatigue et ses envies de parfois bêtement faire comme tout le monde, je lui racontai comment, dans son dernier livre, il expliquait une particularité du cerveau. Quand nous nous conduisons en mouton de Panurge, que nous nous soumettons au ron- ron, aux habitudes et au mouvement général, il est en veille, se repose. Quand nous réfléchissons, nous révoltons, sortons du rang, agissons à l’encontre du mouvement général, le cerveau s’active, produit des hormones stimulantes., il se fatigue...  L’humain est majoritairement enclin à la  paresse.

    Si dans certains cas évoqués, je sus formuler la demande, la limite entre l’interlocuteur et moi, je voyais que dans la relation à SeN et sa famille, je n’étais pas au clair. Quelque chose manquait, un flou qui me dérangeait. L’origine finalement des tourments de ces années en sa compagnie. Restait un profond sentiment d’impuissance et de frustration en général. Nadine elle- même ne savait par où prendre le morceau de ce que je déversai en continu avec des exemples précis ; elle eut beau me demander ce que je voulais exactement, j’étais incapable de  lui répondre mis à part que je n’étais pas satisfaite de ces années et encore moins de l’évolution des derniers échanges avec eux aussi peu fréquents fussent-ils. Il y avait un petit truc que je ne pouvais lâcher parce que bêtement, je ne savais ce que je gardais serré en moi. Elle me souffla que peut- être, j’en avais assez fait, que ces huit années avaient suffi, que je pouvais désormais tourner les talons. Lâcher prise ne me posait aucun problème quand je ne voyais aucun d’eux ; ma difficulté venait du débordement des émotions et sentiments quand je rencontrais l’un ou l’autre. Là était le couac qui me perturbait.

    Ma vessie qui avait été étonnamment stoïque toute l’après- midi finit par se manifester fréquemment en fin de journée. Entre les verres de thé et le jus de pommes, je n’avais pas réfléchi aux quantités bues. Rien d’alarmant. La nuit tomba, je m’inquiétai de mon fiston resté à la maison ; à 21h, je décollai. Remerciements réciproques pour ce partage sincère et authentique, petits pas japonais dans la jungle de nos parcours réciproques, nous nous serrâmes fort dans les bras, heureuses, avant de se séparer.

    Dans le quart d’heure, mon garçon appela d’une petite voix, il s’inquiétait ; il fut rassuré d’entendre que j’étais sur le chemin du retour. A mon arrivée, il était content, posé, nullement dans ses angoisses du dimanche soir, souriant. Fier de me raconter que les devoirs étaient faits, qu’il avait mangé des sandwiches à la Scoubidou, il me fit une démonstration pour le dernier exemplaire avec Chorizo, ketchup, tapenade, beurre et pain grillé.

     La soirée se termina tranquillement. Je lâchais toutes les amarres ; divaguèrent impressions et pensées à leur guise. Une nuit, une journée, une autre nuit… combien ? Quelques jours tout au plus. Soudain, tournant dans la cuisine, l’éclair me vint : le nœud si laborieusement cherché était là, sous mes yeux évident et fulgurant. Dans la seconde, toutes les émotions débordantes disparurent et depuis, elles ne sont plus réapparues, pas même en présence d’un SeN furieux, critique, acerbe. Il était évident que la dernière étape me concernant dans cette aventure était entamée. Quand nous commençons à lâcher prise, plus rien ne s’arrête, tout coule et va de soi.

    Dès lors, j’entamai la rédaction des brouillons façon CNV pour El., pour SeN. Le grand nettoyage entamé avec la maladie et l’éventualité d’une mort rapide à ses premières heures me donnait le goût de cette propreté interne, cette netteté merveilleuse d’être en harmonie, en paix. Pour moi, pour ne plus être salie des travers malsains du passé, je leur offrirai une dernière entrevue authentique qu’ils seront en droit d’accepter ou non.

     

     

     


    2 commentaires
  • Le récit qui suit n’a pas pour but d’étaler des rancunes, en vengeance ; je l’écris en exemple de ce qui envenime la relation, de ce qui génère l’incompréhension malgré le flot des paroles. Je voudrais montrer en quoi la réflexion engendrée par la pratique de la communication non violente change radicalement l’approche de ce genre de situations malheureusement coutumières. 

     

    A la fin de l’échange avec le maire, je ne sais si j’étais énervée au sens de colère insensée, je crois plutôt que j’étais remuée émotionnellement, bousculée, contrariée, indignée mais je n’étais pas déstabilisée; ma force intérieure ne faiblit pas en de telles circonstances.

    De retour dans ma voiture, je réalisai qu’un autre m’avait collée à l’arrière et j’étais coincée dans un mouchoir de poche, j’essayai de manœuvrer en vain, c’était réellement serré. J’allai tenter une autre approche quand tout à coup, je vis la mère de SeN en haut des escaliers de l’école qui me fixait du regard, en invitation aux salutations. Agacée par les manœuvres, je décidai de donner la lettre pour JeP.

    -  Bonjour El., vous êtes seule ?

    -  Non, je suis avec JeP.

    -  Est- ce que je peux vous donner une lettre pour lui s’il vous plait ?

    Elle accepta d’un signe de tête, je la rejoignis vivement avec mon papier. Je l’embrassai de bon cœur (parce que je n’aime pas le faire par réflexe social).

    - Ce n’est rien de grave, rassurez- vous. C’est seulement un petit incident que j’ai envie de régler avec votre mari.

    Son visage, son corps étaient en demande d’échange, d’explication. Je répondis spontanément avec ce que je sentais au fond de moi, ce que j’avais mis au clair avec Nadine et je posai une limite, une demande claire :

    - Je ne peux pas vous parler maintenant, c’est trop douloureux.

    A nouveau, je m’enfuis en tournant les talons. Elle me suivit en s’exclamant :

    - Mais enfin, il serait de temps de régler ces choses- là définitivement. 

    A partir de cet instant, je fus LAMENTABLE, submergée par les émotions, les ressentis, tout ce qui ne se réglait pas depuis des années avec SeN. Elle n’avait pas entendu ma demande, prise elle- même par son besoin insatisfait de clarté et je vécus son approche en cet instant telle une intrusion. Je lâchai une phrase des plus malvenues puisqu’elle touchait au fils de cette femme très maternante. Elle embraya inévitablement, j’avais tendu la perche. Se succédèrent alors des réparties en véritable dialogue de sourdes ! Devant les assauts, je me mis à pleurer malgré moi sans savoir pourquoi… débordement d’émotions mal cernées certainement qui me submergea d’autant que mes manœuvres pour sortir de l’étau où se trouvait ma voiture étaient compliquées. Je ne cessai néanmoins de dire maladroitement ce que je ressentais, ce que je vivais ; elle n’entendait que des jugements contre son fils toute à son inquiétude et son besoin de clarté. Je ressentais sa tension, j’en étais désespérée mais j’étais incapable de sortir de la spirale pour être empathique, ni avec moi, ni avec elle. 

    J’avais beau m’enfermer dans la voiture, tenter à plusieurs reprises de filer et de rester centrée sur moi, j’étais coincée autant par les voitures devant et derrière, par ses attentes que par mes émotions envahissantes. Je fus particulièrement secouée par des phrases insupportables à mes oreilles depuis que je les connaissais quand il eut été préférable d’entendre son inquiétude et non les généralités habituellement formulées en ces circonstances.  J’ai véritablement manqué de finesse et de recul.

    - Il serait temps de tourner la page.

    - Je l’ai tournée, c’est votre fils qui n’est pas au clair avec tout ça.

    - Non ce n’est pas clair… Tu as été malade !

    - La psychanalyse a révélé que si j’ai été aussi mal c’était parce que je n’en  pouvais déjà plus de cette vie !

    - Tu ne peux pas accuser SeN, il n’est pas responsable de tout.

    - Je ne l’accuse pas, je connais ma responsabilité et j’y travaille. Qu’il s’occupe de lui !  Il est responsable d’être venu me chercher.

    - Il ne t’a pas obligée à venir, tu avais le choix.

    - Evidemment mais il ne peut pas être honnête avec moi quand il n’est pas honnête avec lui- même. Le père de fiston m’a fait du mal, j’ai mis 10 ans à m’en remettre ; ce que SeN m’a fait, je ne sais pas combien de temps il me faudra… et je ne vous parle même pas de fiston !

    - Tu ne peux pas dire ça, il était sincère dans ses sentiments avec toi

    - Je le sais, là n’est pas la question. Il a suffisamment critiqué…

    - Il n’a jamais dit de mal de toi.

    - Je sais et je sais aussi que j’en ai entendu des critiques. Et notamment de S.  (son ex) qu’elle n’était qu’une égoïste ! Et bien, il a été égoïste avec moi,  il a répété le même schéma qu’avec elle et cela n’a rien à voir ni avec moi, ni avec elle ! C’est quelque chose de plus ancien, d’inconscient qui n’a rien à voir avec nous.

    - Ce n’est pas réglé et peut- être que l’idéal est finalement de couper les ponts définitivement. Regarde: toutes les séparations sont douloureuses, c’est comme ça.

    - Je m’en FOUS de tout le monde, je vous parle de moi, là.

    - Regarde JC , il a longtemps vécu une histoire malheureuse, regarde comme ce fut difficile pour lui d’en sortir.

    - MAIS JE M’EN FOUS DE JC !!! (je n’ai pas abordé ce caractère clanique qui fait que les membres de leur clan sont les gentils et que tous ceux qui malmènent un membre du clan sont les méchants)

    - Je ne te comprends plus, je ne te comprends plus et pourtant, j’ai essayé de vous aider, j’ai essayé de comprendre.

    - CE N’ETAIT PAS A VOUS DE LE FAIRE !

    ENFIN, je pus trouver une voie avec ma voiture pour m’échapper, elle lâcha prise et me guida pour reculer ce qui ne m’empêcha pas d’effleurer le pare- choc ; dans un braquage de volant et une accélération marquée, je filai au plus vite pour rejoindre mon ancienne voisine, tentant de me calmer afin de ne pas l’inquiéter.

    Je revois ses mains trembler, j’entends encore sa voix entre fermeté, agacement et tremblements. J’étais tellement triste de la voir dans cet état, j’aurais tant voulu être présente à son inquiétude et son besoin de comprendre, j’en étais INCAPABLE !  Comment aurais- je pu avoir de l’empathie pour elle quand j’étais noyée sous le flot de mes émotions ? J’avais tant besoin d’empathie moi- même. J’ai balancé une multitude d’informations collectées sur des mois de réflexion, comment peut- elle seulement en entendre une alors qu’elle est elle- même dans son besoin d’être entendue, son besoin de comprendre ? 

    Franchement, c’est un exemple typique des tâtonnements maladroits que nous opérons tous au quotidien dans nos échanges. Chacun y va de ses sentiments, de ses besoins sans les avoir identifiés et nous sommes incapables de simplement nous entendre, incapables d’entrer en relation. L’art et la manière d’en arriver à la violence naturellement.


    4 commentaires

  • En arrivant dans le village, j’hésitais sur la succession de mes activités : déposer la lettre d’abord ou aller voter ? La cause initiale de mon arrivée ayant été les élections, je décidais donc de voter avant tout. Je me garai le long de l’école où elles ont lieu et me dirigeai d’un pas alerte vers le bureau de vote. Je saluai l’assemblée, tendis ma carte d’électeur, saisis une enveloppe et un bulletin de la liste choisie. La jeune fille nota mon nom et son voisin me demanda mon nom de jeune fille.

    «  Nom de jeune fille, c’est mon nom, je ne suis pas mariée et ne l’ai jamais été. Je reste une éternelle jeune fille.  » d’emblée. J’attendis, il me demanda l’orthographe, chercha, chercha… en vain. Je n’étais pas sur sa liste.

    - Vous êtes sûre que vous êtes inscrite ici ?

    - Evidemment! J’ai déménagé mais les délais d’inscription dans ma nouvelle commune m’ont échappé ; cela ne m’alerta pas puisque j’étais inscrite ici, je comptais venir voter encore cette année pour les régionales et faire l’inscription tranquillement là- bas.

    Un autre lascar se mêla en sortant une liste ancienne où j’étais … avec une grande croix dans la case à côté.  

    -      Oui, je vois, nous en avions discuté. Comme vous avez quitté la commune, vous avez été rayée.

    -      QUOI ??? –mon sang ne fit qu’un tour- ce n’est pas possible ! Je suis partie en septembre et je ne suis pas inscrite à A., comment vais- je faire ?

    -      Vous avez eu un courrier.

    -      Non ! Ni ici, ni à mon nouveau domicile !

    -      Mais si, vous avez eu un courrier… , faiblement.

    -      Parce que vous mettez en doute mon affirmation maintenant ? Croyez- vous que j’aurais fait 20 kilomètres pour voter si je me savais rayée des listes ?

    Silence alentour.

    -      J’ai été inscrite plus de 10 ans à D. en habitant ailleurs, je n’ai jamais été rayée et j’ai pu voter sans souci. C’est inadmissible ! Permettez- moi d’être en colère ! 

    Une gêne traversa l’assemblée, je ne cédai aucunement. Ils sortirent les téléphones et prévinrent le maire. «  Il arrive ».

    Je pris une chaise, « Permettez que je m’asseye ! », j’attendis regardant défiler les votants avec un gros coup de fatigue dans les yeux. Quelques têtes connues me saluèrent sans toutefois venir vers moi, de parfaits inconnus demandèrent des nouvelles de ma santé. «  Non mais de quoi je me mêle ! » ce que je gardais pour moi en répondant poliment suffisamment fermement pour ne pas être questionnée outre mes mesures.

    Le maire arriva, me serra la main et se lança dans des explications sur une commission qui rayait les personnes ayant quitté le village. Je vitupérai, répétant à l’envi le récit de mes votes antérieurs dans une autre commune    « C’est qu’ils n’ont pas fait leur travail alors » dit- il tranquillement. Je bouillonnai, j’exultai : «  Je n’ai JAMAIS entendu une histoire pareille, JAMAIS ! C’est scandaleux et je suis en colère ! »  Il demanda ma carte d’électeur et la regardant, il me dit qu’elle n’était plus valable, je lui signifiai en désignant les dates que j’avais voté avec exactement la même pour les présidentielles aux deux tours ; il ne répondit rien, forcément, aucun argument de son discours ne tenait la route.

    J’étais debout sur mes petits talons, droite, la voix de prof ferme et portant dans toute la pièce, personne ne bronchait, même pas le maire. Ce dernier essayait de calmer l’atmosphère :

    -      Ne vous énervez pas comme ça, souffla t-il doucement.

    -      Ah non monsieur, laissez- moi vivre ma colère ! J’ai le droit d’être en colère!

    Après avoir exposé mon indignation quant à ces méthodes cavalières, je sortis furieuse : « J’ai été spoliée de mon vote ! »… et j’affirme que dans cette région de droite tendance forte extrême droite, ma petite voix de gauche avait toute son importance à mes yeux !  Le maire me suivit tentant une accalmie, je le sentais mal à l’aise. Je ne cédai en rien sur mon indignation, cependant, mon cœur se pinça de le voir dépité et visiblement embarrassé. Je lui pris le bras : » N’y voyez rien de personnel, ni contre vous ni contre qui que ce soit ! Je suis fâchée de ne pouvoir voter, c’est mon droit. Si vous pouviez vous renseigner sur cette affaire, je vous en serai reconnaissante et je tiens à savoir ce qu’il s’est passé. » Il eut cette étincelle dans les yeux, celle qui s’allume quand je réussis à être claire, non violente ; il approuva en serrant ma main posée sur son bras.

    Une connaissance passa et me salua guillerette en se trompant de prénom, j’eus envie de lui clouer le bec, les mondanités de bon ton ne m’intéressent pas d’autant que cette personne n’est pas à ma convenance dans son schéma d’apparence hypocrite et superficiel. J’avais oublié son prénom sur le coup- c’est dire- et lui répondis seulement d’un salut fugace entre deux phrases au maire ; ce n’était vraiment pas le moment. Ce dernier profita de la coupure pour ajouter en souriant de bon cœur : 

    - En tout cas, je suis ravi de vous voir comme ça, vous êtes en pleine forme ! Je vous ai connue vraiment très mal.

    - Je ne suis pas en pleine forme physiquement mais je vous assure que j’ai fait un sacré ménage dans ma vie ! Et je pense que je suis en bien meilleure forme que d’autres qui sont en pleine possession de leur santé.

    Nous nous quittâmes sur ces paroles sans animosité.

     

    Le lendemain, je comptai me renseigner sur ces démarches et je téléphonai à la mairie de mon nouveau domicile. Inscription de septembre à décembre. Je racontai l’épisode, mon interlocutrice resta sans voix, surprise.  Elle m’expliqua qu’eux ne prenaient pas l’initiative de rayer qui que ce soit tant qu’une autre commune ne leur signifiait pas l’inscription chez eux. Et si elle évoqua cette commission, elle s’étonnait d’une telle rapidité, interloquée. J’en parlai autour de moi, plusieurs autres votaient comme je l’avais fait dans une commune où ils n’habitaient plus. Nul n’avait ouï pareille aventure.


    Je reste indignée, outrée. Ce sont à mes yeux des pratiques arbitraires, dangereuses. Dans une intuition, des soupçons ont traversé mon esprit; n’ayant aucune indication pour l’instant, je les ai évincés. Néanmoins, je ne démords pas de l’idée que certains, bons employés, obéissants et consciencieux, qui font ce qu’il faut quand il faut, comme il faut portent en eux  l’ignoble droiture identique à celle que d’autres employés modèles, obéissant sagement aux ordres de leur hiérarchies ont eu en conduisant des millions de personnes vers les camps d’extermination. 


    En écho, je songe à cette émission Le jeu de la mort passé sur France 2 il y a quelques jours. Rien d’étonnant pour qui a lu quelques traités de psychologie sociale sur la manipulation…. Et l’autobiographie d’une épouvantail de mon ami Boris.


    7 commentaires
  • Dans mon sac, j’avais cette petite lettre pour le père de SeN. J’aurais aimé en écrire une pour tous mais une des bases de la cnv est de rester précis et concret afin que l’interlocuteur puisse parfaitement comprendre la situation évoquée. Avec des généralités type, j’aimerais que tu m’écoutes plus ou depuis que je te connais, c’est foireux. Je n’avais donc que la lettre pour lui consécutivement à ma fuite du vendredi. Je ne la recopie pas ici parce que c’est personnel et je tiens à la garder entre lui et moi uniquement (même si j’espère toujours, dans mon optimisme chronique que l’énergie envoyée par elle fasse écho chez d’autres). Je m’en sers toutefois pour montrer concrètement comment procéder dans la non violence. Bien sûr, un grand merci à Nadine qui m’a accompagnée heureusement dans cette démarche.

    La cnv est simple de prime abord : dans une situation concrète et précise, observer les ressentis, identifier les besoins et faire (ou aider à) faire une demande. Quand c’est par rapport à soi, il s’agit d’être en empathie avec soi pour comprendre ce qui se joue pour soi dans cette situation ; quand il s’agit d’accompagner autrui, c’est une présence à l’autre sans dirigisme pour l’aider à préciser la situation, ses ressentis, ses besoins.

    Le piège récurrent est le jugement, nous ne mesurons absolument pas à quel point nous sommes conditionnés par le jugement porté en toute circonstances. Dans la cnv, il s’agit de baisser les armes, d’offrir le partage, de laisser la place et la responsabilité à chacun, de rester chez soi.

    Je peux vous garantir qu’au début, c’est très déstabilisant ! De nature empathique, j’étais dans une confusion interne,  court-circuitée par l’éducation et les comportements induits par l’environnement, principalement la non- écoute de soi, la non prise en considération des besoins humains par nos sociétés trop souvent culpabilisatrices. Reconnaître le jugement est ardu, laborieux ; reconnaître que les réactions sont dues à des besoins non satisfaits, relèvent du choix de celui qui les vit, ce n’est vraiment pas rien. Bon, je suis néophyte, j’avance laborieusement, c’est évident, je n’en reste pas moins persuadée que je suis dans le juste, le vrai. C’est la seule solution à mes yeux pour en finir avec le mal-être et les incompréhensions génératrices de violence. 

    J’entends souvent que la cnv n’est possible qu’avec des personnes ouvertes. Non. Les pros sont capables de démonter des haines ancestrales, ressassées. Un néophyte tel que moi sait simplement que si l’autre réagit violemment, c’est parce qu’un jugement m’a échappé ou que j’e n’ai pas été claire et précise ; ce sont les risques du tâtonnement. Néanmoins, venir vers l’autre dans une attitude complètement différente est déstabilisant, la danse prend un tout autre rythme. Si effectivement la relation ne se crée pas et que les murs subsistent, il s’agit d’accepter que l’autre a le droit de refuser d’entrer en relation authentique, souvent par peur, par besoin de temps, et surtout être empathique avec soi- même, accepter d’être mécontent ou triste de cet échec sans se juger.

    La théorie est faussement simple et évidente ; dans la pratique, c’est une autre paire de manches autrement plus complexe. Voilà pourquoi dans le fatras de mes émotions, j’ai demandé de l’aide à Nadine.

     

    Ainsi, sur le dessus de la lettre, j’invite à la lecture sans l’imposer avec une phrase type : j’aimerais partager quelque chose de personnel avec vous, l’accepteriez- vous ? Je laisse le choix et je l’accepte parce que cela ne relève plus de ma responsabilité. J’offre le cadeau, l’autre a le droit de le prendre ou non. Dans les conversations, c’est du même ordre : je ressens telle ou telle émotion et j’aimerais la partager avec toi, est- ce que tu es d’accord ?

    A l’intérieur de la lettre, je pars de la situation concrète de ce vendredi en précisant la date, le lieu et les circonstances, sans jugement, en simple observation. Puis j’embraye sur mes ressentis à ce moment (c’était un mélange de frustration, colère, tristesse). J’explique ensuite que j’aurais aimé lui en parler mais qu’à cet instant, c’était trop douloureux, que je n’en étais pas capable aussi, je me suis enfuie.

    Ma phrase «  Je me casse » prend tout son sens dans ce contexte ! Je ne suis guère coutumière de ce registre langagier, elle m’avait étonnée moi-même. Après avoir mis en mot mes ressentis, j’ai compris qu’elle est sortie parce que je me cassais à l’intérieur prise par la peur de ne pouvoir contenir les émotions que me tenaillaient et me brouillaient l’esprit. Et j’ai pris la fuite pour me protéger, pour LES protéger eux aussi !!! Au final, je demande simplement à ce qu’il ne m’en veuille pas.

    Il lui appartient de la lire ou non, d’y prêter attention ou non, cela relève de son choix. Quant à moi, j’évoquai à Nadine mes craintes qu’il ne la regarde pas suite aux événements. Elle sourit en précisant : «  Tu lui as montré ce que tu avais de vivant en toi, tu lui as fait un cadeau. Maintenant, c’est à lui de voir ; toi, tu as fait ce qui te semblait important, juste. » C’est beau non ? Tellement beau que je suis allée dans ce village ce dimanche matin heureuse, le cœur plus léger, en paix.

     

    Et pourtant…


    votre commentaire
  • Je fulmine, j’enrage, je bouillonne ! Je suis outrée, indignée ! Toute à ces émotions, je déborde, je vis les instants avec une intensité forte, bouleversante. Le volcan  crache sa lave en fusion dans un brouhaha indicible. Je m’interdis de chercher à les contenir,  je laisse vivre ces sentiments en moi sans culpabilité parce que j’ai le DROIT d’être fâchée ! Dans le chaos et les débordements, je tâche maladroitement de ne pas blesser autour de moi. Néanmoins entend qui veut. Ne me reste que l’empathie à mon égard, l’écoute de soi. Simplement se pencher en mon creux pour réaliser qu’en lâchant prise vis-à-vis de la moralité et du bien pensant communément accepté, j’avance à grande vitesse. Dans ces expériences, j’apprends à mettre de l’ordre tant en moi qu’autour de moi et le ménage est radical.

     

    Ce dernier dimanche a été incroyablement fort, j’ai vécu des situations hautes en couleurs alors qu’il ne laissait présager qu’une tournée tranquille : aller voter, déposer un mot dans une boite, rendre visite à mon ancienne voisine, rejoindre Nadine pour cheminer dans l’apprentissage de la communication non violente. Il en fut tout autrement. Etant débordée par les circonstances, je prends le temps d’écrire ce récit tranquillement quand le calme est effectif autour de moi. Petit à petit, la mesure sera donnée.

    En premier lieu, je dépose l’introduction du vendredi.

     

    J’étais dans l’ancien village pour y donner un cours de français à deux habitantes non véhiculées, entre Ukraine et Philippines. L’après- midi fut joyeuse, laborieuse et constructive, j’en sortis fatiguée. Hésitante, je passai à l’ancienne maison pour y regarder le jardin, récupérer une ou deux bricoles ; forcément, je tombai sur SeN. Echange froid et distant, l’amertume me tenaillait. Un agacement généralisé conjugué à ma fatigue physique me rendait nerveuse. Je récupérai les derniers courriers s’obstinant à arriver à cette adresse obsolète, j’essayai d’enlever mon nom opiniâtrement de la boite, SeN me tapait sur les nerfs noyé dans ses flous habituels, ironisant sur cette foutue étiquette qui ne se détachait pas. Mon cœur de méchante se pinça toutefois en voyant sa mauvaise mine blafarde, son apparence négligée ce que je lui fis remarquer en baissant mes gardes. La conversation vira dans des sous entendus qui me déplaisaient, je voulais partir quand il annonça l’arrivée de son père. Spontanément, je sortis un «  Je me casse » fulgurant en le voyant dans mon rétro et je démarrai en trombe… je prenais la fuite.

    Quelques heures plus tard, j’eus droit au téléphone à une remarque sur la personne que j’étais devenue, toujours pareille mais changée. Le ton de SeN me déplut absolument et à nouveau, l’échange termina violemment : je suis abominable, je ressasse les mêmes histoires, je suis incapable de m’exprimer autrement que par des reproches et de rancunes, … j’en passe. Mon sang ne fit qu’un tour et en place de la révolte habituelle, je finis la soirée en larmes.

    N’en pouvant plus, j’appelai Nadine.

    C’est avec elle et Yolande que je chemine en communication non violente, nos relations sont merveilleuses, authentiques, constructives, vivantes et vivifiantes. J’avais besoin d’aide. Appel au secours pour m’accompagner dans la mise en  ordre de mes pensées et ressentis, dans mon besoin de faire don de bienveillance envers SeN et sa famille sans me mettre en danger.

     Nous cheminâmes ensemble et je fus soulagée d’avoir écrit une lettre à déposer dans la boite à l’occasion de mon passage pour les élections régionales. Comme elle voulait me prêter un film avec Rosenberg (le théoricien de la cnv) portant sur le couple, je lui proposai de passer dans l’après- midi ce qui l’enchanta. Ouf, je me sentais légère, je sentais vibrer la joie en moi, celle du partage, celle d’être en paix, celle de sortir des jugements, des ressentiments, celle de la main tendue, celle de l’invitation à la bienveillance.

    Dimanche après le repas, je partis, enthousiaste. 


    votre commentaire
  • L’automne dernier, en plein déménagement, au milieu du bazar généralisé en permanence,  survinrent deux aventures programmées des mois auparavant dans l’ignorance du chambardement de rentrée : un stage dit de psycho généalogie et un autre dans une abbaye. Ces deux expériences faussement proches se révélèrent aux antipodes l’une de l’autre, peut- être à l’image des changements opérés en moi ces dernières années, reflet de la transition d’un état d’esprit à l’autre.

     

    Le premier s’était construit lentement, en pointillé, dans le doute. Des contacts avaient été pris plusieurs années auparavant sans aboutir et je ne savais vraiment pas ce que cette aventure pouvait apporter. Je m’étais laissée embarquée sans plus y penser avec toutefois l’espoir de trouver un écho fructueux à mes lectures d’Annette Ancelin Schützemberger, Aïe mes aïeux ! ou Serge Hefez, Quand la famille s’emmêle. Finalement, les circonstances le firent arriver l’un des rares jours où je pouvais avoir de la main d’œuvre pour déménager du mobilier. Tiraillée, je m’y rendis sans grande conviction, hésitante, mal à l’aise.

    Forcément, j’arrivai en retard, forcément ma vessie fut fort capricieuse et je restai très dubitative devant ce petit groupe et l’animatrice. D’abord, il y eut un tirage de cartes avec des anges (le mien était rouge, puissant, héhé) et un tour de table par ce biais… Mouai. Suivit un topo des plus classiques sur la psychologie et les répétitions familiales, les résonnances entre les vécus et les choix des prénoms... Rien de vraiment neuf me concernant, instructif pour d’autres de l’assemblée apparemment peu au fait de ces études. Je pris mon mal en patience notant quelques bricoles par ci par là.

    L’une des participantes, assise à ma gauche, réalisant que le stage prenait un tour qui ne lui convenait pas finit par s’exprimer maladroitement. Elle se retrouva subitement sous le feu des autres et les interrogatoires de l’animatrice dans un brouhaha désagréable et improductif. J’en eus froid dans le dos ; mes apprentissages en communication non violente éclairaient crument ces échanges malsains. Finalement, elle partit et je fus désolée de cet épisode misérable, abasourdie. Les autres n’étaient pas des mauvaises personnes, elles avaient simplement dansées avec elle dans la NON communication et la violence verbale, défendant leur présence, justifiant la réunion. En discutant avec elles plus tard, j’en appréciai plus d’une avec intérêt mais j’étais choquée de cette entrée en matière. La cerise sur le gâteau fut un lamentable repas des plus médiocres dans un petit resto du coin. Là, c’en était trop pour moi, je payais mon dû et filai pensant revenir le lendemain matin pour y trouver plus d’enseignement. Le malaise ne me quitta pas malgré la présence d’amis pour le déplacement de quelques meubles cette après- midi-là.

    Quand je me réveillai le lendemain, je ne me hâtai point pour respecter les horaires convenus et naturellement, le temps me rattrapa. Je n’y retournai pas avec un vague à l’âme désagréable tout au long de la journée. J’arrachai du papier peint, allai manger avec ma mère et ma sœur, me promenai dans la forêt, l’esprit constamment embrouillé et contrarié par cette histoire.  

     

     Quelques jours plus tard, je reçus un courriel signifiant mon engagement à venir à ce stage  et la réclamation du paiement de la somme convenue (100 euros, j’vousl’dis).

     Par quel sentiment passai- je ? C’est assez flou. Je tentai de comprendre mes contradictions sans trouver une réponse convenable. Je payai entre amertume, colère et frustration. Un sentiment d’avoir été grugée, trompée. Parce que oui, l’information sur le stage avait été des plus vagues et en place d’une étude raisonnée sur la généalogie et ses dates, je m’étais retrouvée avec des élucubrations spirituelles où se mêlaient astrologie, médiumnité, paroles avec les défunts et calculs venus d’où je ne sais.

     La leçon m’aura coûté cher et le fiel de ce bref épisode  reste un souvenir empoisonné. Je ne suis pas près de me pencher sur la numérologie en psychogénéalogie, c’est certain.

     

    Avec le recul, je garde quelques éclaircissements sur des choix de prénoms, principalement la certitude que les humains utilisent des voies innombrables pour garder le contrôle, pour se décharger de leurs responsabilités à chercher des explications hors de soi, en la portant sur d’autres, le tout pour soulager des angoisses mal définies. Errances et déviations dans la difficulté à regarder véritablement le fond de soi.

    Et surtout me revient en écho la phrase de la psychiatre s’exclamant devant certaines de mes expérimentations : «  Mais pourquoi vous lancez- vous là dedans alors que vous savez déjà ! ».  Foutue faille narcissique ! Dans le doute constant  de mes capacités, je me fourvoie dans des travers inutiles et stériles.

    Ce stage est le reflet de ces incertitudes, ce manque de confiance, cette dépréciation, la fuite. Désormais, il n’est plus question de laisser la responsabilité à autre chose/ personne que moi dans ce qu’il advient au fil du temps. Aucune carte, numéro, ligne ou astre ne décide à ma place. Dans ce que la vie envoie, je fais le choix d’agir, réagir ... ou non selon mes propres fonctionnements. Les fidélités familiales relèvent de ce que j’ai choisi, consciemment ou le plus souvent inconsciemment ce qui n’en reste pas moins MON choix.

    Heureusement, le weekend à l’abbaye est une toute autre image révélatrice des changements profonds de perception, d’angle de vue. Paradoxal parcours pour une mécréante agnostique.


    2 commentaires
  • C’est étrange, il y a quelques jours, je pensais à lui, il y avait plusieurs mois que je n’avais écouté ses chansons. Un pincement au cœur me prit et je décidai de retrouver le cd au milieu du bazar pour me plonger à nouveau dans cet univers beau et riche.

     Jean Tenenbaum de son vrai nom échappa à la déportation alors que son père, juif russe réfugié en France mourut à Auschwitz après avoir été arrêté par la Gestapo. Jean avait 11 ans et attendit longtemps son père.

      

    Sauvé par des militants communistes, il garda à l’égard de cette idéologie une reconnaissance infinie.

     

    Tout au long de sa vie, il se battit pour la dignité humaine, à contre courant souvent des modes.

     

    Adepte d’une vie simple et authentique, il a chanté la nature et les gens simples

     

    Les poèmes d’Aragon avec une émotion rare

     

     

    Partisan de la paix et de la non- violence (je retombe décidément toujours sur mes pieds),

     

    il dénonce la petitesse des frileux confortablement installés prônant de grândes idées avec un humour ravageur.

     




    Je partage avec lui cette France magnifique des droits de l’homme, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité porteuse d’idéal, d’intelligence et de beauté.

      

    Dans son histoire, j’entrevois un parcours tel que mon ami Boris peut en relater, celui d’une souffrance abominable transfigurée par l’art.

    Libre penseur, artiste engagé, il fut à mes yeux un être profondément humain, authentique dont les chansons et la voix chaude nourrissent mes espérances dans l'humanité, un être tel que  je les aime, simplement.

    Jean Ferrat n’est plus, c’est un grand homme qui disparait.  

    Au revoir monsieur et bon voyage.

     

     


    4 commentaires
  •  


    Pourquoi donc sont-elles si pénibles ? Il n’y a que dans la semaine, avec le travail, les déplacements et les rencontres que je me repose, c’est fou.

     Mon garçon va mieux, il se passionne pour l’escalade, prend son millepertuis, dort mieux, sourit plus et s’énerve moins, riant de lui- même et de ses colères… sauf quand il est à la maison et passe son temps à jouer aux jeux vidéos. La tension monte et je m’énerve de ne pas le voir venir manger, de ne pas s’habiller, de ne pas parler d’autre sujet que ces jeux, de se détacher complètement de son activité scolaire… Grrrrr. Dur dur de l’en décoller. Bien qu’essayant de garder le cap façon CNV et de poser les limites, je finis par lâcher en vivant ou ma colère ou en  méditant ou en pratiquant le Qi Gong.

    Chaque rencontre avec SeN finit en eau de boudin. Je me fâche, je m’insurge ou je reste abasourdie. C’est comme si les douze années de camaraderie et d’amitié, les huit ans de collaboration plus proches n’avaient jamais existé, n’étaient qu’un épais brouillard glauque et grouillant d’enjeux inconscients malsains et inextricables. Et je ne décolère pas, et je me tourmente, et je m’interroge, incrédule sans trouver de solution. Je m’attèle à avoir de l’empathie pour moi- même, je mesure le chemin parcouru et tourne la tête vers d’autres relations plus authentiques, sereines, dynamiques, constructives. Quelle gageure que de se défaire de ses boulets du passé quand tout l’être est pleinement dans un présent entièrement renouvelé !

    Inévitablement, la vessie lâche quand l’ambiance se fait délétère et je me penche benoitement sur ces aléas physiques en écho aux aléas de la relation aux autres.  Je ne dis pas qu’ils sont responsables de mes tourments, entendons- le ! Ces baromètres corporels relèvent de ma responsabilité personnelle.

     Jérôme de Sèze avait répondu à une de ces questions qui me taraudent :

    - Pourquoi, quand je suis énervée ou contrariée, mon corps s’exprime t-il entre ces douleurs neurologiques, ces malaises ou ces lâchages de vessie ?

    - C’est que les voies nerveuses utilisées par les fonctions physiques et les réactions psychologiques sont infiniment proches. Dans ce type de maladie, corps et psychisme sont intimement liés.

    Formidable ce baromètre ?

    Colette, médecin généraliste homéopathe sans qui je me demande réellement comment je supporterais les traitements et leurs effets secondaires a évoqué cette semaine le langage courant devant mes difficultés récurrentes tant de suées nocturnes que de vessie: « Pour ne pas le dire plus crûment, c’est votre façon d’exprimer vos sentiments : Qu’est- ce que vous me faites suer !!! »… Suer, péter, uriner… C’est tout du lâchage de toxines, le corps  évacue en résonnance avec mon psychisme en mutation.

     J’essaie de comprendre sans harceler par le mental ; je me penche tendrement sur mon interne et laisse passer les sentiments, ressentis, pensées et émotions. C’est une tâche de longue haleine, perpétuelle.

     Les signes de changements sont évidents par les événements qui surviennent quotidiennement et dont le flot dépasse mes capacités à les raconter ici par manque de temps, je me sens également sereine, en paix, heureuse au creux de moi. Néanmoins, je coince, accroche sur des relations. Si avec ma mère, les résultats sont probants, avec fiston, la course est marathonienne, avec SeN, je me sens affreusement démunie après avoir tenté tout ce qui était en ma possession, seule devant son mutisme, sa colère, ses indécisions, ses peurs.

    J’ai fait le gros ménage en moi, mon entourage est encore habitué aux fonctionnements anciens, ils sont certainement démunis devant ces nouvelles donnes - c’est si confortable de continuer ses petites habitudes ronronnant depuis des années.  Comment pourrais- je leur en vouloir ? Les cartes ont été transformées, je me suis transformée. Tout est à remanier, chacun a le choix d’accepter ou non la nouvelle danse. Il est des naissances douloureuses, initiatiques, tous n’en veulent pas et c’est leur droit. Quant à moi, il s’agit de me nettoyer de ces oripeaux du passé en douceur, sans me violenter, sans les violenter… Et que c’est laborieux !! Parce que je suis humaine, avec des colères, des débordements émotionnels, des mots sortant de travers et blessants, une personnalité complexe et ambivalente, des contradictions, une imperfection généralisée !

     

    « Tu es une grande guerrière… mais n’oublie pas tes propres préoccupations !» m’a dit un être venu des tréfonds du monde en des circonstances dont je parlerai en son temps ; j’ai souri, tout était dit.

    Maladie auto immune, auto- destructrice, enfermement programmé, perte de la perception sensitive de l’environnement extérieur, le corps me ramena à l’essentiel. Par une chance inouïe, j’ai échappé à une mort abominable, mes yeux intérieurs se sont ouverts, j’ai pris la mesure de ma valeur, de la violence que je m’infligeais en m’oubliant, en me sacrifiant pour les autres au sens rituel.

    Maladie d’initiation, de transfiguration… parce que c’est le sens que je lui ai choisi. Je panse mes blessures profondes, je couvre de baumes mes travers, erreurs du passé, je pose un regard éclairé sur mon existence, j’ai retrouvé le goût de la vie en frôlant la mort. C’est ma voie et non celle des autres ; ils ont leur propre cheminement, leurs propres choix, leur propre responsabilité.

    Le cheminement vers la libération est long, chaotique, jamais acquis ; ces aléas relationnels sont des relans d’un passé malsain dont les puanteurs me suivent au gré des tempêtes, des reflux d’égouts, coriaces, résistances aux grandes eaux purificatrices que je déverse en nettoyant mon interne par la méditation, l’ouverture à mon inconscient, l’acceptation de mon être passé et présent dans sa complexité. A chacune de ces difficultés, mon corps me ramène à la seule véritable priorité.

     Lâcher, lâcher ! Il n’y a guère d’autre alternative. Accepter que mon parcours n’est pas celui d’autrui. Accepter de les laisser assumer leur propre responsabilité. Accepter que je ne suis pas là pour les sauver. Accepter notre humanité complexe, variable à l’infini et si imparfaite. Accepter que nous n’en avons JAMAIS terminé avec nous- même. Perpétuelle mutation dont nous avons les rennes en main, conscientes ou non ; terrible labeur interminable que nous entamons… ou non.

     



    4 commentaires

  • Toujours dans l’article du 2 mars, j’évoquai ces limites posées à mon travail réalisant avec quel bonheur la culpabilité m’avait quittée au fil des années dans la maladie. Avant elle, je ressentais intuitivement que je me minais à prendre en charge d’autres qui se lovaient facilement dans la brèche que j’ouvrais, je ne pouvais cependant envisager sortir de ces travers inconscients ne sachant pas ce que moi- même remettais sur le tapis continuellement. Le ménage est largement entamé et les fruits viennent tranquillement tout seuls dans mon petit panier cabossé et tordu, incroyablement solide et souple. Pour preuve, le retour de ce monsieur à qui j’ai fermement signifié sa responsabilité dans son ré- apprentissage.

     

    En grande difficulté face à la lecture et à l’écriture hors recopiage, il semblait désinvolte, riant et décrochant facilement de son travail dès son entrée en formation. Puis, il a disparu plusieurs semaines. Il est revenu la semaine dernière pour se faire remonter les bretelles fermement et courtoisement par ma petite personne au doux sourire et aux yeux perçants parce qu’il avait tout oublié des premiers cours, reconnaissant ouvertement qu’il n’avait rien regardé autour de lui lors de ces semaines d’absence. C’est que je commençais à le soupçonner de prendre ces cours ( pour lesquels il est payé) sur son temps de travail comme moyen d’être au chaud, assis pendant une heure et demie et il était hors de question que je perdisse mon temps pour quelqu’un qui ne voulait pas se donner de la peine. Je pensais qu’il se vexerait de ma mise au point et ne viendrait plus. Ne m’avait-il pas dit qu’il ne s’occupait de rien ? Qu’il se débrouillait toujours avec sa femme ?  L’air je m’en fiche. 

    Je le retrouvai lundi après- midi. Ne voulant préjuger de quoique ce fut, je distribuai leurs tâches à chacun et fis mon tour d’accompagnement/ contrôle avant de revenir vers lui. Il avait recopié sans broncher ce que je lui avais donné et tenté de répondre aux questions posées. Nous corrigeâmes ensemble ce qu’il avait terminé et je l’aidai à terminer ce qui lui posait souci. Pareillement, je le fis lire… et là, incroyable ! Je rencontrai un monsieur posé, nettement plus concentré et appliqué. Il m’enchanta de son effort à lire et de la conscience avec laquelle il exécuta ses tâches. Je l’encourageai, le félicitai. Il continua de garder son air désinvolte mais par son travail, la différence était évidente.

     

    Peut être avait- il besoin d’être repositionné, de s’entendre dire qu’il faisait cette formation pour lui afin de ne plus être dépendant d’autrui ? Je le lui ai dit explicitement : « Ne pas savoir lire, c’est être esclave ! », citation empruntée à Leny Escudero militant dans la lutte contre l’illettrisme en mémoire de ses parents immigrés espagnols analphabètes.

    Je suis ravie de notre collaboration de ce jour. Il nous sera possible de dépasser son illettrisme… si LUI le décide et en aucune manière je n’ai à prendre cette responsabilité sur mes frêles épaules.

    Il est plus que temps de sortir du jugement et de cette foutue morale qui empoisonnent nos existences, entre culpabilité et fatalisme.

     

    Poser limites et responsabilité respectives

    lâcher prise

    maîtres –mots, leitmotivs

    Recette aux résultats flagrants


    Discographie de Leny Escudéro ici pour ceux qui ne connaissent pas.


    1 commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires