• A la fin de l’été, j’avais continué mes curiosités alimentaires et alors que je voulais en faire une chronique, le déménagement a précipité les événements ; la priorité n’était pas à ces écritures.

    Néanmoins, il y eut quelques belles expériences qui m’emballèrent joyeusement. En voici un petit tour rapide avant d’évoquer avec plus de consistance le premier mois passé dans notre nouvel appartement-squat-chantier.

    Mes bidouillages alimentaires connurent leurs tamagouilles et arrangements habituels bien qu’ils n’en soient jamais. J’ai particulièrement profité des oignons rouges sortis du jardin en les parsemant un peu partout.

    J’ai préparé des légumes d’été en ratatouille, couscous et autres couleurs variées, le colombo et les crevettes thaï habituelles pour le bonheur de tous, des plats de légumineuses en remplacement de protéines animales.

    crevettes thaï ratatouille


    Il y eut également des brochettes rigolotes trouvées au supermarché avec un chou chinois sauté à la poêle, une belle tarte à la tomate quand les placards sont presque vides et j’ai improvisé des poêlés express avec les fonds de placards quand nos estomacs se rappelaient à nous.

    brochettes rigolottes et chou chinois (tarte à la tomate

    poelée express


    Je dois avouer qu’avec l’intuition de partir rapidement de cette foutue maison, je vivais autrement le rapport à l’espace, au temps ; le ménage passait à la trappe, je privilégiai l’emballage dans les cartons et le rangement par le vide, je faisais à manger quand nous avions faim et je me détachais de l’avis d’autres et de leurs jugements récurrents. La quête de reconnaissance, d’amour que je cherchais avant par la nourriture avait fait place à ce qui pouvait me faire plaisir. Tant pis pour ceux à qui ça ne plaisait pas.

    Quand ils étaient heureux de ce qu’ils trouvaient sur la table, quand ils étaient mécontents, je m’en fichais pas mal : si vous n’êtes pas contents vous n’avez qu’à le faire vous-mêmes… et basta !

    Si je fais à manger, c’est pour le plaisir de goûter, savourer, partager, donner mon attention et mon affection, sûrement pas pour essuyer les insatisfactions d’autrui ! Une étape importante de mon cheminement prenait un tour concret.

     

    Parmi mes merveilles et fiertés (souvent mangée seule parce que certains ne mangent que ce qu’ils connaissent), il y eut ces croque- monsieur à la figue et au chèvre, délicieux et délicats, savoureux et surprenants : croque monsieur  figue chèvre

    Ma première soupe de cresson maison (et pas en sachet) :soupe au cresson

    Un lapin au chou rave, thym et citron :

    chou rave et lapin thymcitron


    Des galettes à la farine de pois chiche servies avec du concombre au yaourt et une soupe libanaise aux pois chiches et épinards parfumée au cumin :PICT1392 galette pois chiche et concombre

    Un repas turc avec un fameux börek, un autre chinois où j’ai préparé un bouillon basique que chacun assaisonna selon ses préférences avec ce qu’il y avait sur la table :

    börek restes en repas turc


    Des légumes farcis au millet :

    farcis au millet

    Des poissons, sardines express cuites au four, du saumon à la sauce à la crème citronnée (je consomme très rarement de la crème fraîche et quand j’achète un pot, c’est pour le réserver à une particularité cf. la dernière expérience de cet article)

    filet de saumon à la crème citronnée sardines express

    osso buccoJ’ai également cuisiné un osso bucco à la tomate ; ma mère le brûlait systématiquement et je suis toujours déçue de ne pas retrouver ce petit goût de brulé quand j’en cuisine un moi- même, sans le laisser attacher.

     

     


    Aubergines farcies au quinoa et la kasha, sarrasin concassé habituel dans les pays de l’est, rapide à cuire :

    aubergines farcies quinoa kasha

     

    Et là, une première que je tiens à souligner particulièrement : MON PREMIER BORTCH !!!

    J’en ai souvent mangé avec ma chère Marina, jeune femme russe connue par les cours de français que je donne et avec qui nous partageons une amitié riche et forte, pleine de tendresse et d’attention. J’ai souvent demandé comment faire et finalement, après l’emprunt d’un livre de cuisine russe à la Médiathèque, je me suis lancée toute seule. La casserole était énorme et forcément, j’ai tout mangé seule parce que les gaillards n’en voulaient pas. Slurp ! Avec de la crème fraîche, je replongeai dans ces affections pour mes amies russes, mon amour pour ces pays de l’est, amour incompréhensible et portant réel.

     qu'est-ce donc c'est ça 1er bortch

     

     

     

     

    A partir de septembre, fiston et moi allions passer par d’autres aventures non moins surprenantes, l’approche de la nourriture prendre une tout autre voie. Ce sera pour plus tard. 

     

    En boutade, voici une photo de la cuisson des pommes de terre façon fée... un art de vivre que de tout faire de travers eclat-de-rire.gif


    PICT1286


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  •  L’abondance des colis des Restos du cœur m’étonne à chaque passage ; mon fiston s’est exclamé hier matin qu’avec ce qu’ils donnaient, nous avions de quoi tenir un mois. Il voit large, c’est clair, cependant, je me retrouve dans ce paradoxe de faire des réserves avec les conserves et surgelés qu’ils me donnent ; c’est que nous vivons très simplement garçon et moi ! Et déjà, je sens poindre chez moi l’envie de donner, en ramenant des petites confections alimentaires maison, en revenant donner un coup de pouce quand ma situation se sera débloquée.

     A la braderie de la Croix- Rouge, j’ai acheté des vêtements de seconde main, des pantalons pour mon garçons (dont un Levis neuf) et des pulls pour moi à 2 euros, un manteau en laine et cachemire à 3 euros, une veste en mouton retourné à 8 euros. Si personne ne les avait donnés, je n’aurais pu les trouver. Cette idée me facilite le don de vêtements trop petits ou délaissés que je gardais pour d’autres souvent indifférents ou pour les recycler dans mes travaux de couture. Je réalise désormais le détachement qui s’opère par rapport à certains objets que j’ai longtemps trimbalé à chaque déménagement.

     Sœur Thérèse a pris grand soin de moi en ces heures terribles de la dégringolade physique. Religieuse, engagée dans la foi, elle vit son travail dans l’amour de Dieu et des autres.  Pourtant, dans le don absolu de sa vie avec les renoncements inhérents à ce choix, elle a tenu en me voyant pour la dernière fois à me faire de petits cadeaux : un chapelet en plastique bleu et une petite représentation de la Vierge venus d’Inde, son pays d’origine. «  Vous direz bien un je vous salue pour moi » ; ah, sœur Thérèse, j’en dis un chaque fois que je les vois, moi qui suis une parfaite agnostique ! C’était sa façon de me remercier. Dans nos échanges, nos partages ô combien douloureux, elle a reçu de moi une attention qui l’avait réconfortée ; dans mon grand dénuement, j’ai donné, elle a reçu.

     

    Longtemps, je n’ai que donné, oubliant de demander, de recevoir, je me suis vidée, je me suis mise en danger.  La maladie m’a acculée à y penser ; grâce notamment à Élodie, j’avance, le chemin n’en reste pas moins long.

     Parce que donner c’est aussi recevoir. A nouveau, je le réalise. Don n’est pas abnégation, oubli de soi.

    Le don n’est pas monnayable, il ne se calcule pas, il n’a pas à devenir exclusif et univoque ; donner s’accompagne de recevoir, le don authentique se partage et l’équilibre se fait naturellement. Il était plus que nécessaire d’ouvrir les yeux, de sortir de ces pulsions mortifères d’abnégation parce que le don est vie.

     

    Joyeux Noël à tous. entre-2--1-paquet.gif

     

     


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  • Samedi soir, profitant s’une accalmie de neige, je suis allée au supermarché local pour y chercher quelques bricoles manquantes dans les placards. Sortant de la voiture, un jeune homme m’interpela des journaux « Sans abri » sous le  bras. Je ne compris pas ce qu’il disait notant un petit accent étranger (je suis dans le métier des langues, déformation professionnelle). N’ayant que quelques centimes dans le porte- monnaie, je les lui donnai en ajoutant que ce n’était véritablement qu’une solution d’urgence. Fut- ce parce que je me souciai de lui qu’il me raconta son parcours dans un français correct ?

    J’appris ainsi qu’il était moldave, citoyen européen, 23 ans, marié, un enfant de 13 mois. Volontaire, il avait quitté son pays qui ne lui offrait aucune possibilité d’emploi, de vie décente pour la France « parce qu’on peut y travailler et que c’est une terre de liberté » (Welcome). Avec sa famille, ils n’avaient droit à aucune aide sociale n’ayant qu’un titre de séjour touristique de trois mois qu’ils renouvelaient en rentrant régulièrement au pays. Il travaillait sporadiquement au noir, dans le bâtiment, les jardins, de ces travaux physiques durs ; sans même une promesse d’embauche légale, il n’avait accès à aucun droit.  Il était acculé ce mois- ci pour le paiement du loyer, le propriétaire réclamant son dû quotidiennement. Samedi, il lui manquait 40 euros.

    Je n’ai pas le goût d’entrer dans des considérations politiques ou sociales sur ce sujet, je lâche seulement en passant que je m’attriste de voir une Europe du fric se construire si rapidement quand l’Europe sociale peine si lamentablement. Je ne souhaite parler que de cet échange. Quelques minutes dans nos vies. Minutes de rien.

     Je sentais son désarroi, la peur d’être à la rue avec sa femme et son fils. L’urgence. Il grelottait de froid et je n’ai pas les moyens de l’aider. Il n’insistait pas, expliquait seulement et comme je l’écoutais, il tentait de dénouer son corps  tendu par le froid et les soucis. Finalement, il entra avec moi dans le supermarché, j’avais accepté de lui acheter un petit poulet pour le repas du soir. Il prit un premier prix très abordable et refusa le paquet de pâtes et la boite de champignons que je voulais ajouter, il préférait une bouteille de shampoing justifiant son choix « le moins cher ». Je lui pris le tout « Au moins, vous pourrez manger correctement ce soir avec votre famille ». Je lus sur son visage de la considération à mon égard.

    Si j’étais heureuse de l’aider, je sentais des peurs troubles  en moi non que je me méfiais de lui- il était très correct, courtois-  plutôt un sentiment diffus de confusion au point que je me perdis dans les rayons, je ne trouvai rien, je cherchai ma carte bancaire à la caisse cinq bonnes minutes. Quelque chose me perturbait. A la sortie, nous échangeâmes quelques mots et convînmes d’un rendez- vous lundi matin, je voulais lui donner des adresses pour obtenir de l’aide à l’emploi alors qu’il restait obnubilé par l’urgence du paiement du loyer. Il repartit avec son petit sachet reconnaissant, « J’ai vu votre cœur ».

     Rentrée chez moi, je restai avec ce mal- être ne trouvant décidément aucune formulation claire. Je dormis mal, tiraillée entre mon envie d’aider et cette peur floue. Emmaüs me traversa l’esprit et au réveil, je cherchai l’adresse de la communauté la plus proche ainsi que celle des restos du cœur de son secteur. Je restai avec ces questionnements jusqu’au lundi et ce fut avec 50 minutes de retard que je retournai devant le supermarché ; évidemment, je ne le retrouvai pas. Je m’occupai de mes affaires personnelles l’esprit embrouillé quand enfin je pus formuler ma peur : je n’ai pas peur de lui, j’ai peur de MOI.

    Peur de ne pouvoir contenir mon désir d’aider, de donner par delà mes limites, peur d’être victime de mon abnégation.

    Je ne sais si je le recroiserai  un jour, son visage, sa voix, les mouvements de son corps restent dans ma mémoire ; je suis heureuse d’avoir donné quand d’autres plus aisés lui ont tourné le dos. Je suis  heureuse également de ne pas l’avoir retrouvé, aurais-je pu stopper mes élans de cœur ? N’était- ce pas un acte manqué de toute façon ?

     

     

     


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  • http://www.calins-gratuits.com/index.php


    Chaque fois que je regarde ces vidéos, je suis émue, à en pleurer de joie!!!





      Chalom! 
    Alekoum salam!  

     

     



     

     

     

      Le monde est ce que nous en faisons.





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  • Devant la situation matérielle des derniers mois et le décompte des obligations de paiement courantes, ils étaient passés à mon esprit comme un songe, un souffle. « Eventuellement » Parce que c’est une évidence, je frôle le seuil de pauvreté avec mon salaire et ma pension d’invalidité, un comble pour qui s’est battu à continuer de travailler. Les deux tiers de mes petits revenus partent uniquement dans le paiement du loyer, des charges et des factures courantes type assurance. Lors du bilan effectué avec l’assistant social, j’avais été choquée par cette conclusion : « Il vous reste 200 euros pour manger ». Pour manger ? Et l’entretien du corps, de la maison, les vêtements, l’essence de la voiture, la culture? Il n’y a pas que l’alimentaire dans la nourriture bon sang ! Ce n’est pas lui que je vise parce qu’il a remué ciel et terre pour m’obtenir des aides au déménagement et à l’installation, ce sont ces représentations aberrantes de la condition humaine dans cette société prétendue moderne. Travailleur pauvre, intello précaire, famille monoparentale, absence de proches suffisamment aisés pour combler les fissures des accidents de la vie… et c’est parti pour les solutions de survie sociale.

    Les dossiers coincent à la CAF, je suis bloquée dans l’extension des heures de travail par les décisions de la médecine du travail et mon état physique, sans même parler des tractations financières récurrentes au statut d’enseignant de la formation pour adultes, contractuel de l’Education nationale mal payé, mal considéré, une espèce de bâtard du monde du travail.

    Les structures administratives me protègent d’un côté et m’enferment de l’autre ; je ne me laisse pas faire, je cherche, je demande et depuis des années, nous bataillons tous pour que, malgré la maladie, ma vie soit digne. Seulement voilà, cet hiver, nous avons à peine de quoi nous nourrir. Si je ne m’inquiète pas et vis tranquillement, simplement, sobrement, heureusement, ce n’est pas le cas de mon garçon qui ne cesse de lancer des sos depuis sa rentrée dans le nouveau collège. Il accumule les comportements répréhensibles et souffre tellement qu’il finit grâce à la cnv par me parler de ces peurs atroces qui le tenaillent et la seule solution qu’il entrevoit, le suicide. Merde alors ! A bientôt 13 ans !! Par chance, sa mère est une tête de mule et j’ai fait le tour des profs, cpe, principal adjoint, association (merci Valérie pour le rappel de Sépia !!!). Prise en charge totale pour ne pas le laisser sombrer! Je suis soulagée de partager cette tâche avec des interlocuteurs efficaces dans des sphères qui ne relèvent pas de mes compétences, ouf.

    Avec la même opiniâtreté, en attendant que les dossiers se débloquent et/ ou que ma situation professionnelle soit plus « confortable » financièrement, je me suis inscrite aux Restos du cœur. Ça passe tout juste bien que j’ai à courir après X justificatifs que tel ou tel organisme ne me donne pas parce que le dossier est en cours (depuis septembre…). Il est heureux que mon garçon mange à la cantine pour laquelle j’ai pu obtenir un coup de pouce du fond social du collège ; si je peux me contenter de repas très sobres genre pommes de terre et haricots secs, riz et lentilles toute la semaine, ce serait quelque peu rébarbatif pour lui si méfiant de mes tamagouilles.  Toujours est- il que le premier colis d’aujourd’hui fera son bonheur ! Entre des flans nappés caramel, du fromage type camembert ou à tartiner, des céréales de petit déjeuner, du poisson pané, des biscuits sablés, des raviolis en boite, de la soupe en sachet, des frites congelées, des compotes de pommes et du riz au lait tout prêts, il trouvera plus d’un produit que je ne suis guère accoutumée d‘acheter. A son âge vorace, il en profitera.  J’ai tout exposé sur la table de la cuisine pour lui, à son retour et je suis contente qu’il se réjouisse de ces gadgets alimentaires comme j’aime à les appeler.

    Par contre, j’ai été secouée ce matin. Ma voiture étant en réparation pour trois jours, j’avais demandé à ma mère de m’emmener aux Restos du cœur ; marcher à l’aller est faisable, je ne me sentais pas capable de faire le retour. Paniquée par la neige, elle est venue tôt, fait inhabituel chez elle. Je la sentais inquiète et nerveuse, j’ai mis ça sur le compte de la neige et j’ai tâché de la rassurer façon CNV (et oui, c’est automatique). Elle parlait fort, criait parfois, s’énervant pour trouver une place. Je sortis la première, elle me rejoignit quelques minutes plus tard alors que j’expliquai ne pas avoir le papier demandé la semaine passée en raison des lenteurs administratives de la CAF. Je vis son visage livide et je me penchai vers elle (je suis notoirement plus grande qu’elle) :

    -      J’ai mal au ventre crus- je entendre

    -      Qu’est- ce qu’il y a ? Tu ne te sens pas bien ? Tu veux t’asseoir ? Boire quelque chose ?

    Et là, des larmes coulèrent de ses yeux. Quel crève- cœur ! Ma pauvre Maman !

    Elle vit très mal de me savoir là, elle ne comprend pas pourquoi nos parcours de vie sont jalonnés de tant d’épreuves. Je lui expliquai que je ne le vivais pas mal parce que je suis quelqu’un qui donne beaucoup et qu’il est naturel que je reçoive aussi, que ce n’est qu’une solution temporaire en attendant le déblocage des freins bureaucratiques et circonstanciels… Rapidement, elle tourna sa profonde tristesse en colère, en révolte sourde et amère  avec les relans de revendications communistes, une tradition familiale, hihi.

     Que pouvais- je faire d’autre que de l’écouter ? Que de l’accompagner dans la verbalisation de ses sentiments ? J’ai tâché de lui demander de ne pas s’inquiéter outre mesure pour nous ; je suis bien, je m’occupe de mon fiston et j’ai l’intime conviction que nous nous en sortirons. Une simple question de temps. Elle eut un léger soulagement quand j’achetai une salade pour le cochon d’Inde (celle-là, elle est difficile et il n’est guère aisé de la nourrir actuellement avec les denrées hivernales de soudure). Je n’ai pas pris le petit billet qu’elle me tendit  au retour à la maison parce que je sais qu’elle- même est confrontée à des difficultés financières : «  Maman, je n’ai pas besoin d’argent ; les restos du cœur c’est pour avoir un petit plus afin d’améliorer l’ordinaire » Une touche de fantaisie.

    Elle est repartie précipitamment, dans sa colère, son incompréhension, sa révolte, ses sentiments à elle. J’étais triste de la voir se miner de la sorte parce que je sais qu’elle se culpabilise énormément de ne pas avoir pu nous offrir une enfance dorée, paisible confrontées que nous étions au deuil, à l’isolement, aux difficultés économiques. Je lui dis ce que je ressens et ce que je vis de mon propre chef fût-il inconscient, c’est à elle de faire son cheminement dans ses propres ressentis. Je l’écoute et l’accompagne, je refuse toutefois de me culpabiliser, de rentrer dans la spirale infernale de l’amertume, la rancœur, la culpabilité. Sur ces voies de l’autodestruction, j’en ai suffisamment supporté, je vogue sur d’autres courants.

     

    Quant aux Restos du cœur, j‘irai tant que l’ordinaire est trop chiche. J’étais heureuse d’y recevoir des gadgets pour mon fiston, je me suis même exclamée «  Tout ça ! » en découvrant ma barquette. J’ai rendu certains produits parce que j’en ai suffisamment dans mes placards ou parce que je sais que nous ne les mangerons pas, un autre peut en  avoir réellement besoin. J’avoue en avoir pris certains pour les donner à d’autres qui n’ont guère besoin d’assistance mais je sais qu’ils aiment cette chose. Je reçois parce que je donne, et ce que je reçois, je ne le savoure que par le partage que j’en fais. Et dire que je suis une agnostique pure et dure, une mécréante parfaite…

    Le tutoiement m’a surprise, voir gênée, je me suis sentie en décalage avec ceux qui étaient là sans toutefois poser des hiérarchies. Il n’est pas facile d’avoir une éducation type cadre supérieur et vivre dans un milieu socialement défavorisé, problématique quotidienne également dans le logement social où je me promène depuis des années. En retournant aux Restos du cœur chaque semaine, je croiserai des vies autres, des parcours divers et multiples, ce n’est pas en mettant des barrières dans mes représentations que je rencontrerai authentiquement qui que ce soit et avec mon bagage, qui sait ?, j’aurai quelque chose à apporter à celui qui en voudra.

    En Europe, les plus heureux sont les Danois, simplement parce que dans leur organisation générale, nul n’est laissé pour compte, ni déprécié dans son statut d’aidé. La France avec ses grands idéaux républicains mérite mieux que la vanité de nantis complaisants ou hautains venant sermonner ceux qui n’ont pas la chance d’être né avec une cuillère d’argent dans la bouche. Oui oui, j’arrête, sinon c’est la fibre familiale communiste qui va s’exprimer. 


    On ne m’enlèvera jamais de la tête que l’humanité n’aurait jamais survécu sans la solidarité.


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    Longtemps, j’ai été cahotée par les émotions et sensations des autres, je les absorbais, les faisais miennes et je me suis faite une extrême violence. Par la CNV, j’ai appris la limite et désormais, je tâche de rester chez moi, de laisser l’autre chez lui afin de ne plus me laisser emporter par ses sensations. Nous avons chacun notre responsabilité ; parce que ces mots que je crache ou lâche en jugement envers l’autre parle de MON histoire personnelle, ces mots qu’il crache ou lâche à mon encontre en jugement parle de SON histoire.

    Il n’est pourtant guère aisé d’abandonner des décennies de quête fusionnelle, de culpabilité, de réflexes inconscients malsains communément mis en avant par nos éducations en tant que « valeurs ». La CNV est par là même ardue à mettre en œuvre, les erreurs et tâtonnements sont inévitables. C’est un véritable ré-apprentissage de la relation à soi, à l’autre.

    Je ne suis pas de ceux qui y voient des possibilités de changements mondiaux ou une quête spirituelle ; la CNV est pour moi une voie claire pour aller vers soi, vers l’autre dans des relations profondes, riches et authentiques, fussent-elles fugaces. Dans cette optique, je la pratique instinctivement à la moindre occasion et ma vie s’en est grandement enrichie grâce au bonheur de ceux que j’écoute, ceux avec qui je tâtonne de guingois dans mon apprentissage de la CNV.


    L’évocation de ces syncopes, la réflexion qu’elles ont mobilisée dans ma petite caboche de carabosse parlaient néanmoins de la problématique de l’écoute de soi. Je sentais un trouble, un flou quant au sens à leur donner. Ce Josir avait été mal supporté à la première prise puis passé sans souci à deux reprises pour me secouer violemment cette nuit-là. Qu’avais-je voulu exprimer dans ce mouvement violent ?

    Le corps parle, nous ramène au présent ; je ne trouvais pas de formulation à ce besoin exprimé dans les syncopes, le récit que j’en faisais quand les commentaires d’Annie et de Coq sont venus souffler la réponse. Ils ont cheminé intérieurement et ce fut avec joie que je réalisai ENFIN le sens de ces aventures.

    Depuis des mois, certes, je prends soin de moi (handicaps et maladie m’y contraignent de toute manière quotidiennement s’il me vient de vouloir l’oublier), je prends également grand soin de mon entourage familial, amical, professionnel, au hasard des rencontres, en toute occasion et… là, s’est immiscé un besoin que je n’ai pu dire parce que je n’y ai pas prêté attention, simplement. Je suis bien entourée, c’est une évidence, je ne me sens pas seule, je suis sereine et heureuse de vivre chaque jour. Pourtant, grâce à Annie et Coq, j’ai réalisé qu’au fond de moi, quelque part,  j’ai besoin de la présence d’un adulte attentif, attentionné qui prend soin de moi, me serre dans ses bras et m’assiste dans les tâches quotidiennes par sa présence constante et bienveillante. Il n’est guère étonnant alors de lier ce besoin avec mon envie récurrente actuelle d’écouter Vespertine, superbe album de Björk, en femme amoureuse, pleine de la joie d’aimer et d’être aimée.

    J’en étais à cette prise de conscience hier soir quand je me suis soudain souvenue de ces vidéos vues sur le net : une personne dans la rue proposant des câlins gratuits à qui en voulait. J’avais été touchée  par ces élans chaleureux et spontanément, je me suis imaginée avec ma propre pancarte « Qui veut bien me donner des câlins gratuits ? ». Maintenant, j’ai identifié mon besoin et ma demande est claire. Si vous passez dans le coin, accepteriez- vous de répondre à ma demande ?  Je sais également que le besoin n’a pas à être satisfait forcément, les circonstances ne s’y prêtant pas toujours. Je l’ai formulé, je l’ai entendu, je m’y suis penchée et ce matin, je me sens apaisée parce que j’ai pu avoir cette empathie pour moi- même. Ben, oui, nous ne sommes pas des machines, nous sommes des êtres sociaux et affectifs, mon ami Boris le répète sans cesse. Si la vie tourne, que je vais bien, ce besoin existe et j’ai le droit de l’avoir.

    En écho résonne le commentaire du petit troll des bois : « "peur des autres" a aussi deux sens.». Ouste la peur de l’autre ! Faisons place à l’accueil et à la bienveillance ! Pour NOUS tous.

    La pensée du geste mobilise les mêmes zones du cerveau que le geste effectué lui- même. Alors, je visualise et sens la tendresse des autres, la tendresse que j’ai pour moi- même et je m’en entoure.  Si la présence physique manque, je me nourris de la pensée de cette présence, la vie suit son cours, je ne m’obsède pas  dans la quête de quelqu’un, je lâche ; les événements continuent leur petit bout de chemin, hors de ma volonté chimérique de contrôle. Tant mieux.


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  • Au lendemain de cette nuit agitée, j’étais tiraillée entre mon besoin de partager le poids de cet épisode, poids que je ne mesure peut-être pas dans ma folie récurrente, et le souci de protéger mon fiston déjà en phase difficile. Je finis par le lui raconter d’un air désinvolte, il ne réagit pas sur le moment, habitué aux frasques de sa mère. Je n’étais pas déchargée pour autant, le répétant à SeN au téléphone sans que cela y changeât quoi que ce fut ; je constatai seulement ce besoin d’en parler et la sensation qu’un autre besoin se cachait là sans que je pusse l’identifier concrètement. Tant pis.

    Je me fis mettre de la crème par le fiston à l’endroit douloureux, il me répéta à plusieurs reprises que quand j’avais besoin d’aide, je n’avais qu’à l’appeler et il venait. Ma tête était à notre journée au programme chargé : invitation à manger chez un couple de Marocains (ils apprennent à lire avec moi) à l’occasion de la fête du sacrifice, rencontre avec Minela ancienne élève, détour chez SeN  récupérer une crème et éventuellement un tour chez ma mère. Bouger le bras dans certains gestes était particulièrement difficile et j’avais quelques appréhensions à conduire. Nous arrivâmes néanmoins à bon port sans encombre et fûmes reçus royalement chez nos hôtes. Nous avons été gâtés, choyés, à manger, boire, écouter des conversations mi en français, mi en arabe. Il y avait une très bonne ambiance et mon fiston ne fut pas si renfrogné que d’habitude. Se protégeant derrière sa console, il écoutait et observait du coin de l’œil, riant avec nous. Fameux tajine aux coings et pruneaux, brochettes et thé à la menthe, sans compter les desserts. Miam miam. Que de nourritures reçues !

    Plus tard que prévu, nous repartîmes vers Minela qui elle aussi nous accueillit à bras ouverts avec ses grands- parents. Belle rencontre entre le fiston et le papi, mon garçon ne demande qu’à y retourner, lui d’habitude si sauvage. Evidemment, il y eut tiramisu et tarte au chocolat au programme sans possibilité de refuser. « Olala, Maman, on n’a fait que manger aujourd’hui !! » répéta à l’envi fiston en gonflant son ventre trop plein.

    Il est vrai que tous nous gâtèrent, tous nous accueillirent chaleureusement. Les échanges étaient forts et riches, une joie simple d’être ensemble et de partager.  J’eus quelques retours flatteurs sur mon travail que j’accueillis humblement vantant les mérites de mes élèves parce que je ne suis pas une enseignante déversant son savoir à d’autres obligés de les ingurgiter, je suis une accompagnatrice sur leur propre voie d’apprentissage ; coopérer est mon maître mot.  Je réalisai également à quel point la communication non violente enchante les échanges. Bien que d’un naturel empathique, j’ai appris, grâce à notre petit groupe local, à mieux comprendre et gérer (le mot est laid c’est vrai), la place de chacun. Quel soulagement et quels yeux heureux chez ceux qui trouvent une oreille compréhensive ! Quelle joie pour moi de partager ces moments avec eux ! Et quel soulagement de constater qu’enfin, j’arrive à rester chez moi, à ne plus souffrir de la souffrance des autres ! Les relations sont authentiques et sincères, la vie d’autant plus belle.

    Dans ce chemin dominical, je réalisai le soir en rentrant que je n’avais pas eu mal de toute la journée, bercée par la douceur des rencontres et je me couchai quasiment libérée de ma douleur. 

    Cependant, la plus grande découverte du jour ne fut pas celle- ci parce que j’ai déjà expérimenté la douleur sous de multiples formes et dans des circonstances variées m’ayant permis de créer des liens entre corps, esprit et émotions. Non, la grande leçon me vint d’un éclair lorsque je racontai au téléphone mes chutes à mon amie Delphine ; fiston à côté de moi réagit vivement quand je relatai l’événement explosant enfin ses peurs et ses angoisses quant à ce genre de situation. Il hurla que quand j’avais un problème pareil, je devais le réveiller pour qu’il puisse venir m’aider. Que ce soit avec lui, avec Delphine, avec mes amis de la journée de ce dimanche, ou d’autres par la suite, je m’étonnai de leur réaction : ils avaient peur ! Alors que moi, franchement, je n‘avais pas eu peur ni pendant, ni après, ni encore maintenant. Je mettais de l’ordre dans mes pensées quand je compris finalement.

    En ce qui me concerne, ces syncopes sont coutumières, je reconnais les symptômes annonciateurs et je sais que j’ai besoin de me coucher au plus vite, attendre que le malaise passe. Je me suis ainsi couchée dans ma voiture sur un parking au travail, sur le tapis de la salle de bains, dans les escaliers, dans une salle d’attente. C’est tout. A quatre heures et demie du matin, nous sommes tous seuls, les autres dorment et il n’est pas certain que quelqu’un entende la chute. Quand je sais ce qu’il y a à faire, pourquoi effrayer l’entourage ?  Mon garçon de 12 ans peut –il seulement faire quelque chose dans ces circonstances, avec la meilleure volonté du monde ?  J’ai souvent vu des adultes démunis devant mes malaises, comment lui pourrait-il savoir ? (Tiens, ça me fait penser que je pourrais lui proposer de faire des formations à la Croix- Rouge, cela le rassurerait d’apprendre des gestes basiques d’assistance à autrui).

    Pour celui qui entend le récit, je mesure certes l’inquiétude à mon égard ; quand il m’aime, l’autre s’inquiète de me savoir en danger potentiel, c’est normal, humain…  Je comprends surtout qu’il a peur. Peur de me perdre ? Peur de se blesser, peur de sortir de l’habituel rassurant, peur de sa solitude, peur de perdre.  Peur d’être confronté à son impuissance, sa propre faiblesse.

     

    La grande leçon de cet événement a donc été que la réaction des autres parle de leurs angoisses et peurs. Mon aventure permet la projection d’eux- mêmes. J’avais besoin de partager parce que l’aventure n’est pas anodine, alors qu’anxiogène, elle les effraie. Dans mon besoin, j’ai passé outre leur besoin de sécurité, leur besoin d’être rassuré. Sans la CNV, j’aurai pu me reprocher ce manque de considération à leur égard, me culpabiliser. Il n’en est rien. J’ai observé un fait, exprimé mes sentiments et vaguement ressenti mon besoin ; dans le récit, j’ai fait une demande sans toutefois la formuler en préambule d’où les peurs de mon auditeur. Oui, bon, je sais, je suis débutante et c’est une voie difficile à mettre en pratique après des années de conditionnement violent inconscient, je me le pardonne. Par empathie pour moi. Toujours est-il que ces syncopes, perte de conscience, m’ont permis d’ouvrir les yeux sur une évidence faussement si simple.

     

    (Il serait grand temps que je m’attelle à une page sur la communication non violente, mince !)


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  • Avec les médicaments et/ou la maladie, je suis plus sensible aux conséquences des petits tracas de santé. M’évanouir sous l’effet d’un rhume, d’une gastro ou simplement d’un gros coup de fatigue est une possibilité à retenir dans mon quotidien, j’en ai l’expérience. Ainsi, ce petit rhume que je traîne depuis quelques jours ralentit mes activités et je ne me sens absolument pas capable de me « secouer » pour aller plus vite. Pourquoi faire d’ailleurs ? Vivre lentement est un art trop peu valorisé dans nos sociétés frénétiques encore que j’en ai entendu une belle évocation à mon émission favorite, La planète bleue il y a quelques semaines. (Bravo monsieur Yves Blanc !)  Ces jours- ci, donc, je me pose en lisant, brodant, méditant, regardant des films.  Bien qu’heureuse de  pouvoir m’écouter, je constate néanmoins que mon cerveau fonctionne mollement : je laisse passer le temps, je brûle mes fonds de casserole, j’oublie ce que je voulais faire à l’instant, je suis planante au travail avec quelques blancs impromptus où je décroche mon attention. Comme si ma vie s’écoulait au ralenti. Autant dire que j’évite de conduire, que je ne me fais pas violence pour écrire des articles ; je vis simplement, lentement.

     La succession des aventures n’en ralentit pas pour autant, j’ai la flemme bêtement  de me coller devant l’écran pour mettre en mot les échos infinis qu’elles engendrent. En bon prétexte, j’ajouterai que suite à un formatage d’ordinateur pour y installer des logiciels d’adaptation, mes données sont loin, dans un disque dur ailleurs. Je retrouve avec plaisir l’écriture des brouillons sur papier à la douce lumière d’une petite lampe et non face à l’écran blafard.

     Phase méditative.

    Pourtant, avez- vous remarqué le chiffre grossissant des visites sur le blog ? A chaque chiffre rond approchant, je pense le notifier et puis, j’oublie.  Egalement, je n’ai pas fêté l’anniversaire du blog laissant s’étaler la liste des mois d’archive dans la colonne.  Je suis curieuse de voir qui vient et comment. Je reconnais mes lecteurs habituels et hormis quelques bizarreries des moteurs de recherches, je suis ravie de constater que les sujets abordés ici sont en lien avec les demandes faites. Certes, les jardiniers en quête d’agrumes passent par accident, les questions sur la maladie de Devic trouvent-elles quelques réponses ? Je suis particulièrement fière que les articles sur mes lectures ou réflexions attirent aussi.

    Je reviens souvent en arrière corriger des mises en page ou des erreurs de frappe dans les articles anciens, piochant de ci de là selon mes inspirations. Je mesure le chemin parcouru particulièrement en ce qui concerne la vue et m’étonne de mon écriture, de mon style, des capacités trouvées au creux de moi malgré toutes les impasses et impossibilités auxquelles j’étais confrontée.

    Ainsi, par ce biais, je lie l’évocation de ma lenteur actuelle à cet épisode de syncopes consécutives à la prise du Josir dans un grand écart dont je suis coutumière : chacun des événements vécus m’aide à évoluer sur la voie de la clairvoyance et les trois dernières années m’ont poussée à la vitesse de la lumière alors que je lâche prise et vis lentement!

    A partir de l’exemple précis des syncopes, je relaterai le cheminement de la compréhension essentielle réalisée ces derniers jours.


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  • Samedi soir, je m’assoupis rapidement, trop heureuse d’espérer dormir une nuit complète. Vers quatre et demie du matin, une envie pipi me sortit du lit dans un demi sommeil, machinalement, comme d’habitude. Depuis les mois d’aveuglement, je n’ai plus ce besoin perpétuel de lumière, de nombreuses activités me sont désormais possibles dans l’obscurité, j’étais donc dans le noir constamment. Avais- je seulement les yeux ouverts ? J’avoue ne plus trop savoir parce que d’autres sens étaient en activité, mes souvenirs n’en sont pas moins limpides.

     

    En m’asseyant sur la cuvette des toilettes, je ressentis un vague malaise malheureusement trop connu, une sensation de flou général, une grosse fatigue, la tête dans le brouillard épais, comme si tout était décalé, perçu étrangement. Pour l’avoir souvent vécu ces dernières années, je savais qu’il me fallait absolument me recoucher rapidement. L’idée de retourner au lit sans me laver les mains traversa vaguement mon esprit sans que j’y prêtasse plus d’attention dans mes mécanismes habituels de lever nocturne. Je dépassai la porte de la chambre pour aller dans la salle de bains.  Ce qui arriva ensuite passe dans une autre dimension car moi- même, je n’étais plus dans la rationalité concrète de nos quotidiens.

    Je me suis certainement lavé les mains puisque je garde uniquement le souvenir de les avoir essuyées avec cette pensée quasi animale de filer au plus vite au lit. Et là, un grand noir, un vide dans l’espace et le temps, une parenthèse de rien.

    Rien hormis la sensation que tout s’échappe, que l’esprit sort du corps, que tout est déconnecté.

    Une grande douleur traversa mon dos et une grimace intérieure mon esprit. Je pensai que je tombai sans en percevoir le moindre signe et que dans la chute, je me cognai quelque part. Aucune notion quelconque d’ailleurs de l’endroit où je me trouvai. Je plongeai dans le néant lentement.

     La sensation du froid du carrelage, l’air frais qui rentrait dans le nez et les poumons me soulagèrent quand je sentais les perles de sueur sur mon corps en nage au sens le plus propre qui soit, bouillant d’un feu intérieur trop violent à supporter.


    Je ne sais combien de temps je restai sur le sol. Je revins à moi sans savoir où j’étais, ni dans quelle situation je me trouvais. Un instinct venu du plus profond de mon être me souleva. Je cherchai des repères quant à ma position, étais- je debout ou couchée ? Autant dire que j’étais incapable de me situer dans l’espace. Je cherchai à pousser une porte pour sortir de je-ne-sais-où et je compris en quelques secondes que je touchais les portes coulissantes du petit couloir menant à la salle de bains. A partir de cet infime repère, je reconstruis mon cheminement jusqu’au lit parce que toujours poussée par cet instinct, j’avais pour unique objectif d’aller me coucher.

    Complètement déstabilisée dans mon équilibre, je titubai obstinément en m’accrochant aux murs vers la chambre et mon lit. Quelques pas effectués sans trop comprendre comment mes jambes purent me porter m’amenèrent sur le pas de la porte et là, à nouveau, je sombrai dans ce néant si particulier de la perte de conscience. Je me laissai glisser lentement, sachant pertinemment que j’étais incapable de contrôler quoi que ce fût en pareille circonstances, trop heureuse d’avoir parcouru ces quelques centimètres.  

    Rien.

    Combien de temps ?

    Je revins à moi, incapable à nouveau de savoir où j’étais et dans quelle situation. L’idée d’aller dans mon lit en fixation permanente, je tâtonnai autour de moi du bout des doigts et reconnu le tapis, le bois du meuble le plus proche… J’étais dans ma chambre ! Portée par cette même force animale, je réussis à me lever et à retrouver le lit. Au contact des draps, je plongeai sous la couette, heureuse et soulagée sombrant dans un sommeil salvateur.


    Au matin, en bougeant, je compris que j’avais mal dans le dos suite à la chute dans la salle de bains «  Certainement contre la poignée de la porte » pensai-je. Ma tête était comme prise dans un étau, brouillonne et vaseuse. Mon fils me trouva au lit à 9h du matin hors de toutes mes habitudes, je lui dis vaguement que je n’étais pas en bonne forme suite à une nuit mouvementée ; il ne posa pas de question trop habitué aux aventures de sa mère. Je le rejoignis lentement pour le petit déjeuner, hésitant à lui parler de mes syncopes ; il est vrai que pendant ces événements, j’avais gardé à l’esprit qu’il dormait dans la chambre en face de la mienne. J’avais cru entendre un bruit de mouvement et craint qu’il ne s’éveillât. Comment gérer une telle situation avec en plus un garçon de 12 ans à demi endormi ?

     Quand il était âgé de 2 ans, j’avais fait un choc anaphylactique en pleine nuit ; j’avais été  tenaillée et torturée par l’angoisse de le laisser seul si petit et ces peurs m’avaient portées dans cet épisode douloureux finalement sans autre conséquence qu’une perte de connaissance et un gonflement du visage traité à la cortisone.  En grandissant, je le savais moins vulnérable, il n’en restait pas moins un enfant. Avec la maladie et l’expérience des dernières années, il encaissait des épreuves difficiles s’ajoutant à d’autres souffrances anciennes.

    Chacun des événements mouvementés que je traverse me ramène à la petitesse de notre famille et à la peur de l' abandon que cela génère chez lui. Lui parler de cet épisode ou non ? Comment ? … J’étais à ces questions quand je lis la notice du Josir. Effets secondaires : malaise, nausées, vertiges, somnolence, surtout en début de traitement … entre autres. Avertissement sur les conducteurs d’engins. Consigne d’aller s’allonger au moindre symptôme… Pas la peine de chercher plus loin.

    Je crois avoir ri en les lisant et m’être exclamée devant mon garçon, le besoin d’en parler certainement.


    J’entamai un parcours particulièrement enrichissant. 

     


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  • Au début du mois de juillet, je suis retournée chez Solange de ma propre initiative pour faire le tour des difficultés urinaires et poser la question de la conduite automobile (celle- ci n’est pas réglée). Avec le plaisir de se retrouver et de partager quelques mots sur nous- même en dehors de la problématique médicale, nous décidâmes de recommencer la batterie de tests afin de savoir ce qu’il en est de ce système capricieux.


    Surveillance des liquides ingérés, des volumes d’urines et des résidus par auto sondage pendant plusieurs jours, ecbu puis bilan urodynamique. Comme l’examen se fit à 9h, les résultats furent plus mauvais que le dernier effectué en fin d’après-midi ; mes sphincters sont plus serrés le matin qu’après les marches de la journée. J’appris avec joie que ma vessie va bien, elle devient simplement folle devant des sphincters qui refusent de s’ouvrir et se referment trop vite provoquant des dysfonctionnements récurrents. Je compris mieux alors les difficultés quotidiennes et les risques  permanents d’infection. L’inflammation avait débuté chez moi très bas au niveau du sacrum, il n’est guère étonnant d’en garder des séquelles sur le plan urinaire, ce système étant très nervuré et particulièrement complexe, une micro lésion sur la moelle suffit.


    A l’énoncé des conclusions, je ne pus m’empêcher de penser à haute voix devant Solange et l’adorable infirmière ébahies «  Mais qu’est- ce que je ne veux pas lâcher alors ? » Elles rirent en me répétant les paroles mystérieuses d’un médecin urologue : « La vessie est le miroir de l’âme » …

    -      Hummm … ajoutai-je. En médecine chinoise, la vessie porte nos peurs, il y a effectivement quelque chose à réfléchir.

    Et Solange :

    -       Bon, allez, il y a simplement une atteinte de la moelle et ça court-circuite le système 

    Devant mon sourire béat et la profondeur de mon regard, elle rit à nouveau plus qu’à demie surprise par mon approche particulière de la vie, des événements, en lien permanent avec les champs multiples des possibilités humaines. Ce n’est pas pour rien qu’elle m’appelle par mon prénom en chaque circonstance, héhé.


    En conclusion, Solange préconisa un traitement pour amadouer ces obstinés sphincters, j’acquiesçai. Le Josir essayé en janvier 2007 m’ayant laissé un mauvais souvenir, j’eus donc du Carlytène pour quelques semaines. En cas d’échec évident, ce serait auto sondage   cinq fois par jour ce dont je n’ai pas envie parce que l’hygiène est primordial pour se protéger des infections et les toilettes ailleurs qu’à la maison ont vite fait de devenir des réservoirs à microbes pour moi, immunodéprimée.

     

    Après la prise de deux plaquettes, je remarquai que ma vessie s’agitait autant qu’avant le traitement et que les sphincters restaient bornés pareillement. Chez un médecin généraliste, je me fis prescrire du Josir, plus fort prenant le risque, poussée par mes intuitions. Effectivement, lentement, je repris un rythme normal de miction et mes impériosités se calmèrent, mes nuits se firent plus tranquilles. Ouf.

    Dans le chambardement et quelques flous d’énonciation, je me retrouvai sans traitement ni nouvelle à la rentrée. Avec la reprise du travail, les déplacements incessants en voiture, les transports de cartons, les travaux, je décidai de terminer la dernière plaquette de Carlytène et de reprendre des contacts pour la suite ; j’en parlai à Colette qui me conseilla de rappeler Solange. Les circonstances m’amenèrent à constater ces dernières semaines que les problèmes urinaires devenaient de plus en plus gênants, je pistai Solange par téléphone et enfin, nous pûmes en parler. Comme à son habitude, elle était débordée, je tombai mal. Elle me renvoya au médecin traitant pour continuer le traitement, promettant une ordonnance pour les trois mois à venir et l’indication de se voir tous les six mois. Là au moins, tout était clair pour moi. Elle pensa au Carlytène, je lui indiquai avoir bien supporté le Josir quelques mois auparavant, elle le prescrit donc. Grâce à un arrangement avec la pharmacie, je pus repartir samedi dernier avec ma boite en attendant l’ordonnance.


     Je me réjouissais de retrouver plus de sérénité et ce fut avec bonheur que j’avalai la première gélule au soir. «  Il me tarde de dormir d’une traite sans avoir à me lever trois ou quatre fois pour aller aux toilettes ! » pensai- je ne me couchant. Je ne m’imaginai pas ce qui allait se passer quelques heures plus tard.


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