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    Ambiance musicale d'écriture:

     

     

     

    Loin de l’image traditionnelle du déménagement, nous arrivâmes dans le nouveau logement contraints par la rentrée des classes. Nous n’avions que peu de fournitures et des vêtements pour la semaine, tout au plus. Pizza mangée sur pouce et premier dodo entre nos nouveaux murs.

     

    Fiston fit son cheminement et je me retrouvai le lendemain seule dans le grand dénuement d’un chantier de rénovation avec mon corps fragilisé et mes petits bras pas musclés. La gestion quotidienne était complexe, sans réfrigérateur, sans gaz, sans mobilier, le strict minimum pour s’alimenter. Cela ne m’effraie pas, je suis habituée aux grands dénuements, par une vie de pauvre, par une vie de malade, par une vie d’handicapée ; le renoncement a pris déjà tant de visages dans ma petite existence.

     

    Le premier jour me laissa dans un état émotionnel particulier, j’encaissais le coup du grand changement et je passai par des émotions variables, entre tristesse, colère, impuissance, révolte, panique de ne pas y arriver. Ai-je pleuré ? Je ne saurais le dire.   A nouveau, je puisai au creux de mon être des ressources insoupçonnées et je me lançai dans l’aventure. Cœur à l’ouvrage, pragmatisme, enthousiasme et la ferme volonté de vivre pleinement chaque instant.

    Je commençai les travaux.

     

    La consigne essentielle était que je restasse à l’écoute de mon corps ; un vertige, un malaise, une perte de connaissance et personne pour me ramasser ; je ne voulais pas de cette charge pour mon garçon. Aussi, je travaille à mon rythme rendant ma volonté incompréhensible aux maniaques de l’ordre et de la propreté ;  dussé-je prendre des mois pour y parvenir, l’essentiel est de m’inscrire dans ce territoire.

     

    La cuisine n’est pas choquante en blanc, ses tuyaux, encadrements et plinthes en noir, des carreaux brun fumé typiques des années 80. Je décidai de la laisser telle quelle et de simplement l’habiller.



     

    Le papier du salon n’est pas laid et la couleur des peintures claire, Etienne les aime et demanda à mettre sa chambre ici. La circulation et l’agencement de l’appartement ne s’y prêtent guère ; je négociai avec lui l’aménagement à son gout de la pièce que je lui destinais, il accepta. Il sait par expérience que sa mère est capable d’adapter et de trouver des solutions partout.

     Ce fut dans ce salon que j’installai notre futon sur le sol parce qu’il ne nécessitait pas de travaux urgents ; quand les autres pièces seront terminées, je m’y attellerai  afin de la mettre à mon goût. Dans quelques mois.

    Pendant plusieurs jours, tout y traina entre les cartons, les vêtements, les affaires de classe, un vrai squat !

     


     

    La salle de bains est bariolée dans des couleurs originales : les carreaux brun fumé et des murs en bleu ciel, des encadrements bleu marine. Le choix me parait douteux. Que faire ? Repeindre les murs ou les carreaux ? « Basta, j’y reviendrai plus tard, laissons mûrir les idées. »  Dans l’amusement, j’y ajoutai en prime les fuchsia du rideau de douche et du tapis en coton, autant aller au bout du délire finalement.


     

    Des toilettes vanille fraise, expression qui amusa grandement fiston au point qu’il refuse d’en changer les couleurs. Tout le monde n’a pas la chance de rentrer dans une glace géante pour satisfaire ses besoins naturels !!



     

    Une chambre jaune, l’autre bleue, un couloir gris, des placards verts. A y regarder de plus près, je réalisai qu’en ces lieux également la bariole avait été ardemment pratiquée par d’anciens locataires. Dans une grande ingéniosité, les portes, les plinthes, les caissons de volet avaient été enduits de peinture acrylique normalement appliquée sur les murs et non les surfaces lisses. Scrogneugneu, comment remettre en état ces éléments ? Un lessivage intensif avec au bout des eaux hyper polluées des résidus de peinture ? Poncer et provoquer une poussière fine et insidieuse ? Arggg



    Les odeurs de tabac récurrentes dont souffrent les non-fumeurs que nous sommes me poussèrent à arracher les papiers du couloir, de la chambre jaune. Je pris mon temps pour y parvenir, soulevant les critiques de SeN qui ne comprenait pas mon obstination à vouloir tout faire en même temps alors qu’il y a déjà tant de travail par le simple déménagement.

    « A choisir entre le tout en même temps sur les premiers mois et le peu à peu qui s’éternise sans fin, j’ai choisi la première solution ! Je ne veux pas me retrouver avec des travaux qui n’aboutissent jamais » Bec cloué, l’éternel projet jamais concrétisé, il connait parfaitement et je n’en veux pas CHEZ MOI.

    Coup de pouce de 20 minutes de fiston: « Olala maman, c’est dur ! » et plus conséquent de Vince débarqué avec Delph qui m’accompagna à de menues tâches. 

     

    Alors que ma sœur m’aidait aux vitres parce que j’étais trop fatiguée, je contemplai le plafond du couloir et ses lambris peints ; il était si jaunâtre !

    - Peut être qu’un coup de peinture s’impose,  Qu’est- ce que tu en penses ? 

    - Attends, me répondit- elle en partant quelques minutes ;

    Elle revint avec un balai et une serpillère au bout. Elle souleva le tout et commença à briquer le plafond. Quand la serpillère redescendit, elle était toute brun- jaune

    - Tu vois ça, c’est la suie du fumeur !

    - Beuark !!!! Poussai-je avec horreur

    Et à mon tour de lessiver cette foutue suie !  Il en fut quasiment transformé, léger soulagement.

     

    SeN m’aida à peindre le plafond de la chambre bleue et recouvrir ses murs en couleur dune, Yol et son fils me posèrent la moitié des lés dans la chambre jaune entièrement déshabillée par mes soins. Je ponçais, en haut, en bas, j’aspirais et nettoyais (Ces épisodes furent porteurs, je vous raconterai plus tard. )

     Une après midi, armée de ma ponceuse circulaire, je frottai avec opiniâtreté les portes des chambres, passant du bleu au jaune via le blanc. Quelle horreur que cette fumée qui envahit l’espace, les vêtements et entre dans les narines ou la gorge ! Je portais pourtant un masque et une blouse ; mes cheveux se collaient en multicolore et les poussières passèrent entre les élastiques insuffisamment serrés ; j’étais furieuse ! Comment peut- on laisser des amateurs gérer de telles cochonneries !

    Et je peignai, en blanc, en blanc cassé de cette saloperie de peinture glycérophtalique !  L’organisme HLM est en lien avec une entreprise de peinture du coin et les peintures m’avaient été imposées. Non seulement ce fut une expédition folle que d’aller les chercher à 30 km quand un autre magasin est à cinq minutes, mais en plus, je n’avais le choix ni sur les couleurs ni sur la qualité! J’avais essayé de négocier le truc avec la vendeuse, elle n’en voulut rien entendre ; c’était inscrit celle-là et c’était à prendre ou à laisser. Je repartis donc dépitée et en colère avec ces trois seaux dont un à diluer au white spirit. Beuarrrrk ! Un peu de colorant dans le blanc pour le casser et armée d’un pinceau, je peignis en pestant sur les cov et les produits dangereux vendus en libre service ! Dire que dans trois mois, les glycéro seront interdites à la vente !! N’importe quoi.

    Par chance, le temps était clément et nous avons vécu pendant plusieurs jours les fenêtres grand ouvertes en permanence.

     

    Mes manies écologiques exaspérèrent quelques unes de mes aides parce qu’il était hors de question que les résidus fussent jetés dans les siphons. Le balcon se remplit de contenants variables emplis d’eaux souillées à la peinture acrylique ou de white-spirit usagé; l’expédition à la déchetterie s’imposera.

     

    ...


    Je suis invalide COTOREP à plus de 80%  et reconnue travailleur handicapé.



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  • Mon garçon est parti chez sa mémé pour le weekend, je n’ai pas envie de peindre ni de ranger, je traîne.

    Je me suis fait plaisir pour le repas avec une poêlée aux gésiers de canard, lardons, pommes de terre haricots verts et pignon de pin sur une laitue au vinaigre de framboise, petit repas dégusté en conscience. Je me promène sur le net dans le pratique et le vague tout en écoutant quelques musiques envoûtantes.  Ce décor n’a pas grande importance parce que l’essentiel est à l’intérieur.

      Ce soir, je me promène au gré des ressentis émotionnels et corporels grâce aux expériences des derniers mois. Je divague et louvoie à vue sur mes tensions dans la nuque, le dos, les jambes, j’enrobe ma vessie de compassion, je laisse passer les émotions en constatant néanmoins que le creux de mon être ne se démonte pas ... Comme si je regardais passer ces travers de l’âme de loin.

      A cet horizon, j’ai connu colère, tristesse  et renoncement : une altercation avec SeN m’a ramenée à ces impasses où j’étais cloitrée. J’en suis sortie, certes, j’ai besoin de temps pour me dépêtrer de ces engluages surtout quand les circonstances me ramènent à ces voies malsaines où je me suis engagée inconsciemment autrefois.

    Triste parce que je mesure plus chaque jour son enfermement. Il s’y plait, c’est rassurant et connu, comment pourrais-je intervenir dans sa vie ? Cela relève de son parcours et de sa responsabilité.

    Colère parce toutes ces années passées avec lui me laissent un goût amer de possibilités ratées, rejetées ; toute une trentaine mise au pilori avec déjà trois années de maladie en aboutissement atroce d’un désespoir devant ses peurs.

    Le renoncement en bouquet final simplement parce que je me sais impuissante à changer quoi que ce soit, c’est à lui de cheminer. Mon cœur se pince quand connectée à lui, je ressens ses tiraillements internes, ses frayeurs et sa propre colère envers lui-même parce qu’il est incapable de prendre une décision.

     Au plus fort de l’altercation, je m’étonnai de mon calme intérieur, de ma capacité à me camper solidement devant ses sursauts de colère à la père Goriot. Seul le corps en deux temps m’a ramené à ces trop pleins : des larmes coincées dans la gorge qui sitôt senties ont disparues et l’imminence d’une fuite qui finit en brûlure dans la précipitation aux toilettes ; la culpabilité de ma mère qui se ronge les sangs, les tentatives du fiston de calmer le jeu (pourtant qu’est- ce qu’il est colérique et hurleur celui- là à ses heures de crise !).

     Dans les heures suivantes, j’ai appliqué la CNV, benoitement tant avec SeN qu’avec ma mère, aucune autre voie n’avait de sens dans ce contexte. Et j’ai  été empathique avec moi- même.

    Laisser passer les émotions, les tourments, écouter las tensions du corps, les accepter pour les défaire et ne pas me réfugier dans la fuite soit par l’abrutissement ou le travail physique en tentant des travaux hors de ma portée.

    Puis lâcher, lâcher prise

    Finalement mesurer le calme qui m’habite. Malgré tout, je ne me culpabilise plus, je ne me torture plus, je ne me punis plus, j’accepte les responsabilités de chacun. Rester chez soi. Totalement.

     Il en est fini des chimères et des travers d’autrefois ; désormais, je vis pleinement. Pensée pour tous ceux jalonnant ce parcours et ma reconnaissance, ma gratitude à leur égard.

     Car je le sais, je ne peux rien faire hormis penser à moi, mon fiston (et là, j’ai du pain sur la planche !!). Je pose des limites claires en répétant mes ressentis, les raisons de mon départ, l’horreur du flou, des incertitudes et surtout des ingérences de son histoire familiale, du poids de sa peur atroce de déplaire à ses parents. Ce qu’il en fait est de sa responsabilité, je ne suis pas coupable.

     Aussi facile qu’il soit de me cataloguer dans la série méchante, je sais que je ne suis qu’un messager de feu à l’éclairage insupportable pour qui veut fuir. Dans le lâcher prise, cela aussi, je l’accepte pour ne cheminer que sur ma propre voie, sans juger ou préjuger de celle d’autrui.

    J’ai cru mourir il y a trois ans alors franchement, je ne vais pas m’encombrer  inutilement avec les aléas des autres, ne me reste que la compassion pour lui, sincèrement. Qu’il me traite de méchante, cela ne m’atteint pas, je sais qu’il se protège et protège son système ; je suis dans une autre dimension, j’ai d’autres expériences merveilleuses à vivre, ici, maintenant, demain, ailleurs. Je me suis réveillée, je suis libre.

    et cette chanson en écho qui tourne depuis plusieurs minutes... le hasard 

     

     



    Clean
    The cleanest I've been
    An end to the tears
    And the in-between years
    And the troubles I've seen

    Now that I'm clean
    You know what I mean
    I've broken my fall
    Put an end to it all
    I've changed my routine
    Now I'm clean

    I don't understand
    What destiny's planned
    I'm starting to grasp
    What is in my own hands
    I don't claim to know
    Where my holiness goes
    I just know that I like
    What is starting to show

    Sometimes

    As years go by
    All the feelings inside
    Twist and they turn
    As they ride with the tide
    I don't advise
    And I don't criticise
    I just know what I like
    With my own eyes

    Sometimes

    Sometimes

     

     


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  • Ainsi donc, cet été 2009 balança entre nonchalance et balades.

    Je savais que c’était une accalmie avant l’agitation de septembre car les événements se préparaient en souterrain.

     

    La rentrée au travail était en marche, loin de moi, par son cours naturel.

    Je me préparai à la reprise des cours de Qi Gong.

    J’attendais la série des séances de réentrainement à l’effort à l’hôpital pour six semaines avec la joie d’y retrouver Valérie et la possibilité d’y revoir les camarades des dernières années en hôpital.

    Depuis plusieurs semaines, j’emballais mes affaires sans savoir véritablement où j’allais ; la quête d’un appartement était en marche depuis plus d’un an et demi (je reparlerai de ces aventures dans un autre article, cela vaut le détour) , je sentais que les limites étaient atteintes, certains deuils s’étaient faits lentement, les derniers liens chimériques s’étiolaient.

    Dans le lâcher prise intégré en moi- même, je me laissai porter par les circonstances, cheminement intérieurement loin du mental et des tourments, des peurs.

     

    Il y eut des visites d’appartements, seule, rebondissant incessamment sur les sempiternelles incompréhensions jusqu’à ce que quelques mots d’une assistante sociale fissent écho en mon intuition : cet organisme- là avait signé une convention avec la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) et était sensibilisé à la problématique du handicap. Quand je pus visiter l’appartement pour la première fois après moult tractations avec la mère du locataire (et oui, des intermédiaires, des intermédiaires !), j’y allais confiante.

    A l’arrivée, je fus enchantée par l’immense arbre planté devant les fenêtres et le banc posé à son ombre, allez- savoir pourquoi, ce fut en ce lieu que je me vis pour les prochains jours ensoleillés. Appartement de trois pièces, 67 m², caves et grenier, au rez-de-chaussée... trois marches à l’entrée, cinq pour accéder au palier, le plain- pied n’y était pas. A l’intérieur, un jeune couple avec des tout-petits, un flottement dans la décision, une colère récurrente contre cet organisme, l’envie de partir et de le contrarier.

    Une grande cuisine, un petit salon, un long couloir, des placards immenses aménagés, une salle de bains praticable, des toilettes très grandes, deux chambres aux mesures raisonnables et surtout, un petit balcon par l’arrière où je pensai qu’il était possible d’y aménager une rampe si jamais… Du logement social qui n’y ressemble pas tout à fait avec des pièces posées intelligemment, du parquet et du carrelage au sol, quatre appartements par cage d’escalier, des espaces verts immenses, un alentour propre, accueillant, le calme et la liberté de planter sur les pelouses ses propres fleurs, de laisser son linge et son mobilier de jardin dehors sans craindre le vol.

    Etait- ce parce que le soleil était vif ce jour- là ? Mes yeux ne virent que les dimensions et l’agencement des pièces, l’extérieur… aucunement la tâche de rénovation nécessaire pour rendre l’appartement vivant.

     

    J’en visitai un autre quelques jours plus tard, ailleurs,  de plain- pied, plus grand et neuf avec une terrasse. Il était beau, ça oui, à quelques minutes du travail, plus cher aussi. Avec vue sur le parking et les garages ; je m’y vis déprimer peu à peu.

    Des fuites incessantes liées à une énième infection urinaire me prirent étrangement sur les lieux, ma tête n’était nullement à cet appartement aux multiples aberrations : les chambres étaient trop petites, la porte des toilettes coincée par un lave-main mal placé, la vue close entre route et béton. Tous me rebutèrent.

     

    Mon cœur balançait: l’un m’invitait à le rejoindre avec ses espaces verts ouverts et cet autre accessible cloisonné ; il est vrai que j’avais entendu parler d’une aide au déménagement si le logement était accessible. Que faire ?  

    Et puis basta, je me décidai pour le premier ! À craindre de me retrouver en fauteuil sans cesse, n’était- ce pas le meilleur moyen d’y revenir effectivement ? Je mis toute l’équipe en branle et le premier septembre, envers et contre toute prévision, je fis l’état des lieux.

     

    J’avais tant hâte de quitter l’autre maison que je ne réfléchissais pas, je ne me fiais qu’à mon instinct. A la veille de la rentrée du fiston dans son nouveau collège, nous nous y installâmes avec une table, quatre chaises, un futon, un micro-ondes pour tout ameublement. L’aventure était lancée dans un désordre incompréhensible pour tant d’autres ; il n’est pas de mon tempérament de choisir la facilité, le confort ou la sécurité quand je me sens emprisonnée, réprimée, restreinte et conditionnée.  Je fais partie de ces crétins qui prennent le risque d’être libres sans les barrières rassurantes et protectrices des vies enfermées.

    Les dés étaient jetés.  


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    Dans l’agitation de la vie en grand chambardement, je suis étonnamment remplie de ce que mes yeux absorbent tant par l’interne que par l’externe. Ma vision semble de plus en plus claire ; les éclairages violents contés dans les possibilités de la maison ou la psychanalyse laissent la place à d’autres d’une profondeur douce et enveloppante chaque jour plus savoureuse sans perdre pour autant leur fulgurance. Je vis une aventure incroyable de présence totale à l’instant, en lâcher prise déroutant pour de nombreux autres.

     

     Et oui, je rayonne mes amis !

     

    Vendredi, mon ancienne voisine me disait par exemple que depuis que j’étais partie de cette foutue maison, mes yeux s’étaient rallumés, mon corps même avait changé.


    Je ne renie pas les difficultés quotidiennes entre les aléas du fiston, les limites de mon corps et des murs, la lenteur des travaux et donc de notre installation, les discordes et la colère qui s’expriment quand je suis confrontée aux gens parfaits que j’ai fui, les finances réduites au minimum vital ( et cela ne me mine guère je l’avoue) néanmoins, les expériences de ces dernières semaines sont si fortes que je crains de manquer de temps pour les partager avec vous, amis lecteurs.

     

    Je suis simplement passée dans une autre dimension.

     

    Pour symbole, je tenais à vous narrer cet épisode de jeudi soir.

     

    Au milieu du bazar généralisé de l’appartement en chantier, je vaquai à mes occupations (ponçage, peinture, nettoyage, rangement, tri, vaisselle, cuisine et j’en passe) quand mon regard s’attarda sur la cage de notre cochon d’Inde Rillette (ben oui, de la chair de cochon dans du gras, c’est bien de la rillette non ?). Je remarquai que sa porte était fermée et instinctivement, je l’ouvris.

    Dans ce geste anodin et exécuté sans y réfléchir, j’eus la pensée sereine que depuis quelques semaines, je n’acceptai plus que cette porte fût fermée.

    Depuis que je fais de la communication non violente ?

    Depuis que je me suis moi- même libérée ?

     Qu’importe.

    Désormais, je ne supporte plus que l’espace de ce petit animal soit clôt.

    J’aime à la voir se hisser au bord et tendre la tête pour chercher de l’attention. J’aime que des mains s’y glissent pour la nourrir ou la caresser sans qu’il ne soit nécessaire d’ouvrir les barreaux. Il n’y a aucun souci, aucune peur, elle sait ses limites, nous connaissons les siennes, pourquoi donc cette porte devrait- elle rester fermée ? Au nom de quel principe?

     

    Je vis dans une autre dimension je vous l’ai dit et en ces instants fugaces de rien, je mesure dorénavant le parcours gigantesque parcouru en ces trois dernières années.

     

    Bien d’autres récits de cet ordre viendront. J’espère pouvoir y exprimer la force et la puissance bienheureuses de cette vie simple que je vis au quotidien désormais.


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  • Cette fois-ci, un weekend était prévu avec le fiston à Nancy en compagnie de Delph, Vince et Lulu. Il se rebiffa au dernier moment et je partis le cœur léger, tranquille avec un vague programme comme il arrive souvent avec cette équipe.

    Camping ou mobilhome ? Gastronomie, et divagations entre Nancy et Metz ? Tout à la one again comme le raconte souvent Delph.

    Tristounette toutefois d’être si proche de certains que je n’avais pas réussi à joindre, je me lâchai des contraintes engendrées par le caractère du fiston ; finalement, il était bon que je partisse sans lui, qu’il profitât de sa mémé.

     

    Sans réservation normalement obligatoire, nous trouvâmes un mobil home fort confortable et je dormis dans la petite chambre avec Lulu, trop ravie d’avoir de la compagnie. Je fus heureuse de réaliser dans une fulgurance que j’étais là non comme la bonne copine envahissante ou collante mais dans le fond comme un membre de la tribu, les rôles et activités de chacun allant de soi, tranquillement.

     

    Ainsi, nous avons mangé au Grenier à Sel, étoilé Michelin, premier resto gastronomique pour moi.

    Ah oui, c’était beau, c’était une découverte de goût et de texture… mais bon, si je me suis régalée avec une entrée et un dessert, je suis restée sur ma faim, au sens propre comme au sens figuré.


    Ris de veau avec roquette et asperges

     


     

    Mignardises à la framboise




     

    Macaron au lait d'amande

     





    J’ai pu faire une belle petite promenade seule avec Lulu ; à la sortie, j'ai redécouvert la place Stanislas . A ma dernière visite, elle était entourée d’une route et je fus heureuse de la découvrir entièrement piétonne. C’était beau et mon gout pour le XVIIIe siècle s’est épanoui dans cette atmosphère.



                                       

     

    Lors de la promenade le lendemain entre vieilles bâtisses et parc verdoyant, les conversations allaient bon train, nous confrontant mutuellement à ces poils à gratter qui nous titillent. Nous finîmes en soirée par la découverte merveilleuse d’un petit resto à moules (et oui, une envie subite de moules- frites nous a pris TOUS !), la Source ; je vous le conseille vivement si vous êtes dans la région. Décor improbables en bric-à-brac amusant et des assiettes pleines, nourrissantes et gouleyantes : en variations multiples, les miennes, à l’indienne m’ont enchantée au point que je pense tenter l’expérience à la maison.

     

    Après le vol plané de Delph dans des escaliers qui effraya sa petite famille (je suis d’un calme incroyable dans les situations de ce genre), nous décidâmes de repartir le lendemain sans passer à Metz.  Pique nique à pizzas sur une belle pelouse lorraine au milieu des champs et une salade mangée avec les doigts pour moi puisque je n’avais pas de couverts.

     

    Mon garçon a regretté de ne pas être venu en découvrant les photos,. Un autre projet viendra certainement le consoler parce que nous avons pensé à d’autres destinations en tribu  « one again ». C’est que j’aime partir avec eux, comme avec tous ceux qui vivent sans se coincer dans des principes ou des jugements, des peurs et des volontés de contrôle absolu.

    Je sentais la libération cheminer en moi, lentement, doucement, certainement. Il était temps de passer à l’acte concrètement en issue à une impasse désormais évidente.

     

    Franchement, que la vie est simple quand le lâcher prise est devenu un art de vivre !


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  • Ben oui, ça fait un moment que ça me taraude, je l'ai fait, en douce, le changement d'ambiance.


                                                                          


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  • Puis, il y eut cette virée avec Pia pour une exposition exceptionnelle de Van Gogh à Bâle.

    Fatiguées d’attendre que d’autres réagissent et s’y intéressent, nous sommes parties toutes les deux en expédition. Chacune a pris ce qui lui était possible et nous avons parcouru les distances tranquillement entre voiture, tram et marche à pied. Ce fut un régal de partager avec elle ces instants précieux, elle comprend la réalité de mes handicaps, elle a la sensibilité à l’art et des remarques riches  en toutes circonstances.  Je l’ai rencontrée par le travail et la communication s’était faite naturellement entre littérature et ressenti. Une belle surprise de la vie où il n’est guère nécessaire de s’étaler pour se trouver.

     

    L’exposition était magnifique, j’étais émue de voir ces tableaux en vrai, venus du monde entier, certains de collections privées. Avec Pia, nous nous sommes penchées sur les toiles afin de déguster les traits et les couleurs. Entre pointillisme, fauvisme, impressionnisme, cubisme, nous avons mesuré l’étendue de la recherche de cet être si particulier au sein d’une époque qui ne sut reconnaître sa valeur fondamentale. Ici, le trait timide, méticuleux et soudain, la pâte en tâche, les tracés violents et épais.  J’avais l’impression d’être en son creux, de sentir le mouvement de ses mains traversant l’air près de la toile, fébrile, colérique, apaisé et serein. Plongée dans des œuvres magiques et puissantes d’évocation d’un champ d’étude pourtant restreint par l’incompréhension et les difficultés mentales.

     Les humains aux traits flous y sont figés dans une nature vivante, tumultueuse souvent, la lumière irradiant d’un coin de la toile comme si une ampoule se cachait derrière. Les contrastes entre le calme et la tourmente, les constructions industrielles et la campagne cultivée. Le ciel du nord et les lumières du sud. Les mots me manquent, ce fut véritablement une plongée dans son univers et je me sentis en communion avec lui.

     

    Si les sorties précédentes ne me laissent guère de souvenirs de limitations liées aux handicaps, cette virée à l’exposition Van Gogh fut plus problématique au point que je préfère en  rire plutôt que de m’apitoyer ou m’énerver.

    Déjà, il n’y avait pas de tarif réduit pour les handicapés. Cela ne me gène nullement si nous pouvons profiter pleinement du spectacle au même titre que les autres. Pourtant, l’aventure me ramena à mes états alors que je jouis malgré tout de mes jambes et de mes yeux ; qu’en serait-il de moins mobiles ou de plus mal voyants ? Certainement qu’ils ne viennent pas… malheureusement.

     

     Il me fallut laisser le gros du sac dans le hall d’entrée, comme tous les autres. Merde alors ! Que faire en cas d’accident pipi ? Je pris toutefois le minimum en insistant. 

    Immense escalier pour monter à l’étage où étaient exposées les œuvres. Je ne me souviens pas avoir vu d’ascenseur.

    Dans les salles, je m’approchai des tableaux vision de loin puis de plus près pour en voir les détails, … ET voilà qu’un gardien, me demanda de ne pas m’approcher (en allemand !! C’est la Suisse alémanique et moi je suis sortie complètement ignare de mes 9 années d’étude de la langue de Goethe !!). J’essayai de lui expliquer malhabilement que je ne pouvais pas voir parce que je ne vois pas (je ne sais pas dire handicapée Scheise !)  et que j’avais besoin de m’approcher. Je lis dans son visage qu’il était coincé entre son devoir et sa compréhension, je fis un effort pour le rassurer et remarquai finalement que beaucoup d’autres allumaient l’alarme en déambulant simplement devant les toiles. Je ne me gênai plus par la suite, d’autant que les éclairages jouant un rôle très important tant pour la mise en valeur des tableaux que pour mes yeux se révélèrent appropriés pour ma vue. Je pus donc en profiter finalement.

     

    Le bouquet est venu en final : 

    Voiture, tram, marche dans la ville, piétinement dans les salles, peu de sièges… poufffff, la fatigue me gagna et ce fut la vessie qui s’y mit, forcément, pour manifester les mécontentements du corps. Allez, je tentai de fermer les écoutilles pour les dernières salles, je n’avais plus eu de souci depuis plusieurs jours, pourquoi ce jour- là  plus qu’un autre ? Il faisait chaud, lourd… et bloom, tout à coup, je sentis venir la fuite. Je me pliai et Pia demanda les toilettes les plus proches. Plusieurs salles à traverser, j’essayai de me retenir, je filai, AAAAAAAAAAAAAARRRRRGGGGGGGGG je demandai encore à passer un contrôle et j’aperçus les toilettes au loin…. Vloum, le liquide chaud coulait déjà entre les jambes et ce fut quelque peu exaspérée que j’entrai dans les toutes petites toilettes pour n’avoir plus qu’à me changer. Heureusement, je m’étais  glissée avant la séance de nettoyage. Cependant, le pantalon était inondé, mon change était resté dans le hall… Que faire ? Me promener l’arrière train mouillé jusqu’aux genoux ? Non merci ! Je décidai de ne garder que le haut et de me débarrasser du pantalon mouillé au fond du petit sachet autorisé. Par chance, les jambes étaient épilées et comme elles sont plutôt jolies, je les laissai à l’air « Bon, c’est court quand même, ne va pas trop te pencher ! » me conseilla Pia. Et j’ai terminé ma visite dans cette tenue (avec des chaussures sivousplè):



    Je ne sais pas pourquoi mais j’ai remarqué les regards, ceux des hommes et ceux des désapprobateurs. Hihi, quelles pensées ont traversé leurs esprits ? Je m’amusai finalement de la mésaventure. Qui pouvait donc imaginer que ce n’était qu’une réalité d’handicap invisible chez une jeune femme?

    Dans le hall, à la sortie, j’ai fini par enfiler des leggings (c’est comme ça qu’on dit maintenant pour les caleçons longs en recyclage mode) parce qu’en ville, heim, les tenues très courtes, c’est pas génial, même en Suisse.

     Nous rentrâmes ravies toutes les deux de l’expédition. A la maison, j’avalai mes remèdes homéopathiques pour éviter l’infection (ben oui, un immunosuppresseur en traitement permanent, des ratages du système urinaire, une grosse chaleur et c’est l’infection assurée pour bibi), incident vite corrigé.

     

    Entre la magie de l’expo, la compagnie de Pia qui a été adorable et cet épisode, je garde qonc un très bon souvenir cocasse en pied de nez aux jugements. Qui sait ce qui se joue derrière les apparences ? Avec la CNV, je sais désormais que ces jugements ne concernent que ceux qui les élaborent, ils n’ont rien à voir avec moi, ma responsabilité et encore moins ma faute. Je suis légère et la grande pudique que je fus s’amuse désormais de promener ses jambes nues dans la cohue d’un grand musée.



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  • Dans la foulée des sorties sportives, j’ai associé, cet été, l’exploit physique à la culture sous des formes variées en bonne compagnie.

     

    - Musée de l’électricité avec un fiston heureux de tester les expériences quand les panneaux d’explication ne lui apprenaient pas grand-chose (il s’est nourri la tête avec les collections IL était une fois… la vie, l’homme, les découvreurs entre autres). Nous nous sommes dressé les cheveux sur la tête dans la bonne humeur, il a testé la cage de Faraday. Il s’est également occupé d’un plus petit venu avec ses grands-parents, ils ont partagé les expériences, il a expliqué, il a accompagné et contenu l’énergie débordante de ce petiot ; les grands –parents étaient ravis de souffler.

    Dans les vitrines, j’ai souri doucement en découvrant certains objets électriques connus dans l’enfance. Les deux derniers siècles ont décidément connu une accélération folle de la technologie. D’une génération à l’autre, tout est tellement différent après des milliers d’années de continuité. Nos échelles ont tellement évolué, sommes- nous seulement conscients de la puissance données aux  hommes ? Pensées pour Pierre Rabhi, inévitablement.   

    Cette sortie électrique est arrivée inopinément parce que j’en avais assez d’être enfermée à la merci de mauvaise volonté  et ce fut sur un coup de tête que je partis avec le garçon. Premier voyage en voiture dans cette grande ville sans encombre ! Nous en avons trinqué de joie à l’arrivée, héhé ! (jus de fruits bio)

     

    - Belle journée dans un parc d’activité sur des thèmes scientifiques. Nous avons visité les pôles, les différents milieux naturels, construit des barrages, produit des énergies, répondu à des questions en dansant sur des plaques lumineuses, plongé dans les océans sur des minis- scooters sous marins, testé des balançoires improbables, discuté avec des parisiens et j’ai moi- même eu une conversation très intéressante avec une prof de prépa sur l’âpreté aux gains uniquement financiers auxquels aspirent nombre postulants aux écoles de commerce notamment.


    Je sens bien en ces moments que mon garçon est entre deux périodes de vie, les dernières traces de l’enfance le tiennent dans certains jeux et l’adolescence pointe le bout du nez avec ces intérêts et désintérêts. Heureusement que je l’ai eu tôt ce gaillard, que serait-il advenu de nous aux pires heures de la maladie s’il avait été plus petit?

     

    - D’ailleurs, lors d’une belle sortie entre amis au zoo, j’ai remarqué avec soulagement que les dures années passées à l’éduquer seule (pas tout à fait parce que chacun apprend partout et pas uniquement avec ses parents) n’ont pas été vaines. Fiston a pris en charge les trois petits de la troupe. Entre un an et demi et quatre ans, ces enfants semblaient ravis de ce grand garçon qui veillait sur eux, expliquait et sermonnait si nécessaire. Les parents ont pu profiter de leur après- midi, j’ai entendu et vu combien les structures données sont acquises, les bases solides.

     Pique-nique avec Delph, Vince et Lulu devant les otaries en dégustant sandwiches et salade de riz au soleil dans une douceur et un calme savoureux. La joie de revoir Magali, elle qui habite dans une zone où je n’ose m’aventurer en voiture parce que je la connais moins et que ses routes y sont très fréquentées. Doux souvenir que cette après midi.

     

    (suite à venir)

     


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