•  

    J'ai rencontré Caroline à l'hôpital en juin 2006 et elle reste une personne précieuse à mes yeux bien que nous ne nous voyions que trop peu. Revenue du Sénégal avec une pneumonie, elle se faisait soigner pendant que les médecins galéraient sur mon cas. Nous avons sympathisé et je le considère comme une amie. Son diplôme obtenu et rétablie, elle est repartie au Sénégal où elle œuvre avec les enfants des rues afin de leur donner la chance d'avoir une vie moins dure. Elle me fit la grande surprise de venir me voir en rééducation où elle m'avait raconté ses aventures africaines passées et surtout à venir. Nous nous étions retrouvées comme de vieilles amies séparées la veille.

    J'ai reçu d'elle un message l'an passé sur une association qui lutte contre le phénomène des enfants des rues. Je ne peux pas faire grand-chose hormis répondre aux appels lancés par cette association.

     

    J'avais été marquée par un enfant de la rue en Russie en 1990. Pieds nus, en guenilles, il avait repéré notre groupe de jeunes occidentaux et était venu mendier.  Comme nous ne comprenions pas immédiatement, il s'était agrippé à la jambe d'une jeune camarade et ne la lâcha pas tant qu'il ne fut dérangé par la venue d'un agent de police. Il détala à grande vitesse aussi vite qu'il était arrivé.  J'avais été marquée par les images des enfants de la rue dans le Cauchemar de Darwin ne supportant leur condition que grâce à la colle qu'ils inhalaient.

    Et combien d'autres...

    J'ai particulièrement été choquée par un petit reportage sur M6 au sujet de la femme d'affaire qui a fondé Tartine et Chocolat, marque « haute couture » pour  bébés et jeunes enfants. Fortune faite et reconnue pour sa réussite, elle a pris deux ans de vacances et est allée en Mongolie. Elle racontait comment elle avait été choquée par les enfants mongols obligés de dormir dans les égouts en hiver pour avoir un peu de chaleur et comment cette vision avait changé sa vie. De retour en France, elle a vendu son affaire et vit désormais à la campagne (j'ai oublié où, dans le centre, je crois) avec une maison d'hôtes où tout est simple et naturel. Finalement, elle en a fait un lieu de tourisme très coûteux  où viennent quelques vedettes en villégiature. Re business. Je n'ai vraiment pas compris en quoi cette attitude pouvait changer quelque chose à la condition des enfants mongols.  Est- elle vraiment très conne ou est- ce le reportage qui est très con ?  Par cette dénomination relative à la connerie, je pense à hypocrisie, opportunisme, pseudo moralité de gros riches qui utilisent la misère des autres pour se donner bonne conscience, éloge de ces riches montrés en exemple de réussite... Reportage écœurant à mon avis. Révoltant.

    Par contre, cette association agit dans le silence sur le terrain et il y a du travail souvent réalisé avec peu de moyens. Donc, je fais le lien.

     

    A bon entendeur.  

     

     

     

     


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  • Et voilà, c'est passé.

    Avec l'alarme de lundi et cette foutue migraine, j'ai pris bien du recul face à ces festivités et c'est avec un certain étonnement que je constate mon détachement face à des chimères passées. Sans attente particulière, je me suis simplement axée sur le partage et la présence d'autres, physiques ou en pensées. Les tourments de ma mère rejoués incessamment par la nourriture, les travers comportementaux d'autres ont glissé sur moi parce que la migraine de lundi était suffisamment pénible pour me rebuter dans ma capacité à faire l'éponge psychique. A quoi me sert- il de me rendre malade parce que d'autres  refusent d'ouvrir les yeux et/ou me renvoient incessamment à des blessures profondes ?

    Complètement inutile, inefficace et improductif.

    J'ai donc mangé avec modération et plaisir, écoutant les signes du corps, mis des mots sur des enjeux de nourriture et essayé de trouver une issue non culpabilisante à certains fonctionnements anciens. J'ai fait quelques cadeaux simples à ceux dont je savais qu'ils aimeraient ce cadeau- là et non parce que c'est une tradition ou un devoir. Je me suis surtout fait des cadeaux à moi- même. J'ai été gâtée des présents et des absents, des pensées de tous, de la place qu'ils ont pris dans mon univers mental.  J'ai aussi eu le plus beau des cadeaux avec la visite surprise de mon amie Idil. De passage dans la région avec ses enfants, elle était là devant ma porte comme envoyée du ciel. Une heure ou deux, un thé de Noël, en précieux bienfait de la vie. Trop peu de temps pour se raconter nos aventures des derniers mois, un temps si riche de la présence physique de l'autre, du son de la voix, des gestes et des attitudes.  La chaleur de ces amitiés incompréhensibles. Parce que c'était lui, parce que c'était moi disait Montaigne avec tant de justesse.

    Alors, ici et maintenant, je mesure la valeur de ce Noël, l'un des plus sereins de ma vie. Rien n'a changé, j'ai changé. Je regarde le monde d'un autre point et m'étonne des errances passées sans issue qui ne mènent qu'à la frustration.  Pourquoi attendre d'autres ce qu'ils ne peuvent ou ne veulent donner ? Pourquoi espérer qu'ils changent quand il s'agit de me changer moi- même ? Pourquoi prendre sans trier ce qui se déverse de l'un à l'autre alors que je peux choisir ce qui est bon pour moi ou non ?

    J'ensorcèle la migraine de la magie de mes pensées afin de lui donner le sens d'un signe, d' 'une mise en garde préalable dans le but de me protéger de ce qui dévore de l'intérieur par des messages inconscients perçus dans la relation à l'autre. Joli conte de Noël.


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  • Je suis dans le cirage et j'ai quelques difficultés à aligner des idées claires sous les doigts au clavier. Ma tête tape encore de ci de là et quelques hauts me soulèvent le cœur pendant que mon estomac crie sa famine régulièrement :

                        j'ai fait ma deuxième migraine digestive six mois après la première qui m'avait fauchée subitement en quelques minutes.

    C'est un effet secondaire du traitement de suite que je prends chaque jour dans l'espoir de laisser dormir la maladie.


    Tout a commencé dimanche soir après la bûche pâtissière aux trois chocolats. J'ai senti presque de suite que j'aurais dû écouter l'intuition qui m'avait soufflé « Attention » ; j'ai voulu être polie envers la personne qui avait amené le gâteau. Un vague sentiment d'écœurement généralisé me prit l'âme. J'eus du mal à m'endormir et dans la nuit, je me réveillai trempée, suant à grosses gouttes. Ces manifestations existaient avant la maladie quand je mangeais quelque plat trop sucré ; avec la chimio et/ ou la maladie, il m'arrive souvent de me réveiller inondée sous ma propre sueur sans raison apparente, réaction corporelle devenue anarchique. Une atteinte du système neuro végétatif, peut être, ont pensé les médecins. Il est très désagréable de se réveiller ainsi, de se changer dans le noir et de retourner dans un lit mouillé, le froid de l'humide traversant la peau violement. J'ai essayé des astuces souvent contrecarrées par le caractère aléatoire de la manifestation, cela ne change rien. Je me rendormis donc après les changements en pensant au programme de la journée du lundi imaginée chargée des tâches ménagères hebdomadaires nécessaires. 

    Réveil vers 7h des plus désagréables : je descendis prendre mes médicaments. Noyée par une fatigue lourde, je décidai de retourner me coucher avec l'idée de me lever lentement une heure plus tard. A presque 10 heures, ce fut mon garçon qui s'étonna de me trouver encore au lit, je tentai un lever plus énergique.  Les odeurs de la cuisine me soulevèrent le cœur ; pressentant la migraine, je pris immédiatement le traitement prescrit lors de la première par Colette (médecin homéopathe très efficace). Arrivèrent les disputes habituelles à propos de broutilles encore et toujours. J'avais beau  dire stop, rien n'y fit ce qui n'arrangea nullement mon état. Je quittai la cuisine dans une rage à peine contenue afin de m'isoler et de retrouver un peu de sérénité. Quelques minutes plus tard, après un câlin de mon fiston gêné,  je retournai en cuisine où je  ne pus  avaler qu'un thé de Noël aux épices et un demi -yaourt + lait de soja. Seule et tranquille dans la cuisine, je me nourris très peu et restai assise là, sans bouger, dans un abattement qui ne me ressemble guère. Je trainai en peignoir, ne sachant pas vraiment où me mettre. Je regardai Basil détective privé avec mon garçon ce qui me fit rire un peu. Je remarquai également la qualité des dialogues au vocabulaire des plus châtiés, rien à voir avec la pauvreté de trop nombreux produits pour enfants. Ensuite, je réussis à avaler un bol de bouillon et deux cuillères à soupe de riz complet. Comme j'étais invitée à me secouer et à m'habiller, je tournai les talons et  à la surprise de tous, remontai me coucher sans me préoccuper des questions et réflexions qui fusaient.  

    Tout l'après midi se passa dans un état de sommeil vaseux, je me surpris régulièrement  de mon endormissement au réveil brutal consécutif à un bruit, une parole. Les heures s'écoulaient, je dormais et ne répondais plus aux appels. SeN cherchait de la fièvre et voulait me fourguer son sempiternel paracétamol, un léger agacement dans la voix ; fiston venait me faire des petits bisous inquiets. La nuit tomba.

    Je sentais que les granules me soulageaient légèrement après la prise, mon état se trainait malgré eux à mon grand désarroi. Rien de mon programme n'avait pu être concrétisé et je n'arrêtai pas de dormir et dormir ; je ne me levais que bousculée par des pipis impérieux m'extirpant de ma torpeur. La nuit tombée, je restai sur le canapé dans l'attente d'un mieux qui ne vint pas constatant à nouveau qu'en cas de faiblesse générale, ma vue s'amoindrissait systématiquement. SeN était démuni et me demandait que faire. Mon ventre commença à grogner, j'avais faim et j'y vis un bon signe, une envie de tisane et de biscottes m'étreignit. L'odeur des œufs me donna envie de vomir et je décidai de prendre ma douche. SeN me guetta par crainte d'une chute. Avec ce traitement immunosuppresseur, le moindre microbe, la moindre infection prend des proportions démesurées chez moi et il m'est souvent arrivé de perdre connaissance, subitement pour un rhume, une gastro ou un refroidissement ; SeN le craint à chaque alerte. J'étais glacée sous l'eau chaude et je ne pus attendre d'avoir un repas prêt, je devais me coucher de suite. Il préféra m'accompagner, mes jambes chancelaient et volaient dans tous les sens, les escaliers en devenaient dangereux à ses yeux. Je me couchais en peignoir et m'endormis très vite, assommée.

    Vers 22h 30, un pipi urgent me précipita au rez- de- chaussée ; je tenais à me brosser les dents et le temps de mettre le dentifrice sur la brosse, je me sentis défaillir ; SeN, arrivé à cet instant s'exclama que j'étais toute blanche et je me couchai dans l'urgence sur le tapis de la salle de bains, incapable de me relever. Après quelques interrogations, je décidai de manger un ou deux abricots secs qui me firent du bien, j'avais tout simplement faim. Je me repris et allai manger quelques biscottes dans la cuisine, des forces me revinrent. Nouvelle pression de pipi et je constatai avec dépit qu'une infection urinaire s'ajoutait au tableau. Prise de tous les médicaments et retour au dodo après un brossage des dents sans peine.  Dans la nuit, je me réveillai à nouveau trempée, dégoulinante et pleine d'urine. Toilette nocturne dans un semi éveil et retour au lit où le sommeil me gagnait si vite, depuis plus de 24 heures. Je comptai sur un matin revivifiant et ce fut encore au ralenti que je passai ma journée de mardi.

     Maintenant, apparemment, je vais mieux, les maux se sont apaisés sur tous les fronts; j'ai pu me promener avec mon garçon dans quelque chemin escarpé, j'ai pu faire mon ménage avec l'aide de tous et je retrouve lentement mes capacités à formuler des pensées plus élargies. La leçon a servi, je l'espère et les repas des fêtes seront placés sous le signe de la modération afin de ne pas repasser par ces instants détestables où tout le corps fiche le camp.

    Oui, je suis vivante.  

    Oui, je marche et je me débrouille au quotidien.

    Et oui aussi, la maladie et ses conséquences sont des réalités que je ne peux ignorer, ni mes proches. Les moments de ce type me le rappellent durement.Il est des mythes auxquels j'ai désormais du mal à adhérer parce que le corps toujours me ramène à sa réalité.

    A moins que cette migraine digestive conséquence d'un traitement fort ne soit elle aussi le signal d'une situation que mon psychisme n'a pas digéré ? L'interconnexion entre l'inconscient et le corps est décidément un mystère.


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  • Je suis dans le cirage et j'ai quelques difficultés à aligner des idées claires sous les doigts au clavier. Ma tête tape encore de ci de là et quelques hauts me soulèvent le cœur pendant que mon estomac crie sa famine régulièrement :

                        j'ai fait ma deuxième migraine digestive six mois après la première qui m'avait fauchée subitement en quelques minutes.

    C'est un effet secondaire du traitement de suite que je prends chaque jour dans l'espoir de laisser dormir la maladie.

     

    Tout a commencé dimanche soir après la bûche pâtissière aux trois chocolats. J'ai senti presque de suite que j'aurais dû écouter l'intuition qui m'avait soufflé « Attention » ; j'ai voulu être polie envers la personne qui avait amené le gâteau. Un vague sentiment d'écœurement généralisé me prit l'âme. J'eus du mal à m'endormir et dans la nuit, je me réveillai trempée, suant à grosses gouttes. Ces manifestations existaient avant la maladie quand je mangeais quelque plat trop sucré ; avec la chimio et/ ou la maladie, il m'arrive souvent de me réveiller inondée sous ma propre sueur sans raison apparente, réaction corporelle devenue anarchique. Une atteinte du système neuro végétatif, peut être, ont pensé les médecins. Il est très désagréable de se réveiller ainsi, de se changer dans le noir et de retourner dans un lit mouillé, le froid de l'humide traversant la peau violement. J'ai essayé des astuces souvent contrecarrées par le caractère aléatoire de la manifestation, cela ne change rien. Je me rendormis donc après les changements en pensant au programme de la journée du lundi imaginée chargée des tâches ménagères hebdomadaires nécessaires. 

    Réveil vers 7h des plus désagréables : je descendis prendre mes médicaments. Noyée par une fatigue lourde, je décidai de retourner me coucher avec l'idée de me lever lentement une heure plus tard. A presque 10 heures, ce fut mon garçon qui s'étonna de me trouver encore au lit, je tentai un lever plus énergique.  Les odeurs de la cuisine me soulevèrent le cœur ; pressentant la migraine, je pris immédiatement le traitement prescrit lors de la première par Colette (médecin homéopathe très efficace). Arrivèrent les disputes habituelles à propos de broutilles encore et toujours. J'avais beau  dire stop, rien n'y fit ce qui n'arrangea nullement mon état. Je quittai la cuisine dans une rage à peine contenue afin de m'isoler et de retrouver un peu de sérénité. Quelques minutes plus tard, après un câlin de mon fiston gêné,  je retournai en cuisine où je  ne pus  avaler qu'un thé de Noël aux épices et un demi -yaourt + lait de soja. Seule et tranquille dans la cuisine, je me nourris très peu et restai assise là, sans bouger, dans un abattement qui ne me ressemble guère. Je trainai en peignoir, ne sachant pas vraiment où me mettre. Je regardai Basil détective privé avec mon garçon ce qui me fit rire un peu. Je remarquai également la qualité des dialogues au vocabulaire des plus châtiés, rien à voir avec la pauvreté de trop nombreux produits pour enfants. Ensuite, je réussis à avaler un bol de bouillon et deux cuillères à soupe de riz complet. Comme j'étais invitée à me secouer et à m'habiller, je tournai les talons et  à la surprise de tous, remontai me coucher sans me préoccuper des questions et réflexions qui fusaient.  

    Tout l'après midi se passa dans un état de sommeil vaseux, je me surpris régulièrement  de mon endormissement au réveil brutal consécutif à un bruit, une parole. Les heures s'écoulaient, je dormais et ne répondais plus aux appels. SeN cherchait de la fièvre et voulait me fourguer son sempiternel paracétamol, un léger agacement dans la voix ; fiston venait me faire des petits bisous inquiets. La nuit tomba.

    Je sentais que les granules me soulageaient légèrement après la prise, mon état se trainait malgré eux à mon grand désarroi. Rien de mon programme n'avait pu être concrétisé et je n'arrêtai pas de dormir et dormir ; je ne me levais que bousculée par des pipis impérieux m'extirpant de ma torpeur. La nuit tombée, je restai sur le canapé dans l'attente d'un mieux qui ne vint pas constatant à nouveau qu'en cas de faiblesse générale, ma vue s'amoindrissait systématiquement. SeN était démuni et me demandait que faire. Mon ventre commença à grogner, j'avais faim et j'y vis un bon signe, une envie de tisane et de biscottes m'étreignit. L'odeur des œufs me donna envie de vomir et je décidai de prendre ma douche. SeN me guetta par crainte d'une chute. Avec ce traitement immunosuppresseur, le moindre microbe, la moindre infection prend des proportions démesurées chez moi et il m'est souvent arrivé de perdre connaissance, subitement pour un rhume, une gastro ou un refroidissement ; SeN le craint à chaque alerte. J'étais glacée sous l'eau chaude et je ne pus attendre d'avoir un repas prêt, je devais me coucher de suite. Il préféra m'accompagner, mes jambes chancelaient et volaient dans tous les sens, les escaliers en devenaient dangereux à ses yeux. Je me couchais en peignoir et m'endormis très vite, assommée.

    Vers 22h 30, un pipi urgent me précipita au rez- de- chaussée ; je tenais à me brosser les dents et le temps de mettre le dentifrice sur la brosse, je me sentis défaillir ; SeN, arrivé à cet instant s'exclama que j'étais toute blanche et je me couchai dans l'urgence sur le tapis de la salle de bains, incapable de me relever. Après quelques interrogations, je décidai de manger un ou deux abricots secs qui me firent du bien, j'avais tout simplement faim. Je me repris et allai manger quelques biscottes dans la cuisine, des forces me revinrent. Nouvelle pression de pipi et je constatai avec dépit qu'une infection urinaire s'ajoutait au tableau. Prise de tous les médicaments et retour au dodo après un brossage des dents sans peine.  Dans la nuit, je me réveillai à nouveau trempée, dégoulinante et pleine d'urine. Toilette nocturne dans un semi éveil et retour au lit où le sommeil me gagnait si vite, depuis plus de 24 heures. Je comptai sur un matin revivifiant et ce fut encore au ralenti que je passai ma journée de mardi.

     Maintenant, apparemment, je vais mieux, les maux se sont apaisés sur tous les fronts; j'ai pu me promener avec mon garçon dans quelque chemin escarpé, j'ai pu faire mon ménage avec l'aide de tous et je retrouve lentement mes capacités à formuler des pensées plus élargies. La leçon a servi, je l'espère et les repas des fêtes seront placés sous le signe de la modération afin de ne pas repasser par ces instants détestables où tout le corps fiche le camp.

    Oui, je suis vivante.  

    Oui, je marche et je me débrouille au quotidien.

    Et oui aussi, la maladie et ses conséquences sont des réalités que je ne peux ignorer, ni mes proches. Les moments de ce type me le rappellent durement.Il est des mythes auxquels j'ai désormais du mal à adhérer parce que le corps toujours me ramène à sa réalité.

    A moins que cette migraine digestive conséquence d'un traitement fort ne soit elle aussi le signal d'une situation que mon psychisme n'a pas digéré ? L'interconnexion entre l'inconscient et le corps est décidément un mystère.


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  • Avec l'appareil photo posé en permanence sur la table à côté de mon assiette, je m'amuse chaque jour comme une petite folle sous les regards exaspérés de mes compagnons de table. Parfois, le fiston s'occupe de la technique et bidouille les réglages avec de plus en plus de précision. (Ces appareils ne sont vraiment pas pratiques avec leurs indications écrites en tout petit !). Je peux donc profiter pleinement de mes préparations et expériences malgré le temps qui passe et prendre du recul sur nos modes alimentaires. J'avoue mon étonnement face à ma capacité à inventer chaque jour, chaque semaine de nouvelles improvisations culinaires. Les mangeurs se rendent- il seulement compte de leur table quotidienne ? Mon garçon est ravi de manger «normalement » à la cantine évoquant des menus fantastiques avec des salades ou légumes bio, des frites et des rabs à n'en plus finir. Il lui arrive également de me demander de préparer quelque chose à ma manière quand le même plat à la cantine n'était pas à sa convenance. Cette complémentarité n'est pas pour me déplaire, j'en conviens. En son absence, je fais ce qu'il n'aime pas et le savoure sans avoir à supporter ses gesticulations quand il n'ose pas dire qu'il n'en veut pas. (Par exemple, aujourd'hui, foie de veau avec tagliatelles et  poêlée aux pleurotes, asperges vertes et pois gourmands... )


    En ces journées enneigées, je continue mes préparations d'hiver avec quelques divergences grâce aux légumes surgelés. C'est la symbiose du corps et de la nature conjuguée à la pratique du Qi Gong sur les reins, organe phare de l'hiver. Etre là pleinement, les pieds dans la vie, c'est une chance inespérée que j'ai trop longtemps ignorée. Attention, c'est parti sur les réjouissances des derniers jours où la soupe a enchanté nos soirées.


    -       Plat d'hiver ravissant avec des haricots coco à la tomate, des œufs durs, des crozets au sarrasin (spécialité de Savoie dont nous raffolons) avec salade de mâche et de betteraves. Je ne regrette pas du tout d'être passée aux huiles bio première pression à froid, elles sont si parfumées et douces en bouche ! L'huile de noisette ne saurait tarder d'ailleurs. Et mon chauffeur de taxi grand cuisiner des plus grands restaurants m'a parlé de l'huile de cresson ! Encore de la découverte à venir mes amis !

     


    -       Filet de colin seulement salé et poivré avec des poivrons rouges au four et salade feuille de chêne, riz complet. 


    -       Soupe à la turque, comme le fait ma voisine, avec des restes de légumes que mon amie Sabine en visite de Norvège a pu apprécier. Dans un peu d'huile, je fais revenir des oignons émincés et y ajoute une cuillère de concentré de tomate. Après quelques minutes, j'y jette tout ce que je trouve : lentilles corail, haricots verts, haricots cocos, riz complet, champignons et je rallonge avec de l'eau.  C'est une solution idéale pour finir les demi-portions restantes des repas précédents sans cette impression de manger toujours la même chose. C'est une véritable soupe à surprise !


    -       Cuisse de dinde au four avec des haricots verts, du riz de Camargue et des flageolets. Réellement économique, une cuisse nous a fait 3 repas au moins pour 3.20 euros. Stéph et ses sandwichs au saumon pour le travail en est resté estomaqué. 120g de ce saumon valait plus que la cuisse de dinde ! Ce sont des choix de vie, des habitudes ; même s'ils sont inconscients, ils engagent tout de même nos responsabilités.



    -       Un dimanche, Stéph a d'ailleurs fait un bel effort en s'occupant intégralement du repas. Filet mignon en croûte avec des frites au four pour le bonheur d'Etienne et des légumes variés (haricots verts, choux fleurs et champignons forestiers) qu'il a malheureusement noyés à l'eau. Je déteste ces préparations dénaturées par ce bouilli obsessionnel dans le but d'éviter les casseroles qui attachent. M'enfin, mis à part cet égarement, le repas était bon.


    -       Ma voisine nous a offert des sarma et du börek avec la fête du sacrifice d'Abraham/ Ibrahim que j'ai mangés quasiment seule. Tant pis pour eux, ça en fait plus pour moi na ! C'était très bon avec du riz basmati, des crevettes au curry et de la salade d'hiver que m'a ramenée mon amie Sabine. Elle connait mon goût pour les légumes et j'apprécie toujours ces petits sachets issus du jardin de ces parents.



    -       Grâce à elle, j'ai aussi préparé mes premières bettes. Après blanchiment, j'ai préparé une soupe très verte avec les feuilles et fait revenir les cotes dans la poêle avec du sel, du poivre et de l'huile. Je me suis régalée avec du riz (vous avez dû certainement remarquer que j'aime particulièrement le riz, héhé )



    -       Risotto à la tomate, sauté d'endives et poivrons rouges avec des oignons et de l'ail. Désespérants gaillards qui chipotent et/ ou refusent de manger ! Qu'est- ce que c'est bon pourtant ! Je ne comprends décidément  pas leur cloisonnement gustatif... Nul n'est prophète en son pays... et oui

    -       Poule au pot, nouvelle variation du pot au feu tant apprécié ! J'y ai mis les mêmes légumes et une racine de gingembre, simplement. Mitonnée et réchauffée, elle a réjoui mes papilles plusieurs jours sous l'étonnement des hommes qui ont reconnu le goût particulièrement savoureux du bouillon. La viande terminée, j'ai jeté dans le bouillon des lentilles corail et du riz en trop grande quantité et me suis retrouvée avec une bouillasse épaisse qui à ma grande surprise a fait le bonheur de mon garçon d'habitude très méfiant de mes tamagouilles ! J'en ai fait des galettes grillées à la poêle servies avec des salades.


    -       Soupe d'Idil. Vous connaissez mon amie Idil maintenant et c'est par elle que j'ai connu cette soupe au yaourt que nous aimons tous. Il y a plusieurs manières de la préparer et j'ai la mienne. Cuire des courgettes dans de l'eau, mixer. Ajouter du riz rond et laisser cuire. Saler. A part, mélanger un œuf avec un yaourt nature et une à deux cuillérées de farine. Quand le riz est cuit, prendre une louche du bouillon et le verser sur la préparation au yaourt, bien mélanger puis verser dans la casserole, laisser épaissir. En fin de cuisson, ajouter de l'huile d'olive à la surface et de la menthe hachée. Cette soupe est très revigorante et donnée souvent aux personnes alitées. Sans courgette, avec des lentilles brunes, ma voisine en a une tout autre version. Je peux vous garantir que c'est un délice.


    -       Raclette traditionnelle qui me frustra par l'absence des épinards en branche que je mange habituellement avec les pommes de terre.  Le lendemain, avec les restes de fromage, j'ai gratiné un écrasé de chou fleur qui me donna l'idée de raclette aux épinards ET au chou fleur qui ne laisse pas la grosse boule patate/fromage dans l'estomac. Préparés ainsi, les légumes disparaissent très vite sans bruit dans les bouches avides de gratins.

    -       Filets de sardines au four avec pommes de terre et épinards en branche. J'avais laissé une fonction du four pour maintenir le plat au chaud le temps que Stéph rentre du travail. Résultat, les filets si goûteux à midi pour mon repas ont fini complètement desséchés à 13h45 ! J'ai goûté dépitée à 17h de retour du travail et finalement, ils restaient bons. Les Slaves ont des poissons séchés ainsi qu'ils grignotent dans la journée. Je me demande où ils sont passés, je n'ai pas eu le temps de les finir, mince !


    -       Surprise du soir avec un mélange de pois chiche, d'épinards en branche, de pommes de terre et de feta écrasée. Normalement, j'avais prévu des feuilles de brick  épinards et feta, de l'houmous ; trop fatiguée, j'ai laissé tomber et ai mélangé dans l'assiette les bases non préparées.  Et ben, c'était fameux !



    -       Tajine végétarien avec tous les fonds de sachets de légumes surgelés qui traînent (flageolets, artichauts, courgettes)  et les restes de pois chiche +  carotte, oignons et ail.  Accompagné de semoule de blé dur au chanvre. Miam miam !





    -       Brandade de morue faite maison avec une écrasée de pomme de terre et de la salade de carotte. Elle était meilleure que la première cuite trop vite sur feu trop vif. J'étais contente. Je l'ai achetée surgelée déjà dessalée mais l'expérience avec la morue salée véritable ne saura tarder dans ma cuisine pour le plus grand désespoir des hermétiques aux expériences culinaires envahissantes. Hihi



    -       Enfin, soupe de potiron bien poivrée avec une potée au chou vert et à la viande hachée. Simple, rapide et tellement agréable en ces longues soirées d'hiver. 

    Voili voilà mes dernières expériences ; je dois avouer que les conversations avec le chauffeur de taxi emballent mes envies ! Je le questionne sur son parcours, ses expériences dans les grands restaurants étoilés et Michelin, relais château et même à Matignon s'il vous plait ! Il est passionné et je l'ai prévenu : « Attention ! Je risque de vous garder en otage jusqu'à ce que vous me prépariez un gueuleton ! »

    Pour les fêtes, je vais me lancer dans la préparation d'une lotte à l'orange qu'il m'a expliquée... Cela m'a l'air très prometteur, slurp !

    Et j'ai prévu des truffes au chocolat maison, un saucisson chocolat également et... et ... 


    Surprise !


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  • Pendant longtemps, j'espérais qu'un autre que moi prisse une initiative à la maison pour occuper les dimanches autrement que par les écrans et l'ennui de chacun dans son coin. Du temps de mes capacités physiques, j'arrivais à lever la masse vers des sorties culturelles et sportives avec acharnement.  Malade et handicapée, je constatais avec tristesse l'inactivité dans laquelle s'englua le fiston.  Désormais dès que j'ai assez de force, je tente avec plus ou moins de bonheur de remotiver la troupe. Parfois ça passe, parfois ça casse.

    Samedi, j'évoquai à nouveau mon envie d'aller voir le marché de Noël où Maud et Noémie avaient un stand pour la première année. J'avais vu des œuvres en cours d'élaboration, partagé des idées et des projets, il m'aurait coûté de rater l'événement. Rien n'y fit, le cavalier solitaire avait prévu sa sortie commerciale. Comme je lui renvoyai à la figure son attitude, il se renfrogna et décida de rester à la maison. Nous ne fîmes donc rien. Je dis à mon fils que si tout allait bien, nous irions à la piscine le lendemain. Il s'enthousiasma et à 8h dimanche, il était debout, lui qui traîne au lit jusqu'à midi souvent. Notre chauffeur décontenancé nous y conduisit sans trop bougonner.

    Il y avait peu de monde et nous nageâmes toute la matinée, séparément,  ensemble. Je mesurai les progrès qu'il avait fait ces derniers mois et nous jouâmes en riant avec un gros boudin évoquant Scrat, l'écureuil délirant de l'âge de glace, en faisant la course, en étirant un bonnet de bain qui ne résista pas à nos histoires de méduses et de poisson fou.  Je fus surprise de ma capacité à nager sur une vingtaine de longueurs en brasse ou sur le dos crawlé. Mon corps se plait dans l'eau et je le sentais crier sa joie de se mouvoir, de mobiliser les muscles et les articulations, mon souffle reprenait son rythme régulier.  Je fus également grandement étonnée de constater que par rapport à notre dernière venue au printemps, je pouvais lire l'heure sur la pendule depuis tous les points du bassin. A la fin de la séance, il n'y eut plus que nous deux dans l'eau et je savourai ces instants de plénitude me remémorant mes baignades dans les lacs de Carélie. La douche chaude avant la sortie ajouta à mon bonheur et contrairement à ce que j'imaginai, je ne fus nullement fatiguée. 

    De retour à la maison, petit accrochage sur le linge, sempiternelle évaluation des actions de chacun, épuisant. La tâche répétée et habituelle de l'un prend des proportions de labeur éreintant pour un autre. Et en plus, le repas n'était pas même en cours de cuisson ! Je me chargeai de vider les sacs de piscine et de préparer une belle daurade avec des brocolis, des salades et des pommes de terre. Le fiston défoulé par la natation était calme et ne tergiversait pas, les règlements de compte à table s'arrêtèrent sous mes remarques pertinentes quant à leur incapacité à sortir d'un système relationnel conflictuel.  Fiston finit par en rire et SeN lâcha prise. Ouf.  Guignols de l'info et zapping en tricot puis je commençai à activer les gaillards pour décoller. Nous partîmes à 14h50.

    Crochet par le supermarché habituel avec un bon d'achat gagné la veille et valable uniquement ce jour. Inévitablement, nous rencontrâmes  les parents de SeN, je fus exaspérée par la foule de ces dimanches d'avant Noël. La caisse prioritaire pour handicapés avait une queue aussi longue que celle des autres et je refusai d'attendre me sentant incapable de piétiner dans ces conditions. Fiston eut un lot de cartes dont il rêvait depuis longtemps uniquement avec des bons de réduction et nous repartîmes vers le marché de Noël à 16h. J'étais quelque peu courroucée craignant de ne plus rien trouver sur place ; heureusement, il n'en fut rien.

    Je sillonnai le site à la recherche de mes amies  jetant de temps à autres un œil sur les stands aux formes et couleurs attirantes.  Avec ma vue, je ne peux plus balayer l'environnement dans le but de me situer et de me représenter ce qu'il y a autour de moi en dehors des couleurs et de quelques formes indistinctes.  Autant dire que le « lèche- vitrine »  est une activité sans intérêt. (Je n'aimais pas ça avant de toute façon).  J'aperçus dans un rayon de lumière chaude le visage de Maud en pleine élaboration de crêpes.  Noémie et elle  étaient affairées et nous bavardâmes de loin pendant que les hommes de chaque côté allaient et venaient à leurs occupations. Le marché avait été une réussite, elles étaient contentes et je fus ravie pour elles surtout en voyant comment tous avaient été solidaires dans cette aventure. Je commandai deux crêpes au Nutella et une au caramel et beurre salé plus un jus de pomme froid, un autre chaud aux épices qu'ils nous offrirent chaleureusement malgré mes protestations... Slurp !  Je fondis de plaisir avec ma crêpe au caramel et y reconnus les pattes de Maud et Lorette. Un délice mes amis ! Nous prîmes deux pots de confiture magique que Maud, fin gastronome, avait élaborée dans ses expériences culinaires. Il était un peu frustrant d'être là dans la foule avec l'accaparement de chacun et nous nous promîmes de nous retrouver bientôt en des lieux plus propices à la conversation. Noémie me fit part de l'émotion provoquée par le récit de notre virée entre filles et exigea un article sur ce dimanche. Aurait-il pu en être autrement ?  Je repartis bienheureuses de les avoir tous croisés.

                       
     

    Nous divaguâmes  dans quelque magasin avec un aller urgent aux toilettes me concernant, la journée aurait- elle  malmené ma vessie ? Par chance, la catastrophe fut évitée. Nous finîmes chez ma mère  en vue d'organiser les festivités de Noël et forcément, nous fûmes invités à manger. Miam miam :  soupe de légumes toujours savoureuse, petits pâtés au poulet ou au canard, poulet farci avec petits pois, sauce à la crème et aux champignons, frites et salade de chicorée, cake au citron.  Olala, nous repartons toujours l'estomac bien plein.

    Au retour, je m'activai encore, sans fatigue à ma grande surprise et je me couchai avec l'espoir d'une bonne nuit réparatrice.  Seulement, entre la piscine, les toilettes publiques, le froid, j'avais attrapé quelque germe et ma nuit fut entrecoupée par un accident pipi fort désagréable. Pas génial le nettoyage à 3h du matin dans les escaliers!  Prise urgente d'homéopathie pour stopper l'infection et dodo plus lent à revenir qu'à partir. Ce lundi, malgré la nuit agitée, j'ai pu faire tout mon ménage portée par la joie emmagasinée la veille parce que vraiment, j'ai la chance inouïe d'être là, vivante sur mes deux jambes ; j'ai pu m'amuser avec mon fils, j'ai pu revoir mes chères amies et un marché de Noël dont j'aime l'ambiance feutrée aux lumières scintillantes dans la nuit et les odeurs épicées des préparations hivernales,  j'ai pu me régaler de saveurs fort plaisantes. Alors franchement, ce petit germe aussi contrariant fut- il, ne me prendra pas le bonheur emmagasiné au cours de cette journée, pas plus que les travers relationnels dont certains refusent de sortir.


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  • Par une fin de matinée solitaire et d'attente, arriva une jeune femme brune à l'accent chantant du sud. Elle se présenta : Elodie, psychomotricienne. Envoyée par les médecins, elle s'assit à côté de mon lit et m'expliqua qu'elle venait en éclaireuse afin de trouver ce qui pouvait me convenir. N'ayant aucune idée de ce qu'était  la psychomotricité, je restai interdite. Psycho, bon d'accord, je vois. Motricité, aussi. Et les deux ensemble, ça donne quoi ? Elle m'expliqua simplement que c'était l'étude de l'interaction de l'un à l'autre. J'eus la sensation qu'une nouvelle fois, cette évidence s'affirmait : pas de corps sans psychisme, pas de psychisme sans corps. A nouveau, les circonstances me ramenaient à un recentrage total de mon être « Vas-y reprend- toi encore une bonne claque pour te remettre les idées en place. »  De toute façon, la souffrance physique  m'avait déjà bien fait réaliser  la vanité de l'esprit à se croire détaché des réalités matérielles. Comme je l'interrogeai sur le parcours des études, des écoles, des diplômes, des moyens concrets de cette discipline, elle me parla d'expériences qui m'emballèrent immédiatement : relaxation, méditation, massages, écoute de musique, yoga, taï chi... Autant de réjouissances auxquelles je m'intéressais depuis fort fort longtemps. Etant très limitée physiquement, elle m'interrogea sur mon rapport au corps en ces instants. Je lui dis que je souffrais constamment, qu'il me laissait du répit  uniquement dans le sommeil, m'endormant dans la souffrance, m'éveillant dans la souffrance. Omniprésente.

    «  Vous ne vous souvenez plus alors de ce qu'est un corps qui ne souffre pas ? ».

    Non.

    Nous convînmes de séances de massage des mains avec de la musique de relaxation.  Elodie remarqua  rayonnante que j'étais très ouverte, que cela se lisait sur mon visage. Elle était accoutumée aux personnes noyées par la souffrance, repliées, refusant de sortir des sentiers habituels de leur vie et là, elle trouvait une personne les bras grand ouverts à tous les possibles, sans apriori et confiante, impatiente d'apprendre et de découvrir. 

    Je garde un souvenir radieux de notre premier échange.


    Elle revint le lendemain avec son petit poste et mis cette musique relaxante que je ne connaissais pas. Elle m'expliqua qu'elle n'avait plus d'huile essentielle et travaillait avec de la Biafine. J'étais un peu déçue mais bon, ce n'était pas si important. Elle me massa les doigts, la main, le poignet, l'avant-bras, remontant au fur et à mesure. Elle m'avait expliqué qu'elle avait une façon toute personnelle de travailler, refusant de s'enfermer dans des carcans trop stricts, restreints afin de s'offrir tous les moyens d'avancer avec le patient. Comment pouvais- je avoir une idée de ce que c'était puisque je n'y connaissais rien ? Nous devisions de choses et d'autres avec un objectif pour elle certainement ; je me contentai de me laisser porter. Elle était si enjouée, brillante de toute sa générosité et de sa bonté, j'avais eu confiance en elle immédiatement.  Entre questions et réponses, nous naviguions de l'une à l'autre. La maladie, les études, Toulouse, l'Alsace, la famille, les amis, le corps et les pensées. Je lui parlai de mon incompréhension face à la maladie, des sentiments qui me traversaient, de la mort que je sentais toute proche... Nous n'avions aucun tabou. Nous parlions de nous, d'elle, de moi, de nos vies. Nous aimions les mêmes musiques, nous avions un regard commun sur le monde; nomades, nous nous somme trouvées sur des sentiers similaires. Elodie a été l'un des artisans essentiels de ma renaissance.


    Grâce à elle, j'ai compris que je n'aimais pas la maison où je vis depuis quatre ans parce qu'elle me renvoie sans cesse à l'abandon dont je souffre depuis ma conception, j'ai compris que j'étais prisonnière de répétitions familiales sur au moins trois générations, j'ai compris en m'exclamant que je voulais VIVRE qu'il est nécessaire de vivre dans un premier temps pour ensuite exister et finalement être. J'ai compris surtout qu'il était temps pour moi de ne plus me contenter de survivre.

    J'ai compris que j'avais passé ma vie à me fuir et à colmater des fuites dans le bâtiment fragile et branlant de mon existence, que je souffrais des autres, que je souffrais de mon histoire et de mes ancêtres, que je souffrais de moi- même. La maladie est arrivée en cataclysme,  cri suprême d'un corps et d'un psychisme qui n'en pouvaient plus.


    Elle m'a prêtée  Michel Odoul, Dis moi où tu as mal et je te dirai pourquoi. Je ne sais pas trop quoi en penser, quelle est la part de fantasme et la part de réalité ? Certaines idées m'ont été très bénéfiques, résonnantes et productives, fertiles. Peu importe l'intellect.

    Elle m'a prêté Aïe mes aïeux, d'Annette Ancelin Schützenberg pour trouver une voie dans la psycho généalogie, si lourde chez moi.

    Elle s'est extasiée sur mon patchwork lumineux révélateur de la vie qui bouillonne  en moi. Les mille soleils de ma petite personne (ce qui explique les images choisies pour le blog, je le réalise désormais).

    Grâce à Elodie, j'ai pu ouvrir les yeux sur moi, sur le reflet que m'en renvoyaient les autres. J'ai compris que j'étais quelqu'un, j'avais une valeur, j'étais vivante et humaine. Non cette forme infâme et insignifiante, non cette sous merde ballotée par la vie et les prisonniers de leurs chimères crachant leur propre détestation sur ma personne si mal aimée. Non cet être désespéré luttant contre des moulins à vent, incapable de voir que l'essentiel de la bataille était en lui. 


    Elodie s'occupa de moi pendant les mois d'hospitalisation complète. Ce temps fut trop court à mon goût car elle a ouvert des champs immenses de réflexion et m'a permis de regarder là où un petit rien pouvait être désastreux insidieusement ; le voir enfin permettait de le déloger de ce rouage coincé ou détraqué. Le déplacer de quelque distance pour retrouver un roulement apaisé.

     Grâce à Elodie, j'ai compris que recevoir est aussi important que donner. « A force de donner à tous, il n'y a plus rien pour vous. Savoir recevoir, c'est aussi savoir donner» La maladie ne serait- elle pas le signal d'alarme de ce vide devenu béant? Ainsi, j'ai pu débuter l'acceptation des bienfaits qui m'étaient offerts par tous ceux qui m'ont aimée alors que j'étais dans le dénuement le plus complet. J'ai appris le respect de moi-même. 

     

    Elodie est celle qui m'a permis de voir dans la nuit ceux qui étaient là, vivants et morts, ceux qui me détruisaient parce qu'ils se détruisent eux-mêmes et ceux qui me nourrissaient depuis le passé, ceux qui me nourrissaient au présent.   

    Grâce à elle, la terre était fertile pour porter les fruits de la psychanalyse. 

    Grâce à elle, j'étais prête à recevoir tous les bienfaits que je n'avais pu voir avant la maladie.

    Maladie sursaut de vie,  maladie déclencheuse de vie. De Devic à de vie, il n'y a qu'une lettre et un espace...


    Elodie vit désormais en moi, ad vitam aeternam, génératrice de vie, génitrice de ma nouvelle vie. Explosion de la renaissance.

    « Et vous verrez que vous ferez votre crise d'adolescence ! » affirma t- elle en m'expliquant que quand un humain descend très bas et en revient, il repasse toutes les étapes du développement.


    Nouvelle vie, Elodie.


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  •  

    Lors de mon séjour en rééducation, dès que je fus transportable, j'eus quelques permissions à la maison pendant les weekends.

    Je me réjouis de cette perspective imaginant que je manquais à mes gaillards, qu'il nous serait bénéfique d'être ensemble, libérés des contraintes liées à la lourdeur de ma prise en charge.


    La première permission se fit un dimanche après midi, j'étais si heureuse de me rendre à la maison, de passer quelques heures avec la petite famille et de retrouver mes affaires bien qu'il me fut impossible d'en jouir. Je me souviens de peu finalement, quelques impressions tout au plus. Avec les deux heures de trajet, le temps était vraiment très court.

    J'ai été émue de revoir l'intérieur et les couleurs du rez-de-chaussée. La luminosité des fenêtres plein sud m'éblouit et faisaient ressortir les couleurs chaudes de la salle à manger. O mes livres ! Qu'ils me manquaient ! J'avais du temps et pas les yeux, c'était très frustrant. Je fus étonnée du bazar qui régnait. SeN m'avait tant reproché mon bazar omniprésent et préjugé de mon incapacité à avoir un intérieur impeccablement rangé, j'avais naïvement pensé qu'en mon absente et mon garçon plus souvent chez El. , la maison serait enfin nette et ordonnée ; il n'en était rien, tiens ? Bah, il n'avait sûrement pas le temps.Les repas me firent remarquer qu'il y avait des progrès dans les préparations, les plateaux repas de l'hôpital me lassaient et j'étais contente de goûter d'autres saveurs.

    Nous attendions la visite des parents de SeN trop contents de me revoir en ces murs,. Le pauvre n'arrivait pas à gérer et les soins de l'après midi se révélèrent catastrophiques à l'instant même où ils arrivèrent. Je réalisai combien la vie à la maison avait été un calvaire, comment avais-je pu tenir et supporter tout cela si longtemps ? Le séjour à l'hôpital me faisait comprendre que nous avions subi une situation  intolérable et inextricable.  J'en arrivai à penser que je ne reviendrai que lorsque je serai autonome, SeN ne pouvait ni le gérer, ni le supporter.

    Quand l'ambulance revint me chercher, c'était presque la panique, nous avions été dépassés par les événements. Au bout du compte, nous n'avions rien fait.  Laisser mes hommes fut un véritable crève-cœur, je pleurai et pleurai de longues minutes de les quitter. Et puis, je retrouvai le confort d'un lieu adapté et toutes les personnes qui prenaient si bien soin de moi.


    A partir de la deuxième, je partis du samedi au dimanche. Le traitement améliorait mon état et nous trouvions des traces d'organisation alors que je récupérais quelques petites capacités physiques. Nous ne faisions pas grand-chose puisque je ne me souviens de rien sauf de la dureté du lit. Pas étonnant que j'ai eu des escarres à la fin de l'année 2006 !


    Il y eut ce weekend end de février où nous pûmes préparer un petit goûter d'anniversaire pour le fiston qui fêtait ses dix ans.

    Avant de venir dans cette maison, je ne les fêtais pas en raison de l'absence de place dans nos petits appartements. Arrivés en ces lieux, cette organisation était plus facile et il avait eu quelques beaux  goûters avec une ribambelle de camarades, des thèmes différents dont un gâteau hérisson par exemple. Evidemment, je m'occupais de tout, les gaillards n'y pensant pas.

    Quand je fus malade et hospitalisée, rien ne se fit à leur initiative. Comme j'allais mieux avec deux perfusions, je lançai l'idée d'organiser une petite fête malgré tout et mon fiston paniqua. SeN était décontenancé et ne savait pas comment s'y prendre, cela lui sembla inopportun. J'insistai et nous pûmes inviter deux camarades, les autres ne pouvant se libérer la veille ou simplement le jour même, avertis au dernier moment. Je réussis à faire un gâteau au chocolat (Ne me demandez pas comment !) avec un Playmobil sous un ramequin en lieu de pilote de soucoupe volante et  à ordonner quelques décorations sur le thème de l'espace et de l'air. Quelques adultes se joignirent à nous et bien que la fête fût des plus simples, je fus heureuse de lire la joie sur le visage de mon garçon entre ses deux camarades. SeN avait pu amener quelques boissons et autres sucreries, ces trois enfants furent ravis surtout de jouer ensemble toute la journée. Mon fauteuil ne me gêna pas et je suis fière d'avoir réussi à offrir ce petit jour à mon garçon. Peut être était-il heureux simplement de me savoir près de lui et capable de participer à nouveau à la vie de famille.


    En y réfléchissant, je me souviens en riant de ce dimanche où je demandai de l'aide à SeN pour m'épiler. Depuis des mois, ce n'était vraiment pas une priorité et je m'excusais souvent auprès des soignants de ma pilosité. Comment aurais-je pu y remédier, paralysée et aveugle ? Une infirmière d'urologie m'avait répondu en riant qu'en hiver, elle aussi se tenait au chaud avec sa fourrure naturelle.  Comme de toute façon, je ne voyais rien, je ne me rendais pas compte de l'ampleur des dégâts.

    Ayant retrouvé des sensations et de la mobilité, je découvris du bout des doigts qu'il était plus que temps de réagir ! Entreprise de grand travaux que SeN hésita à prendre en charge. Je dirigeai les opérations et la panique s'amena avec les ambulanciers qui me recherchaient déjà en début de soirée. Il me fit le minimum syndical malgré mes protestations et je repartis mi amusée mi frustrée avec seulement le dessus des mollets épilés.

    Le lendemain, je racontai ma sortie à Anne et Jess. La première remarqua l'inachevé et la seconde m'expliqua qu'elle pouvait me le faire parce qu'il n'y avait pas de raison à ce que les patientes subissent ces inconvénients. Je fus touchée de cette attention et me promis de ne plus garder des poils intempestifs. De toute façon, avec les épreuves traversées et la sempiternelle suite de soins, mon rapport au corps était définitivement bouleversé et je ne fais désormais que ce dont j'ai envie quand j'en ai envie et sûrement plus pour répondre à de soit- disant obligations esthétiques et/ ou sociales. 


    Un autre dimanche, il y eut également une sortie dans le froid ; SeN et son père me portèrent dans les escaliers de l'entrée et notre petite troupe partit en promenade vers un chemin coutumier et goudronné. En fauteuil, les voies se réduisent forcément, exit les chemins de terre ou trop accidentés ; exit les rues aux trottoirs trop étroits, exit les pentes abruptes ou longues.

    SeN s'inquiéta et m'imagina dans les fossés, les quatre fers en l'air, pestant de ne pouvoir me porter quand fiston eut l'idée de faire la course. De son petit gabarit de garçon de 10 ans, il s'enquit de me pousser à toute vitesse et de me mener dans une course folle. Je rassurai SeN , il n'y avait pas lieu de s'inquiéter et j'en avais tellement envie ! Ainsi donc, exacerbant les angoisses du gaillard, mon garçon et moi partîmes aussi vite que possible.  Le fauteuil allait et venait dangereusement, je criai quand il fallait redresser,  fiston y mettait tout son cœur et son énergie pendant que SeN hurlait et s'exacerbait de notre inconscience, présageant des catastrophes ingérables.

    Qu'est- ce que j'ai ri ce jour-là ! L'air glacé qui claque au visage, le vent qui souffle... je me sentais revivre. Fiston était si fier d'être maître de ce jeu, si fier de contrôler le fauteuil de sa mère.  Non pour dominer les adultes, simplement pour se prouver qu'il était capable de contrôler une petite partie de notre expérience des derniers mois. Enfin, je pense qu'il y a de ça là-dessous. 


    Ces séjours à la maison ne m'ont pas laissé de souvenirs impérissables en dehors de ces quelques uns, je vivais l'instant présent sans penser à autre chose que de profiter des petits gestes du quotidien ou de reprendre mes repères dans cet environnement autrefois familier.  Il y avait les soins, les impératifs liés à mes handicaps, il y avait la tension omniprésente sur les épaules de SeN qui devait tout gérer, les inévitables chamailleries usantes et fatigantes.

     Présentes avant la maladie, elles n'en devenaient que plus stupides et exaspérantes au regard de notre parcours. Je ne venais que quelques heures par semaine et je n'échappai pas à la spirale sourde de la violence des échanges qui gâchait ma joie d'être à la maison. Grâce au travail entamé avec Elodie, je commençais à prendre conscience de ce qu'il se passait entre ces murs, je ressentais le besoin vital de ne plus les  subir mais malgré la maladie, malgré mes demandes et mes injonctions explicites et répétées, je ne voyais pas l'issue de nos travers relationnels. Repartir me déchirait le cœur, m'arrachait des larmes, je constatai cependant qu'il me prenait l'envie de retourner dans un environnement plus sain et chaleureux. Aussi aveugle que je fus, mes yeux commençaient à s'ouvrir sur ce que nous ne voyons jamais quand nous sommes pris dans la gestion du quotidien, l'évidence que l'on nie de son regard fuyant. Je prenais conscience du  changement profond  et irréversible qui s'était opéré lentement en moi, sans que je pusse en dater le début.

    Rien n'avait changé, j'avais changé.

    Mon regard se posait sur le même monde depuis un point de vue autre. Je réalisai l'illusion dans laquelle je m'étais fourvoyée depuis trop longtemps. Il était temps  de sortir de cette vie en prison où je m'étais enfermée moi- même avec la complicité inconsciente de tout mon entourage.

     Le corps ne crie pas inutilement. Les mains se tendaient et cette fois-ci, je m'y accrochai.

    Que cesse désormais l'opération auto destructrice.


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  • Je tenais simplement à ajouter qu' hier, dans la salle de cours, j'ai vu, avant de partir, un grand Bienvenue à mon égard sur le tableau blanc ; j'en suis restée sans voix. Il y a une telle rotation des stagiaires que les actuels ne me connaissent probablement pas, surtout en cours de math. Et pourtant, mon collègue a eu ce geste si touchant signifiant sa joie de me revoir et cette place que je n'ai jamais perdue au sein d'une équipe solidaire et soudée.



    Avez- vous remarqué que j'ai écrit Connes au lieu de Cannes ?  


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  • Après des mois de luttes administratives avec toute une équipe serrée autour de moi dans une mêlée avançant centimètre après centimètre, j'ai ENFIN pu reprendre mon travail. (J'essaierai de raconter cette aventure épique plus tard)  J'en trépignais d'impatience depuis plusieurs semaines et plus je m'approchais de la date, plus je me sentais fofolle.  Ce fut donc toute guillerette que je partis avec le taxi désormais mis à ma disposition par un financement de la Région.


    J'étais porteuse de salut des uns aux autres par les liens que je créai grâce/ à cause de ma loquacité pendant les transports avec les différents chauffeurs de vsl et autre taxi.  Ainsi, j'en vins à raconter des pans de ma vie d'avant, des conséquences de la maladie : handicaps invisibles, bouleversements du quotidien et des projets, ce sentiment étrange que je ne me suis jamais sentie aussi bien après le grand ménage que ces épreuves avaient provoqué. Je n'ai pas de difficultés à répondre aux questions et à expliquer.


    A l'arrivée avec mon chauffeur très prévenant (je prends goût à ces commodités, hi hi)  j'ai embrassé mon collègue qui m'attendait sur le pas de la porte tout ému, un large sourire sur le visage et ma supérieure  quand elle est arrivée. J'ai vidé mon sachet empli de ce qui retrouvait sa place et je suis repartie avec une grosse boite de pains d'épices au chocolat, cadeau de mon collègue qui me touche grandement. Je n'ai pas pu voir la secrétaire qui travaille ailleurs le mardi et j'espère la voir jeudi matin. Son supérieur un peu bourru habituellement s'exclama en me voyant « Tiens, une revenante ! » Je lui répondis qu'il ne pouvait pas mieux dire.  

    J'ai remis de l'ordre dans quelques papiers, j'ai essayé de prendre mes repères dans ces lieux connus et pourtant différents en raison de ma vue déficiente. Moult informations me sont désormais inaccessibles et des automatismes d'hier prennent du temps à revenir parce que je n'ai plus les mêmes moyens physiques : je ne peux plus lire les fiches des stagiaires à la première rencontre, les étiquettes des dossiers sont écrites trop fin et petit sur des fond jaunes ou orange, je ne peux plus courir d'une pièce à l'autre, j'ai oublié le code de la photocopieuse... Cette machine  avait disparu de ma vie pendant deux ans et demi et je la retrouvai avec quelques hésitations. Les touches et les écrans si petits m'obligent à coller mon nez dessus, je repérai le relief sur la touche 5 auquel je n'avais jamais prêté attention avant la maladie. Ce fut avec une réelle délectation que je fis mes recto- verso, en paquet, en individuel... Ah ! Ces petits gestes du quotidien dont nous ne mesurons pas la richesse. Evidemment, avant, je pensai toujours aux copistes du Moyen Âge qui passaient leur vie dans le froid et les courants d'air à transcrire des œuvres. Que penseraient -ils de nos facilités à dupliquer ? Bah, dans 100 ans, nos papiers se seront auto détruits de leurs propres acides et les enluminures n'auront rien perdu de leur magnificence. J'en ai vu datées de mille ans qui resplendissaient comme au premier jour de leur temps, notre civilisation a quelque chose de dérisoire face à elles.


    J'avais été prévenue que je n'aurai pas beaucoup de stagiaires, le mois de décembre n'étant pas idéal pour une reprise ; entre la fête du mouton et les préparatifs de Noël, les volontés se ramollissent.  J'eus donc une seule personne. Je tâtonnai et travaillai ardemment avec elle sur l'expression de la position, parlant et répétant inlassablement les phrases types. Mes automatismes revenaient vitesse grand v, les bâillements répétés en plus (ce sont les médicaments).  Finalement, je n'ai rien perdu de mes capacités, j'espère les avoir enrichies avec l'expérience des dernières années.

    Au détour de la conversation, je reçus des nouvelles d'une ancienne stagiaire russe qui avait vanté mes mérites professionnels et humains auprès de cette jeune femme.  Ola ! Comme il est étrange de revenir et d'entendre que tous ces mois, je n'avais pas été oubliée, que les stagiaires réclamaient mon retour sans cesse. Que l'activité reprenne son cours et j'en retrouverai avec bonheur quelques uns.  Je me sens inondée d'amour et de gratitude , je suis habitée de toutes ces rencontres merveilleuses.

    Au passage, elle me demanda mon âge, je répondis, 36. Elle resta bouche bée, elle ne m'en donnait pas plus de 25 ans. Hé hé.  Je fais 10 ans de moins depuis près de 15 ans : on me prenait pour une fille mère quand j'étais enceinte de mon fils. Et moi qui pensais que  les soucis, la rudesse de la vie et la maladie avaient marqué mon corps !  Je la remerciai chaleureusement, j'étais gonflée à bloc.


    Mes heures passèrent très vite et j'ai quasiment  oublié la fin de la séance ; cela était une de mes caractéristiques également, avant ; je suis constamment ramenée au temps par les stagiaires. Seulement, désormais, j'ai un chauffeur ponctuel, je ne peux plus déborder comme autrefois. Je me hâtai de reprendre mon sachet (j'en ai rien à faire des apparences et je ne ressens pas le besoin d'avoir un sac, un vrai au risque d'en déstabiliser certains avec mes paniers ou sacs plastiques)  et je filai avec des grands gestes d'au revoir, à jeudi.. Le retour fut des plus intéressants, mon chauffeur avait été cuisinier pendant 15 ans dans les plus grands restaurants d'Europe : Martinez de Connes, Georges V à Paris et bien d'autres. Il m'époustoufla de son cv et nous devisâmes vivement des goûts, saveurs et expériences culinaires. J'évoquai mes modestes tamagouilles, il ne les regarda pas avec mépris parce que nous étions dans les mêmes idées : multiplier les goûts pour apprivoiser les saveurs et se lancer dans l'aventure de leur alchimie, travailler et préparer des produits de base, de saison, expérimenter tous les possibles. Le trajet, tout comme l'après midi a filé sans que je ne le remarquai.Et il y eut deux heures de phonétique avec ma jeune voisine ukrainnienne, je ne suis même pas fatiguée ce soir.


    Alors oui, bien évidemment, les autres stagiaires ne sont pas venus et ce n'est pas bon pour les finances. Oui, l'avenir est très incertain avec les changements dans les procédures de financements. Oui les organismes de formation sont placés dans des positions tangentes par les politiques. Oui il y a un travail énorme à fournir seulement pour préserver nos emplois... Oui, rien n'est parfait. Néanmoins, nul ne sait de quoi demain sera fait et je suis bien placée pour le comprendre réellement. Alors, simplement, je savoure ce premier jour de retour au travail.

    Nombreux sont ceux que je remercie du fond du cœur pour leur aide, leur soutien, les combats qu'ils ont menés afin que je revienne,  pour les aménagements et la flexibilité dont ils ont fait preuve. Au regard de ce qui me revient à travers les autres, je peux enfin accepter l'idée que je suis une bonne personne, une personne de qualité sans que cela ne me gêne. C'est par respect pour eux tous que je l'accepte. .


    En juin 2006, j' arrêtai de travailler un mardi.

    En décembre 2008, je repris un mardi. 

    La boucle est fermée. Pour un temps du moins.  


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