• J’attendis quelques semaines pour avoir une place. Au retour de la dernière hospitalisation, je marchai quelques jours avec une béquille, puis deux et finalement, les chutes se multipliant, je fus contrainte de retrouver le fauteuil. Quelle rage de ne pouvoir bouger ses jambes à sa guise ! Quel désespoir que d’être dans l’incapacité de se déplacer ne serait- ce que de quelques centimètres et de devoir de traîner sur le sol pour rejoindre un fauteuil ou une chaise et s’y appuyer pour remonter à la force de petits bras pas musclés ! Je savais au fond de moi que les effets de la cortisone ne dureraient pas et quand un soir, en revenant d’une séance de kiné, je ne pus monter mes jambes, l’ambulancière souleva chacun de mes pieds pour les poser sur les marches, l’un après l’autre. Il ne fut plus possible d’utiliser le vsl ; désormais, il fallait une ambulance et deux personnes pour me transporter.

    Je ne me souviens pas précisément de mon arrivée en  hôpital de jour. Ma vue était très mauvaise malgré une petite amélioration, je me retrouvais dans un lieu inconnu, les images ne purent donc  s’imprimer dans ma mémoire. Mon programme était conséquent avec trois demi- journées par semaine, kiné intensive, ergothérapie. L’équipe tint compte de mon fiston, de ses horaires d’école et je pouvais donc être là pour lui le plus possible. Evidemment, en raison de la distance séparant le domicile et l’hôpital, il fallait ajouter  deux heures en plus pour le transport. 

    Je fis la connaissance des infirmières, de Raphi, le kiné, de Maud et de Myriam, les ergothérapeutes. Quand la vue n’est pas là, les sens utilisent d’autres chemins pour les repères. Raphi aux pieds traînants, Myriam au pas cadencé devinrent  des éléments importants de reconnaissance. Les voix prenaient une place primordiale; sans parole, je ne reconnaissais pas mes interlocuteurs.

    Très vite, les heures passées en leur compagnie devinrent très agréables et les sorties pour l’hôpital des repères essentiels de mon quotidien. Pendant le parcours, je discutais avec les ambulanciers et certains comme Katia, Emilie, Estelle ou Ali m’offrirent des sujets passionnants avec de véritables échanges. Avec Raphi, il y eut un tâtonnement, histoire de se connaître puis, nous partîmes très vite dans des sujets de haute volée sur des questions métaphysiques. Myriam et Maud, tout en me faisant travailler, me faisaient rire et nous devisions sur la nourriture (Ah ! les ergo et leurs trésors de bouffe !). Pour ma plus grande satisfaction, je délaissai vite fait les activités de vissage, dévissage, assise, debout et autres pour l’atelier de travaux manuels. Je voulais profiter des connaissances et du matériel des ergo pour apprendre de nouvelles techniques. En premier, ce fut la vannerie. Idéale pour une malvoyante, je découvris avec elles l’importance de la mémoire du geste.

    Je me tenais debout en ergo; le kiné et ses stagiaires me faisaient travailler la reprise de la marche. Comment se relever en cas de chute ? J’avais déjà trouvé seule, par la force des choses. Equilibre, marche… Les bilans systématiques auxquels je me prêtais avec bienveillance me laissaient un goût amer ; les termes techniques renvoyaient constamment  à mes pertes physiques, les explications sur les troubles, les tests me confrontaient à mes incapacités, la confusion incessante avec la sep m’amenaient à ré expliquer et ré expliquer… Au bout de quelques uns, je demandai à Raphi de m’éviter ces bilans, ce qu’il comprit...
    Je préfère me souvenir de nos échanges  sur nos expériences de vie hors hôpital, d'Alain, cadre de santé toujours à me taquiner, de l’étonnement des stagiaires et de ses collègues  quant à ma souplesse. Les pauvres ! Pour arriver à m’étirer, ils devaient aller au bout d’eux-mêmes ! Elastigirl !  Ou « Vous devriez faire du ski, vous avez un beau jeu de jambes ! ». Nous nous amusions bien les uns les autres et je n’étais pas en reste pour trouver quelques boutades ; tout se déroulait dans un bon esprit. Je me sentais bien parmi eux. Et quand j’avais un coup de blues, les ergo me faisaient rire ou me donnaient du chocolat ; quand j’avais mal quelque part, Raphi me massait ou me faisait craquer le squelette. Ouah ! Merci merci... ET quel bien être que de se trouver en compagnie de personnes qui connaissent la réalité de la vie dans ces conditions, qui voient surtout la personne dans sa globalité et non pas seulement un patient.  Bravo à tous, je ne suis pas prête de vous oublier...

     

     

     

     

     

     


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  • A ma sortie d’hôpital, je demandai à Gilles s’il était possible d’avoir une copie de mon dossier afin d’aller voir éventuellement, en complément, en accompagnement, des thérapeutes alternatifs. Il ne refusa pas en restant sur sa réserve, et me raconta comment une de ses patientes avait abandonné les traitements classiques pour une clinique en Allemagne à injections de cellules je- ne- sais -quoi. Il me mit en garde : « Faites attention, plus c’est cher, plus c’est douteux  ». J’évoquai alors des méthodes alimentaires (Seignolet, Kousmine), il me conseilla de pratiquer ce qui pouvait m’apporter quelque bien- être mais que lui restait très dubitatif, il n’y avait pas de preuve scientifique quant aux résultats de  ces méthodes. Je ne pus m’empêcher d’exprimer la pensée fugace qui me traversa l’esprit sur l’instant : "Vous savez, le point de vue scientifique, ça n’est quand même toujours qu’un point de vue". Il sourit. 

    J’ai repensé à ce petit échange dernièrement en écoutant, par hasard, une émission sur France Culture parlant du point de vue scientifique  (je n’ai pas noté le jour, ni l’émission, tant pis… à chercher, si quelqu’un a des infos…). Selon l’origine des chercheurs (France ou Japon), les conclusions d’une étude sur des mouches spécifiques (drosophiles?) étaient différentes  alors que  le protocole était identique dans les deux laboratoires. Les questions de départ, la démarche et le regard posé sur les résultats passent automatiquement par la « culture » de celui qui réfléchit et conclut. L’histoire des sciences ne dit rien d’autre

    Sans oublier également que la majorité des études scientifiques sont financées et commanditées par les grands industriels par rapport à des marchés commerciaux existants ou potentiels ; les régimes et le cholestérol des riches intéressent plus que le paludisme des pauvres… le profit avant l’ humain.

     

    Clin d’œil à ma remarque. Lui au moins ne s’en est pas offusqué. 


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  • Premier séjour dans le service de neurologie.

    Les chambres y sont neuves et baignées de soleil. Très vite, je fus connue pour être celle  vivant dans l’obscurité, je ne supportais aucune lumière naturelle et uniquement les lumières artificielles indirectes. Je ne marchais plus, arrivée dans le vieux fauteuil. Je pouvais faire mes transferts du fauteuil aux sièges et lit seule ce qui me permit d’être assez autonome.  Je ne me souviens plus qui vint me dire que j’allais repasser une batterie d’examens car l’évolution de la maladie était inhabituelle pour une sep. Et ce fut reparti pour des prises de sang, une ponction lombaire, des pev et j’en passe. Mon  amie Sandrine vint me voir presque tous les jours, je la sentais très soucieuse. Elle me gâta avec du pain au levain, des friandises et une bouilloire pour faire des tisanes. Elle a été aux petits soins pour moi, merci ma belle. coeur-qui-eclate-autour-de-la-t-te.gif

    Comme je lui racontais que sur la précédente Irm, il y en avait plein la colonne, elle tiqua. Non, ce n’était pas une sep ; une de ses amies infirmière l’avait déjà faite douter, les dernières nouvelles enflaient sa défiance. A nouveau, je me promenai entre espérance et désarroi. L’interne, adorable jeune femme roumaine me fit une ponction lombaire sans douleur, me rassura sur les possibilités thérapeutiques actuelles. Cette fois-ci, j’eus ordre de rester allongée strictement pendant au moins deux heures en buvant beaucoup. Grâce à cette précaution, je n’ai pas été malade. Je repris espoir.

     

     Les pev confirmèrent une dégradation de la vue très forte. Un autre médecin D. vint me trouver pour me parler de ma situation : oui, ils cherchaient tout ce qui était possible, même les maladies rares et extrêmement rares, les examens allaient dans le sens d’une pathologie démyélisante type sep. A ces mots, je lui demandai d’une voix tremblante  pourquoi la corticothérapie avait été aussi peu efficace, il haussa les épaules, tendit la main vers moi et souffla un «Vous faîtes partie de la minorité de personnes chez qui elle ne l’est pas et nous en sommes les premiers désolés. » A d’autres reprises, je le trouvai brutal et le considérai vite comme un oiseau de mauvais augure. 

    Une fois seule, je sentis la tristesse m’envahir, les larmes pointaient au coin de l’œil de façon incontrôlée, je voulus aller dans le coin toilettes et par une fausse manœuvre, je glissai sur le sol, me blessant encore au coin du fauteuil métallique, N’arrivant plus à me remettre, je sonnai et une aide-soignante me trouva au sol. Elle chercha une infirmière, elles me replacèrent.  Je bafouillai quelques mots d'excuse et les larmes coulèrent. L’aide- soignante, Amandine, me gronda gentiment de ne pas pleureur et Céline l’infirmière fut d’une extrême gentillesse, Elle repassa plus tard avec Gilles, il me questionna sur mon moral, je repartis malgré moi en lui expliquant que l’on ne cessait de me dire que cela allait s’arranger, depuis trois mois ,  que force était de constater que rien ne s’arrangeait, c’était difficile de passer pas tant d’états émotionnels, j’étais découragée.  Il me rassura, je me sentis mieux ; il a ce don de vous parler.
    Je ne suis pas prête d’oublier certains de ses gestes si chaleureux, notamment ce jour où j’attendais pour passer les pev. J’étais dans un couloir, les yeux perdus dans le brouillard omniprésent qui m’entourait désormais. Des bruits m’attirèrent et je portai mes yeux sur une très grande personne en blouse blanche  -la position assise dans un fauteuil change bien des repères -, je le reconnus de suite à ses gestes, sa silhouette, nouveaux signes de distinction pour reconnaître les gens autour de moi. Je le saluai de loin par un « Eh, bonjour monsieur R. ! » avec le sourire. Il s’approcha et s’accroupit devant moi en saisissant les bras du fauteuil ; déjà là, j’y vois beaucoup de son humilité et en plus, il se mettait à ma hauteur. Il me parla de résultats en attente sur certaines maladies partis à Lyon, à Lille, à Paris pour poser un diagnostic. Je lâchai d’une voix dépitée que le diagnostic m’importait peu et que je ne demandais qu’à être soignée, il assura  s’y attacher. Il confirmait l’intuition que j’avais eue de lui à notre première rencontre.

     

    Dans un premier temps, il préconisa une corticothérapie de 3g sur trois jours pour essayer de récupérer de la vue. Je retrouvai sans enthousiasme le régime sans sel ni sucre… Pfff.  Pour accompagner ses effets notables, je reçus quelques séances de kiné d’un jeune homme très sympathique avec qui je riais souvent surtout au sujet de mes pauvres jambes blessées et couverte de bleus à cause de ce fauteuil inadapté, ce fauteuil « violent » comme je le nommais.  (J’ai malheureusement oublié son nom, j’ai plus la mémoire des gestes, des voix et des visages)  La liste des stagiaires rencontrés ne faisait que commencer avec cette première équipe de jeunes venus d’une école de kinés d’Allemagne.  Les veinards, ce n’est pas souvent qu’on trouve des cas comme le mien ! D. était optimiste ; il me fit faire quelques pas alors que je lui serrais fort les mains: la marche était bonne, il fallait corriger les déséquilibres.  Entre béquilles et déambulateur, je réussis à faire des pas dans le couloir sous les encouragements d’une infirmière pleine d’espoir. Je la remerciai et verbalisai mes doutes quant à la durabilité des effets.

     

    En fin de séjour, Gilles m’expliqua que les interférons ne seraient pas suffisants face à une telle virulence et qu’il fallait passer à un traitement plus lourd, l’Endoxan, forme de chimiothérapie plus légère que celle des cancers avec toutefois des effets secondaires peu réjouissants. Il fallait quelques temps à l’hôpital pour mettre en place le protocole de traitement et en attendant, je serai prise en charge en hôpital de jour, rééducation fonctionnelle pour de la kiné intensive.

    Un médecin de ce service me retrouva dans ma chambre avant ma sortie. Il était très volontaire et engagé dans sa démarche : «  On ne va pas vous laisser rentrer chez vous, seule avec un diagnostic tel que le vôtre comme ça ! Nous allons vous prendre en charge. »  Rien à voir avec les pratiques observées par ailleurs et c’est tout à leur honneur !  Dans la même logique, j’ai rencontré une assistante sociale qui me questionna sur ma situation de logement, de famille, etc. Par elle, je retrouvai une de ces collègues qui était de ma famille.

    Claudie ne manqua pas de venir me voir et nous échangeâmes les dernières nouvelles. Ce fut à cet instant que j’appris la maladie de ma plus jeune tante atteinte d’un cancer grave. Je ne pus en supporter plus et je fondis en larmes dès que je fus seule. Mais que se passait-il ? Quel sort s’acharnait donc sur nous ?  (je ne vous raconterai pas tout, ce serait trop long et pénible)

     Je rentrais à la maison dans l’attente de ma rééducation et repris contact avec mon autre tante, Thérèse. Sa plus jeune sœur avait un cancer généralisé, nous avions appris nos maladies respectives à quelques semaines près et je fus effondrée. Tout me semblait terriblement injuste !  Avoir  vécu les épreuves des derniers mois donnait un sens plus que concret à ce que je pouvais imaginer de son parcours ; ce sont des résonances horribles et dévastatrices.



    Pensée particulière pour Sandrine des Vosges et Michèle.

                                                
     La première ne pouvait venir me voir et elle me téléphona tant qu’il lui était possible ; elle suivit tous mes états médicaux et émotionnels, me soutint de sa petite voix lointaine, hésitante et posée. A chaque sonnerie de téléphone, je sentais monter l’espoir, l’espoir de l’entendre, l’espoir d’être entendue et l’espoir de ne pas être seule. 

      Michèle est une collègue de travail pleine de vie, d’énergie, de compassion, de positivité. Elle vint me voir avec un superbe bouquet de roses dans un petit panier à oiseaux qui parfuma ma chambre et ravit mes yeux aussi faibles fussent–ils, sans compter le contact soyeux des fleurs. De la fenêtre à la porte, je ne la reconnus pas et quand elle me parla, je fus baignée de joie. Car à travers elle, je voyais aussi mes collègues et tous ceux que j’avais laissés en juin. Jamais, à aucun moment, je ne doutai de leurs pensées et Michèle a toujours été là pour me soutenir et me remettre sur la voie de la vie et de l’espérance.
    Merci à vous deux.

     

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  • Je ne saurais dire exactement ce qui se passa ; je me souviens avoir pris ma voiture pour aller faire quelques courses de ravitaillement à notre retour et pour passer l’irm de contrôle commandée par Gilles. Je me souviens également de ce buffet en France que nos jeunes mariés norvégiens avaient organisé chez les parents de Sabine à destination de ceux qui n’avaient pu venir. Je revis plusieurs personnes avec bonheur ; certaines attitudes m’insupportèrent, il y en eut pour me déverser leurs problèmes dérisoires (Ah, l’égocentrisme ! Il rend aveugle et inintelligent !). J’eus quelques encouragements, des conversations intéressantes et quelques fugaces rencontres. Je fatiguai vite pourtant, restant assise tout du long, SeN me soutint pour retourner à la voiture car mes jambes me faisaient constamment défaut… Sur ces quelques jours entre deux, il me reste surtout en mémoire cet étrange mélange d’espérance et d’inquiétudes, cette incessante sensation que cette mésaventure n’était pas terminée.

    J’avais obtenu l’ald ; Colette m’avait raconté comment elle passa une heure au téléphone avec le médecin conseil de la Sécurité sociale qui rechignait à me l’accorder. Les documents en sa possession, copie des rapports d’hospitalisation, n’étaient pas évidents, la maladie de Devic arrivait en conclusion après des démarches partant dans tous les sens. J’entends encore sa voix répétant l ‘exclamation du médecin : «  Mais c’est un Devic ou pas alors ? » Elle avait insisté présageant la lourdeur des soins qui me seraient nécessaires et ses arguments me permirent de bénéficier de la prise en charge totale. Comment aurions- nous fait autrement ? Quelle tragédie représente  une telle maladie dans les pays où il n’y a pas la Sécurité sociale solidaire, pour tous ?  Colette nous avait soignés pour les bobos usuels de la vie depuis près de dix ans, j'ignorais comment elle allait gérer cette maladie ; à partir de cet épisode, je sus que je pouvais m’en remettre à elle.  A aucun moment, je n’eus à changer d’opinion.

     

    Je me reposais donc de nos vacances, désireuse de profiter pleinement des derniers jours avant la reprise du travail, entre le quiltage du patchwork assemblé en juillet, des petites tâches ménagères, Internet, la lecture, la télévision et ses Hercule Poirot, la préparation de la rentrée du fiston… Rien d’extraordinaire, la sécurité des préoccupations quotidiennes. SeN  reprit son travail.

     

    Avec le soleil d’été et la luminosité des écrans, je me sentis gênée par des yeux très fatigués. SeN me réprimanda doucement sur mes excès d’ordinateur quand je lui parlai de troubles apparus sur l’œil droit. Je me limitai, ne parant qu’à ce qui me semblait minimum. Mon œil droit ne supporta plus la lumière des écrans en trois jours et tout à coup, en une journée à peine (ou une nuit), je devins aveugle de l’œil gauche. Un énorme rond noir l'envahit et je ne vis presque plus rien de mes deux yeux; le monde baignait dans un épais brouillard. Impossible de quilter, impossible de lire, impossible de regarder les écrans, impossible de supporter la lumière du jour ! Je commençais également à ressentir des tiraillements dans les bras. En moins d’une semaine, mon état se dégrada et je ne pus plus marcher.

     

    J’eus beau lutter de toutes mes forces, les béquilles furent inutiles en quelques jours, je ne cessais de tomber; il  n’y a pas de mot pour exprimer ce que je ressentais. Le corps m’échappait complètement, n’obéissait plus ; quand je tombais, j’oscillais entre rage et désespoir.  Mon retour chez les kinés  se révéla très vite improbable, tout allait mal. Il m’arriva de me traîner sur le sol afin de trouver un support auquel me tenir pour me relever ; j’étais souvent seule et le petit fiston n’avait pas les moyens de m’aider. Une après-midi où nous étions seuls, je tombai, il essaya de me soulever, il criait : « Mais maman, lève-toi donc ! Allez, fais un effort ! ». J’en pleurai, il y mettait tant de volonté, de courage et moi, je n’arrivais à rien  Je pus me hisser sur le canapé, tant bien que mal et il fallut attendre le retour de SeN pour qu’il cherchât un vieux fauteuil roulant conservé  dans un grenier familial.  Gilles m’avait conseillé de ne pas m’inquiéter avec des troubles fugaces ne durant pas plus de 24h et de passer par Colette en cas de besoin, je l’appelai donc. Devant l’évolution rapide de ma dégradation, elle le contacta  et lui expliqua longuement les derniers événements symptomatiques. Ils décidèrent d’une nouvelle hospitalisation dès libération d’un lit. En attendant, SeN aménagea une chambre au rez-de-chaussée car les escaliers m’étaient désormais impraticables et il installa une planche en travers de la baignoire pour ma toilette.

     

    Etrange situation : je me retrouvai dans le fauteuil de l’ancienne propriétaire de cette maison où elle vécût ainsi pendant des années après une attaque cérébrale qui l’avait laissée hémiplégique.  Cela a t-il un quelconque sens ?

     


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    Voici un dessin qui me perturbe  chaque fois que je tombe dessus; il est daté du 14 janvier 2006. Reflet de mon état d'esprit de ce début d'année, peut- il être annonciateur de quelque chose?




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  • de la modernité       et ses suites 
     
    Jeudi 15 mai, à 8h30, France Inter recevait Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie. Cette fois, j’ai pris des notes car certains de ses arguments venaient étayer ma réflexion. ( de la modernité,  de la décroissance   )

    En réponse à des questions d’auditeurs, il expliquait que nos sociétés se basaient  sur de mauvais critères pour évaluer leur réussite. Le Pib ne tient compte que des données de croissance en biens matériels alors que la qualité de vie et le bien- être des personnes ne sont pas du tout pris en considération. Or, rien qu’au regard du coût environnemental de nos modes de vie, il devient impossible d’envisager continuer à promouvoir une réussite par la possession de biens matériels. Les mesures de progrès actuelles sont erronées.

    Il préconise de changer les évaluations avec un PIB soucieux de la qualité de vie, du bien-être, de la culture, de l’écologie. Travailler plus n’est pas une solution et il cite l’exemple des Etats-Unis où les parents passent leur temps à travailler pour offrir le plus de confort matériel à une famille qu’ils ne voient quasiment pas. Cela génère des liens sociaux distendus et des crises profondes dans la société. Travaillons mieux pour accroître la qualité de vie, rendons nous heureux avec une société organisée sur d’autres bases plus humaines.

    Car oui, les humains ne peuvent vivre sans lien, nous ne sommes rien les uns sans les autres. Dans l’opulence matérielle et le désert affectif, un être humain se laisse mourir (merci cher Boris pour tes merveilleux livres qui ne sont pas des malheurs) Et oui, l’homme n’est rien en dehors de la nature, il en fait partie et l’ignorer n’amènera que sa perte, sa disparition. Oui, l’homme n’est rien sans parole, sans culture, sans transmission.

    Et quand donc saurons- nous être responsables de nous-même et des autres ?

     

    Pour écouter l’émission 


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  • Trois voisines discutent et partagent leurs soucis quotidiens, se soutenant les unes les autres ; il y a quelques jours, l’une d’elles évoque des séances de Qi Gong auxquelles elle assiste depuis plusieurs mois. C’est la grande surprise pour son interlocutrice qui lui fait part de son enthousiasme. Gentiment, la première lui propose de l’y conduire la semaine suivante… et voilà qu’hier soir, nous y sommes allées.

    Pour mon plus grand bonheur, j’ai participé à la séance. La mollesse des tapis n’a guère facilité mes problèmes d’équilibre mais j’ai persévéré. Nous avons travaillé sur le foie, organe en vedette au printemps et j’ai senti le corps me crier MERCI ! Entre étirement et déroulement, évacuation et relaxation, j’en ai profité pleinement. Je suis rentrée sereine, le corps dégourdi ; le fiston a également bénéficié de mon apprentissage avec un exercice du tigre pour évacuer la colère, drainer le foie, très utile à mon avis pour ce petit révolté de naissance.  Encore un essai dans 15 jours puis je compte bien terminer l’année et reprendre de plus belle en septembre, si possible ! Une belle aubaine dans cette contrée reculée et enclavée, avec chauffeur en prime !

    Croisons les doigts pour que ça marche !

    Et basta la maladie ! Elle ne m’empêche pas de faire ce qui me tient à cœur. 

     

     


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  •   Pendant les pénibles semaines de l’été 2006, je ne me suis pas arrêtée.

    A l’hôpital, j’eus besoin de dessiner ; n’ayant rien sur moi, une agent eut la gentillesse de me trouver du papier sur lequel j’ai couché l’image qui me trottait dans la tête. Comme souvent, les traits s’adoucirent ; je l’imaginais plus noir et lugubre, façon littérature fantastique de la fin du XIXe siècle ( la lecture du Dracula de Bram Stocker en version originale + les événements y sont évidents). J’ai assemblé mon sampler, premier patchwork digne de ce nom et quilté la moitié  à tout petits points jusqu’en août, entièrement à la main (la photo se montrera en temps voulu)

    J’ai terminé la rénovation d’une petite commode trouvée aux puces en tapissant les tiroirs de tissu et habillé un paravent après 5 années de réflexion, rien que ça . Sur la commode, il ne me reste plus qu’à trouver des boutons adaptés. Pas facile avec mes exigences.

     Dessin de juin 2006 (  si chiffonné en raison de ses voyages dans le fond du sac)


     

    Commode, chêne décapé et cérusé

     

    Un de ses tiroirs


     

    Le paravent

    Structure de SeN sur des plans personnels et tissu double face.


     

     


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  •  

    Pour illustrer Norvège août 2006
    Vue de Bergen

    Quai Bryggens

    Le train, une gare haute et ses paysages




    Le fameux fjord classé




    L'île familiale

    La cabane de pêcheurs

    Lieu de baignade

    Dame en costume au mariage.
    Elle nous a raccompagnés à Bergen en auto; ce fut très intéressant car elle avait appris le français à Genève dans sa jeunesse et nous avons pu allègrement discuter.


    Troll à gosses; il y en a partout!


    petit déj en bord de mer

    Il aurait été dommage de rater tout ça, non?


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  •   Il y a des occasions à ne pas rater et celle-ci en fut une. Je n’apprécie aucunement les voyages formatés où l’on ne fait que déplacer les modes de vie et de vue ; le contact avec les habitants du lieu parcouru me parait essentiel. Aussi, quand mon amie Sabine nous invita pour son mariage avec Kaspar, en Norvège, j’avais envisagé de profiter de l’aubaine pour organiser des vacances sportives et culturelles. En prévision, j’avais acheté tout le matériel de camping portatif pour randonneurs et des guides du routard afin de parcourir l’Allemagne, le Danemark et la Norvège en baroudeurs. La route ennuyait SeN, je cédai sur l’avion et préparai un programme d’entraînement sur plusieurs semaines afin de nous habituer  à des expéditions de haut vol. Avec les aléas de la santé, tout fut chamboulé et finalement, nous décidâmes de partir avec Martine et ses enfants, direction  Bergen 2e ville de  Norvège en avion, bus et voiture.

    Le séjour en soi fut très agréable. Nous logeâmes en auberge de jeunesse au cœur de la ville avec vue sur le port depuis la terrasse, nous visitâmes ce qui fit envie : le quai  de Bryggen  et le musée hanséatique , la Mariakirken, église remarquable du pays, Fløyljellet les hauteurs et son panorama, le marché aux poissons, le port, les quartiers aux maisons de bois, la léproserie ( moi seule), l’aquarium, le train de Myrdal à Flåm sillonnant  entre montagnes escarpées et vallées encaissées, le Nærøyfjord, classé au patrimoine de l’Unesco, avec cette brume qui créait une ambiance très fantastique, à la Tolkien . Nous prîmes les bus, le ferry pour rejoindre la cérémonie sur une île dans une petite église en bois, avec des membres de la famille norvégienne en costumes traditionnels.

    Le repas très convivial était multinational, nos jeunes mariés ayant vécu aux Etats-Unis, en Angleterre, en France, d’abord dans leur vie respective puis ensemble. Le buffet était fondé sur la nature et la tradition norvégienne. Il y avait un petit groupe de musiciens très couleur locale. Après la fête, nous dormîmes sous la tente au bord d’un bras de mer, réveil aux cris des mouettes, petit déjeuner entre pelouse et berge.

    Mon plus beau souvenir reste les deux jours sur l’île familiale du marié. A la nuit tombée, nous prîmes une petite barque à moteur et nous traversâmes les bras de mer dans l’obscurité, à la lumière des astres du ciel, entre les îlots pour rejoindre une petite cabane de pêcheur afin d’y passer la nuit. Au matin, nous cueillîmes des myrtilles, fiston délogea des crabes sous les galets et je me dorai au soleil sur le ponton en grignotant. Cet après-midi, je pris un bain autour de l’île, trop heureuse de ne pas avoir à subir les troubles qui me contraignaient tout au long du séjour : fuites urinaires, pertes d’équilibre, fatigue, oubliés dans l’eau de mer fraîche ! Car, oui, la maladie ne me lâchait pas  Très vite, peut être en raison de l’usage des toilettes collectives, je commençai à avoir des troubles urinaires. Ma petite tenue pour le mariage fut inondée et dans un coin, je pleurai si désolée de ne pouvoir profiter tranquillement de ces instants uniques, tenaillée par le triste constat de la maladie se rappelant sans cesse à moi. Chaque jour, je passais mon temps à essayer de gérer les vêtements, à courir aux toilettes, souvent trop tard. A mon grand dépit, je souillai le tapis de nos hôtes, mais que faire ? Comment expliquer une situation que nous ne comprenions pas nous-même ?  Je dus prendre une après midi pour aller aux urgences, le sang dans les urines ne présageant rien de bon, la douleur devenait insupportable. Souvenir très  particulier entre cette consultation en anglais, quand néophyte, on ne comprend pas toujours le jargon médical dans sa propre langue et les gentilles remontrances de la caissière de l’hôpital me sermonnant sur mon absence de carte internationale de Sécu… 

     Combien de fois ai-je perdu l’équilibre dans la marche ? Je ne saurais dire. Fatiguée de la marche, je semblais ivre, titubant dans la rue, à m’excuser auprès des personnes que je bousculais. J’avais dansé au mariage car j’aime danser depuis ma plus tendre enfance et je ne pouvais imaginer rester sur ma chaise. Malheureusement, je ne pus plus retourner à la tente, SeN dut me soutenir tout du long, mes jambes me lâchant sans cesse.

      De retour à la maison, je fus très fatiguée, ce voyage m’avait coûté.( physiquement et pas seulement financièrement parce que le coût de la vie en Norvège est de notoriété !)  Evidemment, seul SeN savait ce que j’avais enduré, il n’était pas question d’entacher la joie des mariés et de leurs convives.

     

    Avec le temps, j’ai compris quelle victoire a été ce séjour. Parce que la maladie ne m’a pas freinée dans ma volonté d’en savourer chaque instant, j’ai marché et visité ce que nous voulions, j’ai participé au mariage de mon amie, j’ai empli ma tête de souvenirs agréables et il me faut un effort pour me remémorer les mauvais passages. Il a pris d’autant plus de valeur qu’au retour,  la dégringolade s’est accélérée.

    Merci à Sabine et Kaspar, à Martine indécrottable optimiste et à tous ceux qui par leur simple présence m’ont offert un si précieux cadeau. Quant à SeN et mon garçon, je leur consacrerai un article particulier, il y a tant à dire de leurs mérites.

    photos


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